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DIDEROT (Denis)

DIDEROT (Denis). Ecrivain français (1713-1784), dirigea la rédaction de l'Encyclopédie, passa du déisme au matérialisme athée. Auteur de pièces de théâtre et de romans qui se lisent encore aujourd'hui (Jacques le fataliste, le Neveu de Rameau) ; ses Salons font de lui l'un des premiers critiques d'art. Fit le voyage de Russie (1779) pour remercier Catherine II de ses bienfaits.

Denis Diderot naît le 5 octobre 1713, à Langres. Son père, bourgeois aisé, est coutelier. Cet homme pieux voudrait que son fils soit prêtre. Élevé par les jésuites, il se fait remarquer par son talent précoce et sa facilité : il fait les devoirs de ses condisciples comme, plus tard, il écrira les livres de ses amis. Mais Denis n'a pas la vocation (il a cependant été tonsuré) et obtient, à 19 ans, après de brillantes études de philosophie et de théologie à Paris, le diplôme de maître ès arts. II entre chez un procureur. Mais le droit l'ennuie autant que la théologie. Son père, qui n'apprécie pas cette indépendance, l'a privé de sa pension, et Denis dorme des leçons de latin et de mathématiques ; précepteur chez un financier,, il ne tient pas plus de trois mois, ne pouvant supporter l'assujettissement de ses fonctions. Ayant fait en 1741 un mariage d'amour avec Antoinette Champion, une lin-gère, ce qui fâche davantage son père, il devient traducteur d'ouvrages anglais pour faire subsister son foyer et payer son écot dans les cafés littéraires où il côtoie Buffon, Voltaire, d'Alembert et Jean-Jacques Rousseau. Il écrit aussi des sermons pour prédicateurs en manque d'éloquence et « emprunte » de l'argent à des prêtres en leur faisant croire qu'il va entrer au séminaire... Car il doit faire vivre deux ménages: il entretient aussi une maîtresse ! En 1746, entre le Vendredi saint et le lundi de Pâques, il écrit les Pensées philosophiques, que le Parlement condamne au feu : le curé de sa paroisse l'a dénoncé à la police comme un « homme très dangereux qui parle des saints mystères de notre religion avec mépris ». Il en faut plus pour impressionner le philosophe. En 1748, il écrit — mais fait paraître anonymement — Les Bijoux indiscrets (roman grivois qui mêle allusions à la vie de la Cour et considérations sur l'art et la morale) ; en 1749, il donne sa Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient, où il professe ouvertement l'athéisme. Diderot est enfermé trois mois et demi au donjon de Vincennes, mais y est bien traité et peut y recevoir les visites de ses nombreux amis. En sortant de prison, Diderot entreprend de construire son monument : l'Encyclopédie. On lui a proposé, en 1447, d'adapter l'Encyclopédie de l'Anglais Chambers. Il demande l'aide de d'Alembert, mathématicien prisé dans les salons, qui rédigera la préface, de Buffon, de Montesquieu, de Jean-Jacques Rousseau (articles sur la musique), de Necker, etc. Voltaire, qui entraîne d'autres auteurs, propose aussi ses services rédactionnels. Diderot lui-même, se souvenant qu'il est fils d'artisan, se charge de la rédaction des « arts et métiers ». La plus grande aventure intellectuelle du xviiie siècle — le premier dictionnaire moderne — est lancée. Le premier tome paraît en 1751 et le second l'année suivante. L'Encyclopédie est, pour la première fois, mais non la dernière, condamnée par les autorités. Cette « guerre » entre philosophes et pouvoir