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esclavage

esclavage. Un esclave est la propriété légale d'un homme qui exerce un droit absolu sur toutes ses activités. Il n'a en fait aucun droit et son statut de possession (outil vivant, selon la phrase d'Aristote) est souvent exprimé par le terme « esclave marchandise ». 1. En Grèce. Il ressort clairement des tablettes en linéaire B que les esclaves existaient lors de l'âge de bronze grec ; on en trouve dans L Iliade et L 'Odyssée d'Homère. Depuis l'époque d'Homère, l'institution de l'esclavage a été considérée comme un fait acquis tout au long de l'histoire ancienne grecque. Même les philosophes qui croyaient en la fraternité humaine (les cyniques et les stoïciens) ne s'y opposèrent jamais, pas plus que ne le firent les premiers chrétiens, en grande partie parce qu'ils se désintéressaient des considérations matérielles. Les esclaves eux-mêmes, sauf dans certains cas particuliers (voir infra) ne se rebellaient pas contre leur destin. On s'approvisionnait en esclaves de deux manières différentes : par la guerre et la conquête, qui incluaient la piraterie, du fait des Grecs et (en particulier) des Romains eux-mêmes; et grâce à des marchands d'esclaves dont c'était l'unique activité, les esclaves étant soit les victimes de guerres entre les nations barbares, soit acquis, achetés : l'historien grec Hérodote dit que les Thraces, par exemple, vendaient leurs enfants pour en faire des esclaves, et cette pratique n'était pas unique. Les marchands d'esclaves semblent avoir été régulièrement et abondamment approvisionnés. Aux yeux de leurs propriétaires, tous les esclaves étaient, jusqu'à un certain point, des étrangers ; les Athéniens ne réduisaient pas d'Athéniens en esclavage, ni des Romains d'autres Romains. En fait, en Grèce comme à Rome, la plupart des esclaves n'étaient ni grecs ni italiens. Il n'existait pas d'occupation spécifiquement servile : les esclaves pouvaient exécuter des tâches et se livrer à des occupations qui, à l'occasion, étaient exercées par des hommes libres. Bien que les esclaves n'eussent pas de droits politiques, on les utilisait à Athènes comme secrétaires et employés de police dans la bureaucratie de l'État (en petit nombre à Athènes si l'on compare aux effectifs de ceux qui étaient employés à Rome sous l'Empire). Ils ne se battaient pas pour leur pays (d'adoption), sauf en temps de crises graves durant lesquelles on commençait par les libérer, ils étaient alors engagés comme conscrits dans l'armée ou la marine. Les esclaves qui se battirent pour Athènes à la bataille des Arginuses en 406 reçurent en récompense la citoyenneté. Les esclaves entraient rarement dans une profession, bien qu'il y eût des esclaves docteurs (qui soignaient peut-être principalement d'autres esclaves). Une très grande partie d'entre eux étaient utilisés à des tâches domestiques, auxquelles on n'employait pratiquement aucun homme ou femme libre, et en quantités qui, vues à notre époque moderne, semblent incroyablement abondantes. Tous ceux qui n'étaient pas très pauvres employaient au moins un esclave. Dans un passage bien connu, Libanios, rhéteur grec du IVe siècle apr. J.-C., décrit l'état d'appauvrissement de ses professeurs qui supportaient de lourdes hypothèques, ou qui vivaient dans des logements semblables à ceux de « cordonniers », à peine assez riches pour se permettre de se marier, et encore moins d'avoir des enfants, endettés vis-à-vis de leur boulanger, vendant les bijoux de leur femme pour joindre les deux bouts, et capables de subvenir aux besoins de trois esclaves au maximum, peut-être seulement deux ou même pas cela. Il se peut que des esclaves sur lesquels on pouvait compter à des postes de commande aient pourvu eux-mêmes à leurs besoins : à Athènes, au IVe siècle av. J.