Hannibal
Hannibal (247-182 av. J.-C.). Fils aîné d’Hamilcar Barca, il fut le chef suprême des Carthaginois lors de la seconde guerre punique contre Rome. Hamilcar l’emmena en Espagne en 237, après lui avoir fait jurer une haine éternelle contre Rome, histoire qu’Hannibal a lui-même racontée. Quand Hasdrubal (1) fut assassiné en 221, l’armée élut Hannibal commandant en chef. Pendant deux ans, il étendit le pouvoir carthaginois en Espagne; en 219, il mit ensuite le siège devant Sagonte, cité alliée à Rome, précipitant ainsi, comme il s’y attendait, la guerre avec Rome. Son plan audacieux, qui consistait à envahir l’Italie avant Rome, faillit presque réussir ; après seize ans de guerre continue en Italie, il reçut en 203 l’ordre de retirer son armée invaincue et de défendre Carthage contre les Romains qui l’envahissaient. Battu finalement par Scipion l’Africain à Zama, en 203, il se réfugia à Carthage et exhorta à une paix immédiate. Après la conclusion du traité en 201, il mit en œuvre des réformes constitutionnelles et administratives à Carthage, qui tendaient à affaiblir le pouvoir des oligarques. Quand ses ennemis informèrent Rome qu’il conspirait avec Antiochos de Syrie, Hannibal partit rejoindre ce dernier, qui était au bord de la guerre avec Rome. Hannibal fut battu lors d’une rencontre navale à Sidé, s’enfuit ensuite en Crète, et de là chez le roi Prusias de Bithynie. Les Romains ne furent pas tranquille tant qu’il demeura en vie, et finirent par lui demander de se rendre. Hannibal, voyant que toutes les issues lui étaient fermées, s’empoisonna en 183 ou en 182. Reconnu comme l’un des plus grands soldats du monde, Hannibal excellait dans plusieurs domaines : c’était un stratège audacieux en même temps qu’un adroit tacticien ; il apprit à combiner l’infanterie et la cavalerie afin d’encercler l’ennemi. Par-dessus tout, il sut conserver la loyauté des troupes de mercenaires, même dans la défaite et les épreuves, et sa personnalité survécut aux accusations de perfidie et de cruauté qui émanaient des Romains.
Hannibal (246-183 av. J.-C.) ; général et homme d’État carthaginois.
Selon la tradition, H. avait 9 ans quand son père Hamilcar, sur le point de faire passer son armée en Espagne, lui fait jurer de ne jamais être l’ami des Romains. Cinquante ans plus tard, H., vaincu et exilé, rappelle à Antiochos III de Syrie, auprès duquel il s’est réfugié, ce serment qui avait décidé de sa vie et dicté sa conduite. Aîné de deux garçons (Hasdrubal le Barcide et Magon), précédé par deux sœurs, H. reçoit une éducation gréco-punique dirigée par le Spartiate Sôsylos et qui se déroule, pour l’essentiel, en Espagne du Sud dans les armées de son père. Ce dernier, aidé par son gendre Hasdrubal, y avait constitué un protectorat carthaginois afin de disposer des bases territoriales nécessaires pour la revanche contre Rome. À sa mort (229), H. étant encore trop jeune, Hasdrubal lui succède, accentue le caractère monarchique de cette principauté, y fonde une « nouvelle Carthage » (Carthagène) et signe en 226, avec une ambassade romaine, une convention aux termes de laquelle défense était faite aux Carthaginois de franchir l’Èbre en armes. En 222, Hasdrubal est assassiné par un Celtibère. H. est alors élu général par l’armée, choix que ratifient le peuple et le Sénat de Carthage : pas plus que son père, H. n’est un condottiere agissant pour son propre compte. Jusqu’à son exil en 195, il sera toujours régulièrement nommé par les autorités de Carthage, même s’il a une très large autonomie quant à la stratégie et à la diplomatie à adopter. En 219, H. s’empare de Ségonte, ville alliée de Rome ; en 218, il franchit l’Èbre avec 90 000 fantassins et 12 000 cavaliers. En toute conscience, le jeune homme s’engage dans une