va durer vingt ans, avec, en première ligne, Diderot. Car lorsque les persécutions vont se déchaîner, Diderot restera seul face aux attaques venues de toutes parts : de l'archevêché de Paris à l'Académie française, c'est à qui accablera le plus l'entreprise. Robuste, ardent, infatigable d'esprit et de corps, Diderot fait front et refuse de fuir en Russie, comme le lui recommandent ses amis. La protection de Choiseul, de Malesherbes et de Mme de Pompadour lui permet de continuer à faire paraître l'Encyclopédie qui va occuper, sans les remplir, trente années de sa vie. Tout en courant dans les ateliers pour étudier les arts et les métiers qu'il veut décrire, il publie, en 1754, ses Pensées sur l'interprétation de la nature, tente de rénover le théâtre par ses drames, Le Fils naturel (1757, joué en 1771) et Le Père de famille (1758), où, par une recherche exagérée du naturel, il tombe dans le genre faux et larmoyant ; il se fait critique de peinture dans ses Salons, modèle du genre (comptes rendus des expositions de peinture et de sculpture faites au Louvre, dans lesquels il invente la critique d'art), publie un éclatant dialogue, Le Neveu de Rameau (1762) ; il prête aussi sa plume à des auteurs moins talentueux. Car si l'Encyclopédie enrichit son éditeur, elle lui rapporte peu. D'ailleurs, Diderot est brouillé avec l'argent : il ne sait ni l'amasser ni le garder. Ce philosophe bon vivant, qui bénéficie de la protection; des politiques éclairés, reçoit ses amis, Voltaire, Grimm, les peintres Greuze et Chardin... et la noblesse européenne dans les salons des autres, son acariâtre épouse lui faisant des scènes constantes. Il a rencontré, en 1756, Sophie Volland, avec laquelle il entretient une Correspondance pittoresque et pleine de vie. En 1765, il est obligé de vendre sa bibliothèque : l'impératrice de Russie Catherine II, qui l'admire, la lui achète, et l'engage comme bibliothécaire en lui versant cinquante années de salaire ! Il marie sa fille unique en 1772 (ses trois autres enfants sont morts en bas âge, dont un fils que sa marraine a laissé tomber sur les marches de l'église, le jour de son baptême !) et l'aimée suivante se rend à la cour de Catherine II, en Russie, où pendant un an son impertinence et ses étincelantes digressions enchantent la souveraine qui le comble d'attentions et d'honneurs. Ses romans licencieux datent de cette époque: Jacques le Fataliste, La Religieuse... Revenu en France, sa santé étant devenue précaire, il écrit moins, mais fait toujours autorité dans les cercles philosophiques ; depuis 1758, il est fâché avec Rousseau, mais Voltaire, qui l'a en grande estime, le consulte au sujet de ses pièces. Son ami d'Alembert meurt en 1783. Début 1784, il est victime d'une fluxion de poitrine, puis d'une crise d'apoplexie qu'il diagnostique lui-même, après avoir appris la mort de Sophie Volland. Son état semble lentement s'améliorer jusqu'au matin du 31 juillet 1784, où ce gourmet, qui a toujours avoué son goût pour la gastronomie, s'éteint rue de Richelieu, à Paris, en dégustant une compote de cerises. Tête bouillante un peu désordonnée, écrivain brillant, ce génie de la littérature française a été philosophe, conteur, homme de théâtre, critique, épistolier, et doué pour tous les genres, tant par l'originalité de ses idées que par la profondeur de sa culture et de ses intuitions : l'ampleur de son œuvre ne cessera de surprendre.