-C. l'esclave Pasion, qui dirigeait la banque de son maître, gagna sa liberté et même la citoyenneté et hérita de la banque, devenant ainsi l'un des hommes les plus riches d'Athènes; quand il se retira, il laissa la banque en gérance à son propre esclave affranchi, Phormion. On ne sait au juste dans quelle mesure, en Grèce, on employait les esclaves aux travaux des champs et on n'entend guère parler d'esclavage agricole. Dans le cas de l'Attique, il est vraisemblable que des esclaves furent employés en grand nombre dans les fermes de propriétaires terriens importants aussi bien que petits. On employait couramment des esclaves dans l'industrie. Tous les artisans et les commerçants qui en avaient les moyens achetaient au moins un esclave et le formaient au métier de son maître afin de pouvoir se retirer dans leur vieillesse et vivre des bénéfices du travail de l'esclave. Certains citoyens possédaient des entreprises considérables avec un personnel d'esclaves. Le père de Démosthène (l'orateur) possédait trente-deux esclaves couteliers et vingt femmes de ménage; les frères Lysias (l'orateur) et Polémar-chos possédaient une usine de bou cliers qui employait presque cent vingt esclaves; c'est le plus grand établissement industriel dont nous ayons entendu parler en Grèce. La location d'esclaves à des établissements industriels était une importante source de revenus d'investissement pour les riches : le propriétaire conservait les gages des esclaves, et son bénéfice provenait de la différence entre les gages de chaque esclave (une drachme ou une drachme et demie par jour) et son entretien (selon les normes, trois oboles, c'est-à-dire une demi-drachme par jour). Comme le prix moyen d'un esclave, sans qualification spéciale, n'était que d'environ cent soixante drachmes, cela offrait un bon revenu au capital du propriétaire. Il semble aussi qu'il ait été fréquent que des propriétaires d'esclaves dans l'industrie les laissent travailler indépendamment et conservent pour eux le reliquat de leurs gains après avoir payé à leurs propriétaires un prix de location de deux ou trois oboles par jour. «Vivre séparément» (choris oikoun-tes) devint le terme technique pour décrire les esclaves travaillant dans ces conditions. On utilisait intensivement la main-d'œuvre servile dans les mines d'argent du Laurion, et la propriété d'esclaves se livrant à ce travail était très lucrative. On dit que le général Nicias a donné en location mille esclaves faisant fonction de mineurs au prix d'une obole par jour. Bien qu'il soit difficile de trouver des chiffres fiables relatifs à l'importance de cette population dans le monde antique, les calculs les plus fiables indiquent que, à la fin du IVe siècle av. J.-C., la population servile d'Athènes se montait à environ 20 000 personnes, c'est-à-dire un esclave pour trois personnes libres adultes. D'autres sont arrivés à un nombre très supérieur. L'historien athénien Thucydide raconte que, pendant les dix dernières années de la guerre du Péloponnèse, une fois que les Spartiates eurent installé un poste fortifié à Decelea, à seulement vingt-deux kilomètres (14 milles) d'Athènes, plus de vingt mille esclaves, principalement des ouvriers spécialisés, désertèrent chez l'ennemi. Il y avait certainement un très grand nombre d'esclaves à Athènes prêts à s'enfuir même au prix d'un avenir incertain. On prétend parfois que la grande disponibilité du travail servile réduisait les gages des hommes libres ; bien qu'il soit impossible de réfuter cette affirmation, les preuves suggèrent que, sauf dans le cas du travail dans les mines, qui occupait un très grand nombre d'esclaves, possession d'un nombre relativement faible de propriétaires d'esclaves, en général, les propriétaires désireux de faire des bénéfices s'attendaient à recevoir autant pour le travail d'un esclave que ce que recevait un travailleur libre pour le sien ; les comptes relatifs à la construction de temples montrent que les mêmes gages étaient payés à des esclaves donnés en location qu'à des travailleurs libres. C'est ainsi qu'excepté dans les mines, où une exploitation cruelle généralement associée au travail servile était évidente, les esclaves et les hommes libres travaillaient sur le même pied. Les hilotes de Sparte et les penes-tae de Thessalie, population indigène réduite à la servitude par les envahisseurs qui avaient conquis leur pays, entraient dans une autre catégorie d'esclaves. Celle-ci constitua toujours une menace pour les dirigeants qui ne cessaient de craindre des révoltes. Alors que l'importante population servile de l'Attique, par exemple, était ethniquement mêlée et ne pouvait s'unir en vue d'une cause commune, les hilotes partageaient une langue commune et un sentiment de