guerre qui allait durer dix-sept ans et qu’il domina par sa personnalité et son génie militaire. Eut-il un plan ? S’il n’est pas un idéologue (le désir de créer un « Empire gaulois », la volonté de consolider en Italie la démocratie sont anachroniques), H. a su néanmoins élaborer une stratégie, une politique et une diplomatie. La stratégie ? Attaquer Rome par la voie terrestre, un itinéraire imposé par l’infériorité navale de Carthage. La politique ? Passer des alliances avec les peuples voisins de Rome (les Gaulois) et séparer Rome de ses alliés italiens. La diplomatie ? Ouvrir de nouveaux théâtres d’opérations : la Grèce continentale, la Sicile (surtout après 216). En mai 218, H. quitte Carthagène en laissant le gouvernement de l’Espagne à son frère Hasdrubal. Malgré une résistance en Catalogne méridionale, il traverse les Pyrénées, la Gaule du Sud (le Rhône est passé non loin d’Orange), longe l’Isère, franchit les Alpes (par le col du Clapier ou par le Petit-Mont-Cenis) et surgit en Cisalpine, près de Turin. Il ne lui reste que 20 000 fantassins et 6 000 cavaliers : le prix de sa rapidité avait été élevé en pertes humaines. L’année 218 n’était pas terminée qu’H. bouscule un consul et son armée aux abords du Tessin, près de Verceil. Il obtient une victoire sur les rives de la Trébie. Hiver près de Bologne : des milliers de gaulois se mettent sous ses ordres. Traversée difficile des marais de l’Amo (217) : H. perd un œil (ophtalmie) et n’a plus qu’un seul éléphant, sa monture. Le 21 juin 217, il anéantit l’armée du consul Flaminius sur les bords du lac Trasimène, passe dans le Picenum, puis en Campanie d’où il se retire, harcelé par le dictateur Fabius Maximus (le « Temporisateur ») qui refuse le combat. L’été suivant, le 2 août 216, il extermine 8 légions à Cannes (70 000 Romains restent sur le champ de bataille), en Apulie, dans la bataille sans doute la plus célèbre de toute l’Antiquité et la plus étudiée dans les écoles de guerre (enveloppement par les ailes). Cependant il ne marche pas sur Rome qu’il n’est pas en état de réduire (faibles effectifs, pas de machines de guerre) et qu’il ne souhaite pas détruire, dit-il alors. Ce qu’il veut, c’est que Rome demande la paix et que, par un traité, la situation née de la première guerre punique soit renversée au profit de Carthage. Pour atteindre cet objectif, H. déploie, après Cannes, une intense activité diplomatique en Italie du Sud afin de détacher les peuples italiens de l’alliance romaine et de constituer une confédération italienne. Bruttiens, Lucaniens, Samnites, une partie des Apuliens et surtout Capoue et Tarente rejoignent H. Dans le même temps (215), H. conclut un pacte d’alliance avec Philippe V de Macédoine, attire à lui Syracuse où le vieux Hiéron II vient de mourir, encourage à la révolte des Sardes. Cependant l’Italie centrale reste fidèle à Rome, le Sénat intransigeant et le peuple loyal. Une stratégie à deux volets est mise en place à Rome : reprendre en main l’Italie, couper H. de ses arrières. En 211 Capoue est reprise, en 209. À chaque fois, les territoires sont confisqués, les habitants vendus comme esclaves ou déportés. H. se retire dans le Bruttium d’où il voit son isolement se renforcer. Une situation d’autant plus alarmante que Syracuse en 212 (épisode d’Archimède), Agrigente en 210, puis toute la Sicile sont contrôlées par Rome ; que la révolte sarde est définitivement matée en 209-207 ; que Rome, avec une alternance de succès et de défaites, mène la guerre en Espagne sous la conduite des Scipions (prise de Carthagène en 209, par le futur vainqueur d’H.) ; que son frère, Hasdrubal, qui, avec une armée de secours, renouvelle l’exploit de franchir les Alpes (fin 208), est écrasé et tué sur les rives du Métaure (207) ; qu’en 