DIDEROT Denis

1713-1784

1. L’homme.-2. Un « créateur de formes ». -3. Un « créateur d’idées ». - 4. Diderot critique. - 5. Conclusion.

Philosophe, auteur dramatique et romancier, né à Langres.

L'homme

Fils d’un coutelier ; destiné à l’état ecclésiastique, et tonsuré dès l’enfance, il fait ses études au collège des jésuites à Langres. Puis à Paris. Après quoi, il décide de refuser tout métier ; il sera écrivain. D’où rupture avec son père, roturier fier de sa classe : l’écrivain n’est-il pas l’homme qui dépend d’un mécène aristocratique ? Pourtant le jeune Diderot voit les choses bien autrement : pas de métier, mais non plus de mécène. Il invente donc un métier nouveau ; à l’écrivain pensionné et protégé il substitue l’homme vivant de sa plume, qu’on appellera bientôt (plus noblement) « homme de lettres ». Besogneux, sinon misérable au début, il le restera peu ou prou jusqu’à son entrée dans l’équipe de gestion de l’Encyclopédie (1746). Il est alors âgé de trente-quatre ans et il a surtout musé longuement ; lu, plus encore ; épousé une jeune lingère ; fait le « nègre » en réécrivant des sermons pour des religieux sans idées ; bavardé avec des écrivains, débutants comme lui, tels que l’abbé Condillac, Rousseau et Grimm ; effectué ce qu’on appelle (très tristement mais très justement) des travaux de librairie, dont un Dictionnaire de médecine de James, qu’il traduit pour le compte de trois « libraires ». C’est la chance de sa vie. Les trois éditeurs le présentent à leur confrère Le Breton, qui, après plusieurs essais désastreux (Mills, et un professeur au Collège de France : Gua de Malves), cherche un compilateur possédant son métier, et, mieux encore, aimant ce genre de travail assez peu aimable en soi. Pendant vingt ans, Diderot sera le principal ouvrier (salarié) de l’Encyclopédie ; mais par ruse de guerre il a fait embaucher, à ses côtés, d’Alembert, membre de l’Académie des sciences et « géomètre » déjà célèbre, lequel va servir à cet « esprit brouillon » de Diderot - doublé d’un trublion - de caution tout à la fois scientifique et morale. En outre il trouve le temps d’écrire ses Pensées philosophiques (1746), puis un « conte oriental » fort léger, Les Bijoux indiscrets (anonyme, et publié « au Monomotapa », 1747), enfin et surtout, en 1749, la scandaleuse Lettre sur les aveugles (Pour ceux-ci, dit-il par exemple, il est très important de ne pas prendre de la ciguë pour du persil, mais nullement de croire ou de ne pas croire en Dieu). Ce qui vaut à l’encyclopédiste quelques ennuis ; dont un emprisonnement, bénin d’ailleurs. Il est prié d’être prudent. Dans l’ensemble il le sera désormais tout au long de sa vie, mettant son oeuvre véritable au tiroir. Et, de fait, à part la représentation en 1761 du drame Le Père de famille, qui est un insuccès mérité, Diderot ne fait guère figure d’écrivain créateur. Qu’importe, les éditeurs de l'Encyclopédie le talonnent ; au surplus il ne cesse de maugréer (Sedaine me dit hier : Oui, mais votre métier, vous y mettez votre âme. Je ne nie pas que le métier ne gagne à cela : mais moi, j’y perds). L’entreprise, en effet, triomphe. Et les souscriptions affluent. Pour qui ne retiendrait que les faits apparents (suppression des deux premiers volumes parus, décrétée par le Conseil d’Etat en 1752 ; scandale, en 1758, de l’article « Genève » rédigé par d’Alembert, qui aussitôt abandonne, ainsi que Rousseau ; révocation du privilège par le Conseil d’État et condamnation par le pape en 1759), il semblerait qu’une affaire d’aussi vaste envergure, menée par un homme à l’esprit aussi notoirement subversif, ait été déraisonnable et vouée à l’échec dès le départ. Mais, au fil des années, les idées sont d’abord devenues « idées-forces » ; puis elles ont renversé le rapport des forces. Pouvoir temporel et pouvoir spirituel, coalisés, rendent longtemps la vie intenable à l’équipe des rescapés de 1759, mais finiront par s’essouffler, impuissants à barrer la route à ce « roman par alphabet » dont tout ce qui lit, en France et dans toute l’Europe, attend la suite. Il n’est pas de noble qui ne se flatte d’être souscripteur. Malesherbes, dont dépend la censure, se sent plus proche des encyclopédistes que de leurs adversaires. Et, pour finir, les jésuites (auteurs, au surplus, de l’ouvrage concurrent : le Dictionnaire de Trévoux) sont expulsés de France en 1762 par l’effet d’un vigoureux mouvement d’opinion, dont l’origine se trouve précisément dans l'Encyclopédie. Ce n’est pas Voltaire qui aura réussi, selon sa célèbre formule, à « écraser l’infâme », c’est-à-dire à vaincre l’esprit de dogme et, par suite, le principe du droit divin : c’est ce livre, qui dès le Prospectus (oeuvre de Diderot, 1750), dès le Discours préliminaire (oeuvre de d’Alembert, 1751), annonce, entre les lignes, son but (On