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ÉTERNITÉ

Du latin aeternitas, « durée éternelle », « éternité ». Caractère de ce qui est soustrait au temps et au devenir (synonyme : intemporalité). • Dire de Dieu qu'il est éternel, c'est affirmer non pas qu'il dure et durera toujours (car ce serait encore le situer dans le temps), mais qu'il est absolument extérieur à toute détermination chronologique.


ÉTERNITÉ, n.f. (lat. aeternitas «éternité»). ♦ 1° Après Plotin (IIIe siècle) et Boèce (VIe siècle), saint Thomas d’Aquin exprime la nature de l’éternité en la séparant soigneusement de tout ce qui est temporel. Il rappelle d’abord que notre existence créée et limitée ne peut pas comprendre la vie infinie et parfaite de Dieu, c’est-à-dire l’éternité. Cependant notre intelligence, étant de nature spirituelle, «à l’image de Dieu», peut en avoir une notion, incomplète mais exacte. Il établit que l'éternité, c’est la «possession pleine, parfaite, simultanée de la vie infinie sans limite», c’est-à-dire absolue et totalement bonne. — Aristote avait déjà montré que Dieu est «Zôon ariston aïdion (Vivant parfaitement excellent, éternel)» ; c’est, disait-il, «une telle vie qui est Dieu» (Métaphysique A, 7) : cela signifie que l’Éternité est l’Être même de Dieu. — Saint Thomas développe cette vérité fondamentale et souligne que l’éternité ne doit pas être conçue à la manière d’une durée : ici comme pour tout ce qui se rapporte à Dieu, notre connaissance est d’abord négative ; puis, positivement, vue dans le rapport de création, l’éternité soutient dans l'être, fait être tout ce qui dure ; il faut dire, après Aristote : «Dieu est éternité», parce que l’attribut «Éternité» est la notion adéquate que nous avons pour appréhender l’Être incompréhensible (parce qu’infini et parfait) qu’est Dieu, quand nous voulons mettre les êtres temporels, créés, en rapport avec leur Origine. (Ce qui précède est le résumé, avec quelques citations, de la question 10 de la Prima pars de la Somme de théologie. Voir les conséquences dans les articles «Prédestination», «Providence». Voir en outre «Pérennité», «Permanence», «Sempiternité», qui sont à distinguer soigneusement de «Éternité».) Saint Thomas précise enfin que, lorsque l’on attribue à Dieu des termes qui concernent des moments différents du temps, c’est en tant que son Éternité soutient la totalité du temps, et non pas que lui-même serait soumis au changement par présent, passé et futur (même question 10, art. 2) ; tout est pour lui dans un éternel présent. ♦ 2° Au XVIIe siècle, Spinoza dira aussi que l’éternité, c’est l’existence même de Dieu ; «ni la durée, ni le temps ne peuvent l’exprimer, même si l’on suppose la durée sans commencement ni fin» (Éthique, I, définition 8). ♦ 3° Jacques Maritain, au XXe siècle, la définit en ces termes : «L’éternité contient et mesure le temps tout entier en le possédant d’une manière indivisible, et ainsi tel événement futur, qui n’existe pas encore en lui-même et dans sa durée propre, est déjà actuellement présent dans l’éternité, avec tous ceux qui l’ont précédé et qui le suivront, ils sont tous là comme termes de l’action créatrice qui sans ombre de succession les fait se produire successivement, et comme indivisiblement possédés et mesurés par l’instant éternel qui est la durée propre de cette action. Il n’y a rien de futur pour Dieu. «Il suit de là que Dieu ne prévoit pas les choses du temps, il les voit et en particulier les options et décisions libres de l’existant créé, qui en tant même que libres sont absolument imprévisibles ; il les voit, dans l’instant même qu’elles ont lieu, dans la pure fraîcheur existentielle de leur émergence à l’être, dans l’humilité de leur propre instant d’éclosion» (Court Traité de l'existence et de l’existant, p. 142). ♦ 4° À côté de cette conception d’une éternité supra-temporelle d’inspiration thomiste, qui est un attribut divin, il y a l’éternité temporelle d’un monde qui n’aurait pas commencé et qui ne finirait pas. Certains penseurs, qui se situent dans la tradition de Duns Scot, considèrent qu’un Dieu personnel doit avoir pour attribut l’éternité temporelle, afin de voir son œuvre telle qui l’a faite.
 
