FORTUNE INFORTUNE FORT UNE

Marguerite d'Autriche, petite-fille de Charles le Téméraire, le célèbre duc de Bourgogne, aimait tendrement son mari Philibert le Beau. En 1502, elle eut le malheur de le perdre. Elle avait vingt-quatre ans et fut inconsolable. En mémoire du défunt, elle construisit l'admirable église de Brou, près de Bourg-en-Bresse, où l'on peut lire partout la devise qu'elle fit graver : Fortune infortune fort une. On a cherché de mille manières à interpréter ce jeu de mots comme les aimaient les gens d'autrefois dans leurs devises, même les plus sérieuses. Nous avons toutes les raisons de penser que «la dame infortunée voulait par là évoquer ses malheurs» et que la sentence, faite autour du vieux verbe infortuner (rendre infortuné), doit se comprendre : «La fortune (le destin) rend fort (grandement) infortunée une (certaine personne : Marguerite). » Toutefois, ne pourrait-on penser que le jeu de mots a été aussi conçu pour l'oreille afin de faire entendre le mot fors = «sauf, excepté»? Voir fors dans l'article forain. On peut alors entendre la devise (l'ouïr et la comprendre) : «Fortune infortune fors une» (Fortune = infortune excepté une... syllabe). C'est-à-dire : «De la fortune à l'infortune, il n'y a qu'un... pas», la syllabe qui sépare fortune d'infortune, la syllabe in, veut précisément dire pas, puisqu 'elle exprime la négation. Certes, nous lisons sur la devise fort et non pas fors. Mais on peut rêver et les jeux de mots sont faits pour cela...