conscience nationale (pour la révolte des hilotes de 462). On dit que l'Athénien Critias, vers la fin de la guerre du Péloponnèse, a essayé de mobiliser les penestae contre leurs maîtres thessaliens. Une autre catégorie, beaucoup moins importante, est celle des esclaves pour dettes, et susceptibles sous certaines conditions d'être vendus comme esclaves à l'étranger. Cette dernière catégorie cessa d'exister à Athènes, après la législation de Solon au début du VIe siècle, mais on continua à en trouver des traces ailleurs en Grèce. Bien qu'un esclave appartînt en toute propriété à son maître et pût être traité comme n'importe quel autre bien meuble, vendu, légué ou donné, il ne semble pas qu'il fût permis au propriétaire de tuer un esclave, bien qu'il lui fût permis de le battre ou de lui infliger d'autres mauvais traitements. À Athènes, l'une des rares protections d'un esclave était de chercher asile au Théséion et de demander à être vendu à quelqu'un d'autre; les temples et les autels fournissaient également un asile aux esclaves tout comme aux hommes libres. Toute personne qui blessait un esclave devait payer une compensation à son propriétaire. Le témoignage d'un esclave n'était admissible devant un tribunal que s'il avait été obtenu sous la torture; on estimait que l'esclave ne dirait la vérité que quand la crainte ou une torture nouvelle l'emporterait sur la crainte de son maître. Comme les femmes, il arrivait que les esclaves fussent exclus des cultes religieux, mais pendant les Anthesté-ries, à Athènes, et à la fête de Cronos (durant le mois d'hécatombaion) on leur donnait du moins congé, et ils étaient autorisés à manger avec leurs maîtres. On peut se demander pourquoi des esclaves tels que Pasion (voir supra) étaient préférés à des hommes libres dans des postes tels que ceux de directeurs de banque, où la responsabilité était si lourde. Tous les Grecs, ou du moins tous les Athéniens, prisaient au plus haut point l'indépendance, et considéraient comme humiliant d'accepter un emploi qui impliquait un service personnel envers un maître; ils estimaient que cela équivalait à l'esclavage. De leur côté, les employeurs préféraient sans doute utiliser leurs propres esclaves ou leurs affranchis qu'ils connaissaient bien et sur l'obéissance de qui ils pouvaient compter. L'emploi d'esclaves à des postes de responsabilité prit une importance particulièrement marquée sous l'Empire romain. On n'a pu réunir que très peu de renseignements sur la progéniture (ou le mariage) des esclaves à Athènes, dans quelles conditions elle se produisait, et si elle était considérée comme économiquement valable. Une personne dont les parents étaient esclaves était elle-même esclave de naissance. S'il le désirait, un maître pouvait donner sa liberté à un esclave : tout ce que l'on exigeait à Athènes était une simple déclaration devant témoins. Les esclaves qui «vivaient séparément» espéraient gagner assez d'argent pour acheter leur liberté. L'ancien esclave, lorsqu'il devenait un homme libre, était enregistré non comme un citoyen (c'était le cas à Rome), mais comme un métèque (un étranger résident). Certaines conditions étaient parfois liées à sa liberté, ainsi l'affranchi devait continuer à rendre des services à son ancien maître (à comparer avec affranchissement). 2. A Rome. L'institution de l'escla vage existait à Rome depuis les temps anciens, mais le nombre d'esclaves que possédaient les Romains ne prit de l'importance qu'à partir du IIe siècle av. J.-C., lorsque les guerres constantes, de même que la piraterie débridée, amenèrent des centaines de milliers de captifs sur le marché. On sait que Paul Émile vendit 150 000 esclaves après sa victoire de Pydna en 168 av. J.-C. et que Jules César en vendit une fois 53 000. D'après Stra-bon (XIV, 5, 2) Délos devint un grand marché d'esclaves, capable d'admettre et de répartir 10 000 esclaves par jour. Tout comme à Athènes, les esclaves étaient utilisés à grande échelle dans les mines ; Polybe note que 40 000 esclaves travaillaient à son époque dans les mines d'argent près de Carthagène en Espagne (milieu du IIe siècle av. J.-C.). C'est dans l'agriculture que l'emploi des esclaves au cours du IIe siècle av. J.