ÉTERNITÉ

On définit volontiers l’éternité comme une durée indéfinie, un temps soit linéaire, soit parfois cyclique (Eternel Retour) sans commencement ni fin. Or, cette définition, qui fait référence à la « sempitemité » de l’Univers, s’oppose à celle, plus philosophique, qui assimile l’éternité à l’intemporalité, à ce qui est soustrait au devenir. En ce sens Platon dit que le temps n’est que l’« image mobile de l’éternité immobile » (Timée).

♦ Il n’y a pas d’expérience humaine directe de l’éternité, bien que le sage spinoziste prétende l’expérimenter en lui par la raison. La phénoménologie contemporaine essaie de retrouver l’image de l’éternité à travers le temps vécu dans un « éternel présent » (Lavelle) dont les trois modalités pour la conscience seraient le « présent du passé, le présent du présent et le présent de l’avenir » (ibid). Le structuralisme, de son côté, fait à sa manière une approche de l’éternité en privilégiant la synchronie sur la diachronie.

éternité, caractère de ce qui est en dehors du temps. — L'éternité se distingue de l'immortalité, qui désigne la permanence indéfinie au-delà de la mort (immortalité de l'âme, d'une œuvre). Le sentiment de l'éternité nous est donné dans certains instants privilégiés : l'amour, l'aventure, et en général le bonheur, lorsque l'homme vit totalement dans le présent et oublie le passé et l'avenir. Selon les stoïciens ainsi que les philosophes Spinoza et Fichte (à partir de 1804), seule la réflexion philosophique peut nous conduire à un tel état de béatitude, au sentiment de l'éternité.


ÉTERNITÉ (n. f.) 1. — Durée indéfinie, sans commencement ni fin. 2. — Caractère de ce qui est soustrait au devenir et au temps : opposée à temporalité.

L'éternité, ça dure très longtemps ?

Oh oui. L’éternité fait peur car elle trop longtemps. Qu’allons-nous faire là-haut pendant tout ce temps ? Au « désir du ciel » peut faire place la crainte d’un ennui éternel. En un mot : mortel. Cette vision déprimante ne coïncide pas du tout avec celle de la littérature biblique et patristique (les Pères de l’Eglise). La plupart des textes soulignent au contraire le caractère enviable et désirable du ciel. Il s’agit d’un bonheur qui n’aura pas de fin, contrairement à nos expériences fugaces. Dans ses Homélies sur le Cantique des cantiques, Grégoire de Nysse résume ce mystère : « Celui qui monte ne s’arrête jamais d’aller de commencement en commencement par des commencements qui n'ont pas de fin. » Une sorte de cercle vertueux à l’image de la découverte amoureuse. Dans ses Homélies sur l’Ecclésiaste, il ajoute que « chercher n’est pas une chose et trouver une autre, mais le gain de la recherche, c’est la recherche même... » L’évangéliste saint Jean évoque lui aussi ce processus dynamique : « La vie éternelle, c’est de te connaître ». Le ciel serait donc une ligne de départ. Platon en a le pressentiment quand il distingue V éros pandèmos (la recherche des jouissances sensuelles) et l’éros ouranios (la quête du bonheur spirituel). Le vrai bonheur dépasse les instants de plaisir. Dans la tradition chrétienne, la vie des élus ne sera que du bonheur... qui grandit à mesure qu’il reçoit satisfaction. C’est le message d’un saint Pierre Damien. « Toujours avides et toujours rassasiés, les élus ont ce qu’ils désirent: la satiété ne devient jamais fastidieuse, et la faim qu’entretient le désir ne devient jamais douloureuse... »

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