206, Philippe V finit par traiter avec Rome et qu’enfin en 205, le débarquement en Ligurie de son frère cadet Magon ne donne pas tous les résultats escomptés. Quoique invaincu, H. est, en fait, prisonnier de sa conquête. Dernière phase de la guerre : l’irruption en Afrique même (204) de P. Cornélius Scipion. En 203 Magon d’abord qui meurt pendant la traversée, H. ensuite sont rappelés par Carthage en Afrique. Échec des négociations, entrevue entre les deux capitaines, le choc a lieu à la fin de l’été 202, à Zama. Adaptant la tactique d’H. à Cannes aux circonstances, Scipion remporte une écrasante victoire. La paix est acquise en 201 : Carthage qui demeure un État indépendant doit livrer ses bateaux de guerre, sauf dix, et tous ses éléphants, payer 10 000 talents en cinquante ans et ne peut faire la guerre sans l’accord de Rome. Pour autant, H. ne se résigne pas. Élu suffète pour 196, soutenu par le peuple, il attaque sur le plan politique et sur le plan financier le Conseil des Anciens afin de pouvoir payer le tribut à Rome. En 195, H. se soustrait aux poursuites engagées par Rome et soutenues par les oligarques carthaginois, et prend la fuite : ses biens sont confisqués, sa maison rasée. H. trouve refuge à la cour du roi Antiochos III. Après la défaite de celui-ci à Magnésie (189), H. passe en Crète, puis à la cour du roi de Bithynie, Prusias, qui accepte de livrer H. aux Romains. Plutôt que de tomber entre les mains de ses ennemis de toujours, H. préfère se tuer. La figure d’H. dans l’histoire et dans la légende est si forte, son génie militaire si grand, son destin si extraordinaire que même chez ses ennemis, on rendit hommage à ses exceptionnelles qualités personnelles, à la mesure de son prodigieux défi.
Bibliographie : G.-Ch. Picard, Hannibal, 1967 ; S. Lancel, Hannibal, 1995.
HANNIBAL (v. 247-en Bithynie, 183 av. J.-C.). Général et homme d'État carthaginois (son nom signifie « Grâce au dieu Baal »), fils d'Hamilcar Barca. Il s'illustra au cours de la deuxième guerre Punique menée contre les Romains. Élevé dans la haine de Rome par son père qu'il accompagna enfant en Espagne, Hannibal devint en 221 av. J.-C. commandant en chef de l'armée carthaginoise. En s'emparant de Sagonte en 219 av. J.-C., ville espagnole alliée de Rome, il déclencha la deuxième Punique. À la tête de 40 000 hommes et de dizaines d'éléphants de combat, il franchit les Alpes et infligea en Italie une série de graves défaites aux Romains, dont la plus célèbre fut celle de Cannes (216 av. J.-C.). Mais, épuisé par ses combats et manquant de machines de siège pour s'emparer de Rome, Hannibal s'attarda en Campanie où il attendit vainement les renforts que le Sénat de Carthage, jaloux de sa gloire, lui refusait. Rome profita de ce répit pour reprendre l'offensive. Après une longue période de difficultés, Hannibal dut quitter l'Italie, rappelé par Carthage menacée par Sci-pion Émilien. Vaincu à la bataille de Zama (202 av. J.-C.) qui mit fin à la deuxième guerre Punique, convaincu que sa défaite était due à l'inertie du gouvernement carthaginois, Hannibal se fit élire suffète (haut magistrat). Appuyé par l'armée et le peuple, il tenta d'importantes réformes politiques, économiques et militaires. Dénoncé par ses ennemis aux Romains, il dut cependant s'enfuir et se réfugia en Syrie à la cour d'Antiochos III (vers 196 av. J.-C.) puis en Bithynie (nord-ouest de l'Asie Mineure) à la cour de Prusias, qu'il essaya lui aussi d'entraîner dans la guerre contre Rome. Lorsque des ambassadeurs romains obtinrent en 183 av. J.-C. qu'Hannibal leur fût livré, celui-ci s'empoisonna pour leur échapper. Il mourut à Libyssa, près de la mer de Marmara, où l'empereur romain Septime Sévère lui fit plus tard élever un tombeau. Voir Trasimène (Lac).