a trop écrit sur les sciences ; on n’a pas assez bien écrit sur les arts libéraux, presque rien sur les arts mécaniques, affirme le Prospectus.) Or, le public s’intéresse de plus en plus à ces « arts » : l’œuvre en chantier se prétendra donc essentiellement vouée à la glorification des « arts mécaniques » et des « arts libéraux ». En fait, jouant sur les mots, Diderot et son équipe passent sans répit, et sans prévenir, du progrès des premiers (machinisme, technique manufacturière) alors agréé par tous, au progrès des seconds, c’est-à-dire des lettres, de la philosophie et de ce que nous appellerions aujourd’hui les sciences humaines. En clair, ce n’est pas autre chose qu’une remise en question de la morale, laquelle ne saurait être qu’immuable, puisque d’ordre divin. Ce n’est que plus tard (quelque cinq ans après le début de la publication) que les pâles intellectuels dévoués au régime, les Fréron, les Moreau, les Palissot, s’en avisent. En 1757, pamphlet de Moreau contre les «Cacouacs», et attaques renouvelées dans la revue de Fréron L’Année littéraire ; enfin succès de la comédie satirique de Palissot, Les Philosophes, en 1760. Mais ils n’ont pas réagi assez vite, ni de façon assez éclatante ; et malgré les interdictions successives, par accord tacite, l’Encyclopédie se poursuivra désormais jusqu’à son terme. Y collaborent (outre d’Alembert) Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Condillac, Daubenton, Turgot, Lamarck, Monge, Condorcet, Necker, etc. L’essentiel de la rédaction est assuré par de plus petits seigneurs et surtout par le chevalier de Jaucourt, intrépide compilateur toutes catégories. Quant à Diderot lui-même, il va contribuer, selon J. Proust, immensément à l’œuvre commune, dont il est en outre le réviseur, l’administrateur, enfin le commis voyageur aussi enthousiaste qu’efficace. En 1765, paraissent les derniers volumes de texte et dès lors s’ouvre la carrière littéraire proprement dite de Diderot. Une pension de 300 livres à lui accordée par Catherine de Russie, son admiratrice, va d’ailleurs permettre à cette œuvre tentaculaire du philosophe, du critique d’art, de l’auteur dramatique et du romancier, d’être, désormais, presque toujours anonyme (chaque fois, tout au moins, que la prudence le lui commandera) sinon délibérément posthume. Il reprend plusieurs romans dont Le Neveu de Rameau, le plus connu aujourd’hui de ses chefs-d’œuvre (commencé deux ans plus tôt, en 1763, mais qu’il ne terminera qu’en 1779, cinq années avant sa mort) et les Principes philosophiques sur la matière et le mouvement (1770), qu’il tient pour le plus dangereux parmi ses nombreux ouvrages de métaphysique. En outre il se remet de plus belle à sa torrentueuse correspondance littéraire, amoureuse et « philosophique », inaugurée en 1759 avec Mlle Vol-land ; mari bien inégal, il a vite délaissé sa première maîtresse, l’intrigante et très philosophe Mme de Puisieux, mais il restera fidèle à cette amie de la maturité, la douce (et également philosophe) Louise Volland, qu’il rebaptisera symboliquement Sophie. En 1772, il marie à regret sa fille, qu’il a élevée selon ses doctrines personnelles et dont il est fou à lier. En 1773, il part pour la Russie et reste sept mois auprès de l’impératrice qui l’a invité depuis plusieurs années, et qui lui a inspiré son Plan d’une université (terminé en 1775 : l’école y est considérée comme la pierre de touche d’un État libre ; aussi la veut-il obligatoire, indépendante de l’Église, gratuite à tous les degrés, et aussi scientifique que littéraire). Quand meurt, en 1784, Sophie Volland, l’amie qui avait depuis un quart de siècle alimenté une grande part de la volumineuse et savoureuse Correspondance du philosophe, il en est si affecté qu’il ne lui survit que de quatre mois. Diderot (isolé sur ce plan, au milieu de ses grands contemporains, Montesquieu, Voltaire, Rousseau) nous apparaît comme un homme extraordinairement doué sur le plan physique : de complexion sanguine, de vaste appétit, de haute stature; enfin, d’un naturel jovial et « bon-garçonnier ». Pour le reste, il ne laisse pas d’être le plus hypersensible, le plus excité de toute l’équipe : frémissant, si ce n’est suant. Son feu perpétuel, cet enthousiasme, dont il est la première victime, mais dont il entreprendra la défense et l’illustration dans Le Paradoxe du comédien, les transes même du génie ne réussissent pas à entamer une vitalité à toute épreuve, et se bornent à équilibrer sa propension trop forte à l’empâtement physique, sinon à l’empâtement moral (ou comme on dit de nos jours : à l’embourgeoisement). Il tient ces deux éléments opposés de sa nature, l’igné et le tellurien, pour également nobles et il le proclame sans modestie : C’est un certain tempérament de bon sens et de chaleur qui fait l’homme sublime.

