Géorgiques
Géorgiques (georgica, « agronomie »). Poème didactique de Virgile (en quatre livres de plus de deux mille hexamètres) écrit à l'imitation de l'ouvrage Les Travaux et les Jours de l'antique poète grec Hésiode. Virgile consacra sept années (de 36 à 29 av. J.-C.) à sa composition et le dédia à son patron Mécène. Sa dette à l'égard d'Hésiode est relativement faible. Les Géorgiques sont d'une pensée et d'une technique beaucoup plus sophistiquées et doivent quelque chose à la versification raffinée des poètes didactiques venus après Hésiode tels qu'Aratos de Soli et Nicandre. Le poète tira quelques renseignements factuels du manuel en prose de Varron, De re rustica («De l'agriculture») publié en 37 av. J.-C. (et il fut peut-être également influencé par son ton moralisant et patriotique). Virgile offre une ressemblance avec Hésiode en ce que son intention n'est pas de composer un manuel instructif à l'intention de ceux qui veulent être fermiers; il présente plutôt l'image de la vie du fermier (italien) comme un idéal : frugale et austère, sujette aux déconvenues, elle n'est pas libre de souffrances, mais, vécue en harmonie avec la nature et avec le plan divin des événements, elle est moralement satisfaisante et apporte les récompenses de la paix et de la satisfaction (II, 458 sqq.); elle constitue également le fondement de la grandeur de l'Italie. Pour Virgile, tout comme pour Hésiode, le dur travail, labor improbus, est essentiel ; il considère l'individu comme un rameur naviguant contre le courant qui le ramènera en arrière s'il ralentit son effort (I, 199). C'est peut-être envers Lucrèce que la dette de Virgile est la plus grande : il y fait allusion d'une manière indirecte (II, 490). Il rappelle ce poète non seulement par l'expression de sa pensée et son style, mais aussi par la passion avec laquelle il expose son sujet. Mais les Géorgiques n'en sont pas moins une réfutation de l'épicurisme de Lucrèce qui affirmait que les dieux n'intervenaient pas dans les affaires du monde; Virgile réaffirme la divine providence, et s'étend affectueusement sur les dieux de la campagne. Ce fut la profonde sympathie de Virgile pour toutes choses vivantes, et le sentiment qu'il avait du besoin des hommes de coopérer avec la nature, qui induisirent son traducteur anglais, John Dryden (1631-1700) à appeler les Géorgiques « le meilleur poème du meilleur poète», jugement que vient conforter la maîtrise pleine de maturité de l'expression de Virgile. Il faut donc considérer ce poème comme beaucoup plus qu'un guide pratique d'agriculture, ce que ses omissions et ses inexactitudes lui interdisaient d'être, et dont les « digressions » philosophiques auraient été hors de propos. Les critiques de l'Antiquité ont bien vite remarqué que le but de Virgile était de plaire plutôt que d'instruire. Le livre I traite de la production des moissons et des signes du temps, se terminant avec émotion sur une description des horreurs subies par l'Italie à la suite du meurtre de Jules César ; le livre II traite de la croissance des arbres, principalement l'olivier et la vigne, et il contient également de magnifiques louanges de l'Italie (136 sqq.) ; le livre III traite de l'élevage du bétail (concluant sur la description remarquable de la peste qui frappa le bétail dans les Alpes) ; dans le livre IV, Virgile décrit l'élevage des abeilles, traitant les abeilles avec une ironie affectueuse comme des exemples d'un corps civique idéal, «de petites Romaines» (parvi Quirites). L'ouvrage se termine sur l'épisode d'Aristée et l'histoire d'Orphée et d'Eurydice. Il est difficile de discerner les raisons de l'inclusion de cette dernière ; l'ancien commentateur Servius suggère, mais ce n'est guère plausible, que cette histoire fut écrite pour remplacer un panégyrique antérieur du poète romain Cornélius Gallus qui avait dû être expurgé en raison de sa disgrâce. Quelle qu'en soit la raison, il contient quelques-uns des vers les plus mémorables de Virgile, et l'effet produit par cet amour hautement individualisé, et malheureux du poète Orphée pour sa belle Eurydice, à la suite de la description de la vie ordonnée, affairée, utile et asexuée des abeilles, reste profondément touchant.