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Henri Pichette

Né en 1924, Pichette s’engage à vingt ans, trois jours après la Libération, dans un régiment d’infanterie algérienne. En 1945, il rencontre Eluard qui publie le premier Apoème dans l’Eternelle Revue. En 194 7, Gérard Philipe et Maria Casarès créent Les Epiphanies au théâtre des Noctambules dans une mise en scène de Roger Blin. Après la création de Nucléa au T.N.P. en 1952, Henri Pichette politise ses poèmes, mais réagit vivement, en 1956, aux événements de Hongrie. Après un séjour au Québec ( 19611963), il travaille aux nouvelles versions des Epiphanies et de Nucléa. Depuis quelques années, il prépare un grand livre, poétique et savant, sur le rouge-gorge.
A première vue, dans le respect des règles strictes de ce dictionnaire, Henri Pichette ne devrait pas y figurer. S’il fut le grand poète des années cinquante, celui qui, après l’explosion somptueuse des Epiphanies, sut jouer de toutes les cordes de la lyre, les distordre à l’extrême comme en tirer les harmoniques les plus pures, Pichette paraît être depuis longtemps déjà en retrait de la scène. Depuis dix ans, il n’a publié aucun livre de quelque dimension, hors une réédition des Epiphanies. Seulement ce retrait n’est pas renonciation à la parole. Il est ressour-cement et travail. S’il y a silence apparent, celui-ci est troué d’éclats qui attestent discrètement la présence, la permanence, qui annoncent le retour. D’abord, la version des Epiphanies de 1969 est nouvelle et ce travail s’inscrit dans une recherche actuelle. Des textes parus dans La délirante ou Fragments du Sélénite publié en édition bibliographique avec des lithographies de James Pichette montrent l’évolution, logique, vers une poésie éclatée en joyaux incandescents où la pureté du dire avive l’aigu de la révolte. Enfin l’œuvre en cours, Le livre populaire et savant du rouge-gorge familier s’annonce comme une vaste saga où, partant de la connaissance scientifique du rouge-gorge comme de ses représentations dans la légende populaire et la littérature, Pichette fera plus que célébrer un oiseau, il mettra en scène tout le jeu du réel et du mythe, de l’expérience et de l’imaginaire, de la langue et du poème. Ce livre, poétique au sens profond, marquera sans doute une étape nouvelle, capitale, dans la démarche de l’écrivain. Il ne s’en inscrit pas moins dans la continuité de celle-ci. Peut-on parler de continuité entre la langue crépitante, éclatante et éclatée, traversée par la révolte et le délire, illuminée par l’amour, des Epiphanies, les alexandrins des Revendications, souvent chargés d’un sens politique et le chant limpide, presque élégiaque des Odes à chacun c! En apparence non, et on a pu parler des différentes périodes de Pichette comme s’il y avait rupture de l’une à l’autre. Seulement, à lire l’œuvre dans son mouvement, à considérer ses coupures, ses retours et ses reprises, il apparaît que le verbe incendié et incendiaire des Epiphanies et la métrique rigoureuse de la plupart des Revendications ou des Odes à chacun sont les moments extrêmes d’une même poétique, où les thèmes (l’amour, la guerre, la révolte contre l’horreur et les massacres, la fraternité, la quête de l’autre ou de l’au-delà) jouent en miroir l’un de l’autre. Il y a une voix de Pichette, aux infinies modulations (du murmure au cri), mais dont le timbre singulier est toujours reconnaissable. Aussi bien dès son premier livre Les Apoèmes, toutes ces modulations s’annonçaient. Le germe de l’œuvre entière était là, d’entrée de jeu polyphonique et polysémique. Déjà le classicisme des poèmes ouvrant le recueil s’articulait parfaitement avec la prose lyrique, cassée, provocante, ruisselante d’images des textes suivants, et cette même articulation se retrouvera, plus tard, entre les deux parties de Nucléa. Dans la Lettre orangée à André Breton, Pichette dit que « le style doit prendre comme le feu » (s’il y a des lance-flammes, des lueurs d’apocalypse, des feux d’artifice dans Les Epiphanies, on peut aussi les reconnaître dans Les Revendications tandis que les odes font entendre le doux crépitement des feux de bois), mais il affirme aussi la double nécessité pour le poète de s’appuyer sur la tradition et d’atteindre le cosmique. De la cinquième Epiphanie au récent Fragments du Sélénite on reconnaît cette même quête du cosmique. Et si Pichette, pour la réédition de 1969 a remis Les Epiphanies sur le métier ce n’est point pour en rendre le ton plus classique, mais pour l’aiguiser, l’affûter avec une sûreté d’artisan dont le métier s’inscrit dans la tradition du «grand arbre français ». L’élan lyrique, l’explosion de l’image sont renforcés par la précision du trait, la densité du verbe. Enfin cette reprise des textes anciens (Pichette poursuit le même travail pour Nucléa et Les Revendications, est aussi entreprise de ressourcement, attestation d’une présence, assurance que le grand livre en cours sera l’épanouissement de l’œuvre déjà faite. ► Bibliographie
Apoèmes, 1947; Mercure de France, Le Point VéHque, 1950; Mercure de France, Les Revendications, 1958; Mercure de France, Tombeau de Gérard Phiiipe, 1961 ; Gallimard, Odes à chacun, 1961 ; Gallimard, Dents de lait, dents de loup, 1962; Gallimard, Ode à la neige, 1967; illustrations d'Etienne Hadju, Le livre contemporain et les bibliophiles franco-suisses. Fragments du Sélénite, 1974; lithographies de James Pichette, La Rubé-line, Théâtre : Les Epiphanies, 1948; Kra, 1969; Poésie/Gallimard, Nucléa, 1952; L'Arche, Essais : Lettres arc-en-ciel, 1952, L'Arche, Rond-Point, 1950, Mercure de France.

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