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FOUCAULT (vie et oeuvre)


Pour Foucault, le philosophe doit être un archéologue qui fait l'histoire des idées de la société moderne. Il mène son enquête notamment par l'étude des institutions et du savoir en tant qu'instruments de pouvoir, et à travers ce que la société rejette (la folie, le crime, la sexualité).
Philosophe et historien, Michel Foucault s'est attaché à faire la critique des institutions et du savoir en tant qu'instruments de pouvoir. Il s'inscrit par là dans la mouvance de révolte des années 1960-1970 contre l'autorité.
L'universitaire (1926-1961)
Militant et professeur au Collège de France (1962-1984)

OEUVRES

On peut diviser les oeuvres de Foucault en deux catégories: les ouvrages d'histoire et les ouvrages de philosophie. Même si, dans l'esprit du penseur, ces deux disciplines sont inséparables.
Histoire de la folie à l'âge classique 11961)
Dans cet ouvrage, qui constitue sa thèse de doctorat, Foucault retrace la naissance des institutions psychiatriques. Il montre comment, à partir du XVIIe siècle, le discours scientifique dominant, centré sur la raison, aboutit à l'exclusion des «fous» et à leur enfermement dans des asiles.
Naissance de la clinique (1963)
Dans le prolongement de l'ouvrage précédent, Foucault montre comment se constitue le «regard médical» par l'instauration d'un rapport de pouvoir entre le médecin et ses patients.
Les mots et les choses
Le sous-titre de cet ouvrage est «Une archéologie des sciences humaines». Il s'agit de faire un examen critique des sciences humaines et de la notion d'«homme» en tant qu'objet scientifique. Foucault part de l'idée que l'ensemble des connaissances scientifiques d'une époque repose sur une structure souterraine, une sorte de «socle» d'idées préconçues - qu'il appelle épistémè - qui détermine leur forme possible et leurs limites.
L'archéologie du savoir (1976)
Foucault tente de récuser la notion d'auteur ou de sujet dans l'histoire des idées et de montrer que les discours se produisent en quelque sorte d'eux-mêmes, de manière anonyme, autonome, à partir de conditions politiques, économiques, techniques, etc. données.
Surveiller et punir
Foucault retrace la naissance de la «société disciplinaire» à la fin du XVIIIe siècle. Le développement des prisons, l'accent mis sur la rééducation des criminels plutôt que sur leur châtiment marque pour Foucault le remplacement d'un pouvoir incarné par le roi par un pouvoir anonyme, «totalitaire», visant à surveiller l'ensemble de la société.
Histoire de la sexualité (1976-1984)
Cet ouvrage inachevé est composé de trois volumes. La Volonté de savoir se penche sur le développement du discours scientifique sur la sexualité à partir du XVIe siècle. L'Usage des plaisirs et Le Souci de soi examinent le regard que l'Antiquité portait sur les pratiques sexuelles.

EPOQUE

Exclusions et dissidences
Entre 1950 et 1960, en France, la philosophie est dominée par la polémique entre l'existentialisme (Sartre, Merleau-Ponty) et le marxisme (Garaudy, Kanapa). C'est aussi l'époque de la révélation des camps soviétiques et de l'édification du «Mur» de Berlin. La Guerre froide exige désormais de prendre parti: pour les marxistes «orthodoxes», qui ne soutient pas l'URSS soutient l'impérialisme américain. Aux exclusions du Parti communiste succèdent les premières dissidences. La question du pouvoir est au centre des débats, mais il s'agit plutôt des résistances au pouvoir.
La «nouvelle histoire»
Les années 1960 sont celles de l'épopée structuraliste (Lévi-Strauss, Barthes, Foucault). Une nouvelle façon de voir l'histoire est proposée, qui s'intéresse désormais aux «mentalités». La psychanalyse, l'ethnologie et la sociologie font l'objet d'un intérêt nouveau. C'est dans ce climat, qui annonce les événements de Mai-68, que Foucault se fait en quelque sorte l'historien des marginaux, expressions de la résistance au pouvoir.

