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Fils (Sohn) - Schelling

Fils (Sohn)

• Figure de l’être-engendré qui engendre en retour le Père, à savoir la figure de ce qui n’est tel que pour avoir engendré. •• Le Fils détermine comme Père celui dont il est le Fils, en le faisant reculer d’une certaine façon dans le passé, le Père n’étant tel que d’avoir eu un Fils — d’où le dicton des alchimistes selon lequel « le fils du fils est celui qui était le père du fils ». D’avoir engendré, le Père ne fait pas que céder la place au suivant, mais s’assume comme en étant le fondement. Le Fils est une figure à la fois conciliatrice et solaire — Sohn pouvant s’entendre dans son assonance avec Versöhner (« conciliateur ») comme avec Sonne (« soleil »), qui, comme paradigme théologique (la deuxième des trois personnes de la trinité), se charge aussi d’un sens temporel : le rapport père / fils éclaire à sa façon la rapport passé / présent. L’advenue du Fils est recul du Père, au sens où on parle du recul d’une arme à feu. ••• Il appartient au Fils, comme le dit audacieusement Schelling, de « trancher » (scheiden) le Père, autrement dit d’opérer en lui une scission, d’ouvrir une crise, en tant que deuxième Personne ou Puissance. La doctrine schellingienne du Fils est évidemment christologique, et liée essentiellement à la kénose du Verbe, à l’exinanition, selon le message de l’hymne des Philippiens : le Fils de l’Homme a déposé sa forme divine pour prendre celle d’un serviteur, afin de médiatiser et de réconcilier Dieu avec l’homme. « Visible icône du Père invisible » selon l’expression paulinienne {Colossiens 1, 15), fini-infini, le Fils qui a cheminé souterrainement tout au long de la mythologie montre ou plutôt incarne la possibilité inhérente à l’infini de devenir entièrement fini sans préjudice de son infinité. La doctrine schellingienne a ceci d’apparemment hétérodoxe que le Fils semble à certains égards sauver le Père, comme si les thèmes théosophiques et alchimiques avaient concurrencé la stricte orthodoxie dans la spéculation trinitaire. Le rapport d’engendrement qui unit le Père et le Fils dans la théologie chrétienne est analogiquement, sur le plan philosophique, le rapport de la nature à l’esprit, et, au sein de la nature, de la pesanteur à la lumière. De Jacob Bœhme, Schelling hérite et reprend l’idée de la naissance éternelle du Fils.

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