-C. était le plus remarquable. L'expansion territoriale avait eu pour résultat dans les classes supérieures romaines, sénatoriale comme équestre, l'acquisition de vastes richesses qu'elles investissaient dans la terre. De grands domaines virent le jour, et des paysans fermiers furent obligés de vendre leurs petites propriétés; les nouveaux propriétaires préféraient en général utiliser une main-d'œuvre servile bon marché qui convenait au fonctionnement de leurs domaines, plutôt que des ouvriers libres dont ils ne louaient les services qu'au moment de la moisson ou des vendanges. Quand les grandes guerres de conquête arrivèrent à leur terme, dans la période qui suivit la mort de l'empereur Auguste (14 apr. J.-C.) et que l'instauration de la loi et de l'ordre supprimèrent la piraterie, les principales sources d'esclaves cessèrent d'exister. Il existe des preuves selon lesquelles le nombre d'esclaves se multiplia à cette époque, en dépit du fait que plusieurs années devaient s'écouler avant qu'un enfant esclave ne devienne un atout économique. (Dans la première moitié du IIe s. av. J.-C., Caton le Censeur, dans sa ferme idéale, n'aurait autorisé que le régisseur des esclaves à se marier.) Le prix des esclaves augmenta ainsi considérablement. Sous Auguste, Horace parle de cinq cents drachmes comme d'un prix moyen pour un esclave ordinaire (comparer, supra, avec les 160 payés à Athènes), et de l'équivalent de deux mille drachmes comme prix d'un beau garçon connaissant un peu le grec. Dans l'ensemble, sous l'Empire, les esclaves coûtaient trop cher pour être employés à des fonctions non qualifiées, mais il était encore profitable de les employer à des travaux spécialisés. Au IVe siècle apr. J.-C. c'étaient des hommes libres et non des esclaves qui étaient employés dans les mines, et, bien que l'on trouvât encore des esclaves dans l'agriculture et au service de l'État, ils étaient rares dans l'industrie privée : dans les usines, on trouvait des ouvriers qualifiés libres. Il est clair que l'on élevait encore des esclaves, à tel point que sur certains domaines existait l'institution d'un esclavage héréditaire. Mais cela était un héritage du passé qui devenait rapidement exceptionnel. Vers la fin de l'Empire, les esclaves en vinrent à ressembler à des hommes libres de par leur position sociale comme économique; dans l'industrie également, les esclaves spécialisés en raison de la forte valeur qu'ils représentaient en capital recevaient des encouragements économiques qui rapprochaient de très près leur position de celle des artisans libres. La condition générale des esclaves romains était très voisine de celle des esclaves grecs. Ils n'étaient autorisés à assister qu'à un faible nombre de cultes religieux, tels que celui de la déesse Fortuna. Ils avaient peu de vacances. Un esclave pouvait recevoir sa liberté en échange de ses bons services ou pouvait l'acheter en accumulant des économies, peculium mais, s'il s'enfuyait et était repris, il pouvait être marqué au fer rouge ou mis à mort. S'il était libéré de l'une des façons légalement prescrites, il devenait un citoyen romain. L'affranchi (libertus) continuait à appartenir à la famille de son ancien maître (patronus) et les deux étaient liés par des obligations mutuelles. L'affranchi assumait le nomen («nom») et le praenomen («prénom») de celui qui l'avait libéré, ajoutant généralement son propre nom cognomen. Les affranchissements étaient très fréquents. Trois grandes révoltes d'esclaves eurent lieu au cours de l'histoire romaine (et ne furent écrasées qu'avec peine), les deux premières en Sicile (v. 139-132 et 104-100 av. J.-C.) à une époque où de grandes quantités d'esclaves de même nationalité étaient réunies. La troisième eut lieu en Italie, en 73-71 av. J.-C. et fut dirigée par Spartacus. Un grand nombre d'esclaves de nationalité et de langue communes avaient alors été réunis. Les esclaves impliqués visaient à s'emparer d'un territoire et à y vivre librement, et non pas à détruire l'institution de l'esclavage. Il existe peu de renseignements fiables sur le nombre d'esclaves à Rome, et encore moins dans toute l'Italie, aux diverses époques; de même qu'à Athènes, il se peut qu'ils se soient montés à environ un esclave pour trois membres de la population adulte libre.

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