APPORTS

Foucault a critiqué les formes modernes de savoir en montrant qu'elles étaient avant tout des instruments de pouvoir. Il a fait également l'histoire de la société moderne à travers ce qu'elle rejetait: la folie, le crime, la sexualité.
L'archéologie du savoir. Foucault a assigné un but nouveau à la philosophie: faire l'histoire des idées, en montrant que le savoir humain, contrairement à ce que pense la conception humaniste, n'est pas l'oeuvre du génie individuel et ne va pas dans le sens d'un progrès croissant, mais qu'il se constitue de manière anonyme et aléatoire à partir de structures profondes de pensée qu'il appelle épistémè.
Le militant. Pour Foucault, cette «archéologie du savoir» a aussi un but politique et même révolutionnaire. Il s'agit de critiquer les discours scientifiques et les instances d'où ils émanent en montrant qu'ils obéissent avant tout à une volonté de pouvoir.
L'historien. En s'intéressant à des sources inédites et souvent anonymes, comme les archives de procès, les règlements, les manuels, etc., Foucault a donné voix aux marginaux et à tout un pan du passé qui avait été ignoré par les historiens traditionnels.
Postérité-actualité. Par son analyse du savoir en termes de «structures», Foucault a contribué à «lancer» le structuralisme. Par sa critique du «pouvoir-savoir» et par son engagement militant en faveur des marginaux, il est apparu comme l'un des maîtres à penser de la génération de Mai-68.


FOUCAULT, Michel (Poitiers, 1926-Pa-ris, 1984). Philosophe français. Professeur au Collège de France, il a tenté, notamment à travers l'étude des institutions répressives, d'éclairer les différentes articulations du savoir sous-jacentes à une période donnée, ceci l'amenant à une nouvelle approche de l'histoire. Il fut en particulier l'auteur de Histoire de la folie à l'âge classique (1961), Naissance de la clinique (1963), Les Mots et les choses (1966), L'Archéologie du savoir (1969), Naissance de la prison (1975) et Histoire de la sexualité (3 vol., 1976-1984).


Un archiviste de la Raison : Michel Foucault

Il s’en faut d’un pas et d’une génération de plus pour que cette mise en perspective temporelle de la Raison passe de l’his­ toire à l’archéologie. Le projet de Foucault (1926-1984) est for­ mellement proche de celui de ses devanciers, qu’il déploie dans

Les Mots et les Choses (1966) et étaye dans L’Archéologie du savoir (1969). C’est l’apogée de son investigation proprement théo­rique dont il se détournera par la suite pour revenir à des préoc­cupations plus orientées vers des pratiques. Normalien, Michel Foucault séjourne à Stockholm — où il explore les archives de la Bastille et découvre une vocation — puis à Varsovie. Orienté vers l’histoire des sciences et la psychologie, il s’éloignera, dans ces domaines, des sentiers battus, introduisant une vision neuve sur la constitution de l’homme comme image et comme prati­cien du savoir. Porté par les mouvements de Mai 68, il acquiert une influence grandissante qui culmine dans ses leçons du Collège de France, mais dépasse largement les frontières.
La première différence significative d’approche introduite par Foucault, dans une lignée somme toute rationaliste, tient à ce qu’il ne se tourne plus vers les sciences physico-mathématiques pour soutenir son enquête, mais vers les sciences de l’homme, plus récentes, moins bien assurées. En retour, son hypothèse tient que l’homme que nous nous représentons être en provient.
La seconde différence est que la Raison, en titre, disparaît au passage, absente comme le roi dans le tableau de Vélasquez, Les Ménines, pris comme exergue pour Les Mots et les Choses. Déjà sus­pecte dans l’Histoire de la folie (1961), qui était sourdement une histoire incriminante de la raison, elle est ici démantelée ; elle travaille, mais non plus au nom de (la raison). Elle abandonne, si l’on peut dire, sa raison sociale, au profit de l'épistémè, qui en assure l’intérim, la fonction, sans en avoir le statut. L'épistémè nomme un code implicite, momentané et éphémère sous lequel un savoir s’organise et se valide un temps, donnant à l’homme pour ce temps une image corrélative. L’intérêt est que sont prises en compte, de la sorte, des rationalités subsidiaires, mais non négligeables, celles de l’économie, des sciences du langage, de l’histoire, oubliées par les philosophies précédentes. En cela Foucault innove utilement. Mais ^aboutissement laisse perplexe : en effet, si la raison est nommément absente de son procès, en revanche, s’y répète avec une certaine complaisance l'affirma­tion que l’homme, concept plus récent que la créature du même nom, n’est pas de toujours et sans doute pas pour toujours. Affir­mation vouée à faire antienne, dans ces années-là, dont le res­ponsable est, selon toute vraisemblance Lévi-Strauss bien plus tôt. Le message est-il alors que si l’homme est précaire, à plus forte raison, la raison qu’il supporte et dont il se prévaut, simple illusion anthropocentrique, en fait, de la représentation ? Est-il plutôt de jouer la raison contre l’homme, contre l’humanisme, comme un certain courant structuraliste, dans une alternative dure, disant que si la raison (la science) existe, c’est pour accré­diter que l’homme n ’existe pas ?
Mais n ’a-t-on pas justement depuis longtemps distingué comme humain, comme raison en l’homme, cette capacité de penser un temps où il n’était pas, où il ne serait plus, de s’éva­luer à une jauge qui l’excède, sous un regard, proprement, d’éternité ?


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