Databac

DROITS CIVIQUES

DROITS CIVIQUES Au lendemain de la guerre civile que fut la guerre dite « de Sécession » (1861-1865) le 13e amendement de la Constitution américaine (1865) abolissait l’esclavage, le 14e (1868) proclamait l’égalité des droits et le 15e (1870) octroyait le droit de vote aux Noirs. Mais cette égalité sera toute théorique, et le droit de vote restera lettre morte durant des décennies. En effet, les États américains du Sud promulguèrent au cours des années suivantes les lois dites « Jim Crow » qui institutionnalisaient la ségrégation raciale et multipliaient les obstacles à la participation électorale des Noirs. Et dans son arrêt Plessy contre Ferguson rendu en 1896, la Cour suprême développa la théorie dite « séparés mais égaux » (separate but equal), qui eut pour effet de légitimer le système de la ségrégation raciale. Du « Civil Rights Act » à l’« affirmative action ». Il fallut attendre les années 1950 et surtout les années 1960 pour que le mouvement en faveur des droits civiques connaisse ses premiers succès. En 1954, l’arrêt de la Cour suprême Brown contre Board of Education of Topeka juge inconstitutionnelle la ségrégation raciale dans les écoles publiques. Peu de temps après, un incident d’apparence anodine connaît des répercussions inattendues : le 1er décembre 1955, dans la ville de Montgomery dans l’Alabama, une femme noire nommée Rosa Park refuse de laisser sa place à un Blanc. La communauté noire organise alors, sous la direction de Martin Luther King, un jeune pasteur qui prône la non-violence, un boycottage des autobus de la ville. En novembre 1956, la Cour suprême juge inconstitutionnelle toute ségrégation dans les transports en commun ; et, en 1957, le Civil Rights Act (loi sur les droits civiques) autorise le gouvernement fédéral à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger le droit de vote de l’ensemble des citoyens. Cette même année, le pasteur King fonde la Southern Christian Leadership Conference (SCLC) en vue de fédérer un certain nombre de groupes revendiquant l’égalité des droits civiques. Cette organisation, souvent en association avec le Student Non-violent Coordinating Committee (SNCC), devient le fer de lance d’un mouvement qui prend une ampleur grandissante. En 1960 et 1961, les premières grandes marches sont organisées à Washington et dans d’autres villes américaines. Elles permettent de mobiliser la population noire ainsi qu’un nombre croissant de Blancs, en particulier parmi les étudiants, lesquels se rendent en masse dans les États du Sud pour aider les populations noires à s’inscrire sur les listes électorales. L’autre volet du mouvement pour les droits civiques concerne l’affirmative action. L’expression, que l’on peut traduire par « discrimination positive » ou « traitement préférentiel », apparaît pour la première fois dans un décret signé en 1961 par le président John F. Kennedy (1961-1963). Elle signifie qu’une politique de compensation est nécessaire pour remédier à la discrimination passée, car l’égalité formelle et la reconnaissance des libertés fondamentales se sont jusque-là montrées insuffisantes pour assurer l’intégration des minorités historiquement opprimées. Ainsi, à compétences égales, le secteur public est tenu d’embaucher le candidat noir de préférence au candidat blanc. Les avancées législatives de la présidence Johnson. Le mouvement des droits civiques connaît ses plus grands succès sous la présidence de Lyndon B. Johnson (1963-1969), qui avait fait de l’intégration politique, sociale et économique des Noirs (lesquels allaient constituer 13 % de la population américaine en l’an 2000) l’un des éléments essentiels de son programme pour une « grande société ». Le Civil Rights Act de 1964 interdit toute discrimination en matière de logement, d’emploi ou de participation électorale, et autorise le département de la Justice à refuser toute subvention fédérale aux collectivités locales coupables de discrimination. La même année, le 24e amendement de la Constitution bannit la poll tax (taxe électorale), qui décourageait les électeurs les plus pauvres de voter. Et en 1965, le Voting Rights Act interdit les « tests électoraux » (ceux par exemple qui imposaient comme condition préalable à l’éligibilité de vote un certain niveau d’alphabétisation). Le mouvement pour les droits civiques (dont le leader incontesté, M. L. King obtient le prix Nobel de la paix en 1964) constitue alors une véritable force politique. En 1971, la Cour suprême donne son feu vert à une expérience de « busing », lancée en Caroline du Nord et destinée à forcer l’intégration scolaire. Le principe consiste à faire venir tous les jours, dans des autobus gratuits, les écoliers des quartiers noirs dans les écoles publiques à majorité blanche, et réciproquement. Malgré une forte opposition de la part des communautés locales, cette intégration forcée a lieu grâce à l’appui tant des tribunaux que des autorités fédérales. D’autres catégories de populations - ethniques (hispaniques, asiatiques, etc.) ou non (femmes, homosexuels, handicapés, etc.) - adopteront par la suite le langage et les tactiques du mouvement des Noirs pour les droits civiques, et deviendront au fil des ans les bénéficiaires des lois contre la discrimination. Mais une contre-offensive finit par prendre forme. De nombreux Américains se rangent à l’idée que l’affirmative action constitue une discrimination à rebours. Certains procès à grand retentissement débouchent sur la clarification du principe - sinon sur l’affaiblissement de l’impact - du traitement préférentiel. Ainsi le « cas Bakke » (du nom d’un étudiant blanc dont l’admission avait été refusée par la faculté de médecine de l’université de Californie alors que des étudiants noirs aux résultats scolaires inférieurs aux siens avaient été admis) aboutit à une interdiction des quotas d’admission sur une base raciale, sans toutefois contester le principe de l’intégration. D’autres acquis sont également critiqués. Ainsi, les opposants au « busing » ne manquèrent-ils pas de relever que sa conséquence principale a été la fuite des classes moyennes blanches vers l’enseignement privé ou vers les banlieues « homogènes ». En septembre 1999, un juge fédéral de Caroline du Nord a mis un terme au « busing », sous prétexte que la mission d’intégration était désormais accomplie.

Liens utiles