Un « créateur de formes »

Ce tempérament (au sens étymologique, c’est-à-dire ce mélange bien dosé d’humeurs) n’apparaît jamais sous un jour plus éclatant que dans les dialogues ; partie de son œuvre qu’on pourrait qualifier globalement de personnelle, ou mieux : de subjective, en ce sens que l’auteur y renonce à cacher qu’il s’agit en fait, sous des masques ou prétextes divers, de lui-même et de ses propres préoccupations. Ici, notre chaleureux philosophe se laisse envahir par sa verve. « Quoi qu’on ait pu penser de cet écrivain, ses amis et ses ennemis tombèrent d’accord sur ceci que pour la vertu orale, la vitalité, la puissance, l’esprit, la multiplicité et l’enjouement, nul ne l’a jamais dépassé » ; ainsi parle Goethe (traducteur, en outre, d’un Essai sur l’art de notre auteur) dans ses commentaires du Neveu de Rameau, dont un jour il lit le texte prêté par Schiller - une copie - et qu’il décide aussitôt de traduire (1804). Ce « dialogue », ainsi le désigne explicitement Diderot, est (avec Jacques le Fataliste, écrit en 1773, autre œuvre dialoguée, plus libre encore dans son architecture) ce que notre homme a fait de plus fort en matière de romans. Le lecteur entraîné, sinon malmené, secoué, par ce tumultueux débit d’images et d’idées (par la faconde, aussi, de l’inoubliable « neveu ») ne songe pas même à demander à l’auteur des comptes sur la conduite logique du récit. On aime tant de nos jours ces « dialogues » du Neveu et de Jacques le Fataliste qu’on en oublierait ses deux romans proprement dits, Les Bijoux indiscrets, délicieux pastiche de Crébillon fils (1747) et même La Religieuse (1760, posthume) : œuvre tout aussi riche par sa matière, mais moins typique que Le Neveu ou Jacques de la manière jaillissante et bousculante de cet auteur, véritable poète baroque au siècle du Bon Goût. Le même phénomène se produit lorsqu’on aborde la lecture du théâtre de Diderot. Certes ses pièces construites selon les règles, Le Père de famille et Le Fils naturel (représentées en 1761 et 1771) sont a priori pleines de mérite : 1° création d’une formule neuve, le drame bourgeois, qui substitue le tiers état aux princes et demi-dieux de la tragédie classique ; 2° élimination de l’analyse des « caractères éternels », au profit d’une étude de l’homme actuel, en fonction de son rôle social (ou, comme dit curieusement Diderot: de sa condition; Sartre dira « l’homme en situation »). Mais en dépit de tant d’initiatives hardies, ces drames bourgeois se révèlent aussi niaisement moraux que, plus tard, les pièces à thèse de Dumas fils au siècle « bourgeois ». Par bonheur Diderot compose à côté, par jeu, quelques scènes dialoguées : Est-il bon, est-il méchant ? (1781, publié en 1831) qui est en quelque sorte un autoportrait ; et aussi le savoureux Supplément au voyage de Bougainville (1772), véritable essai poétique et philosophique, nullement destiné à la scène. On y voit le Tahitien Orou répondre par les mots les plus naïfs, ou les plus crus, aux scrupules sexuels et aux dévots préceptes d’un aumônier de l’équipage; Giraudoux dans son Supplément au voyage de Cook (1938) retrouvera l’audacieuse naïveté et la verdeur de cette morale sauvage. La formule du « dialogue » est si chère à Diderot qu’elle s’introduit même dans les ouvrages de philosophie proprement dite (ajoutons que le Tahitien Orou pratiquait déjà fort bien la dialectique) ; par exemple l'Entretien entre d’Alembert et Diderot et ses deux annexes (1769). Mais cette fois, en matière de philosophie, les dialogues ne sont plus seuls à fournir à l’œuvre de Diderot ses « chefs-d’œuvre ».

Un « créateur d'idées »

À vrai dire, tout ce versant de sa production est encore fort négligé - voire ignoré, souvent - dans le cadre des programmes scolaires en France, bien qu’à elle seule, l’œuvre proprement philosophique alimente depuis plus de trente ans la presque totalité des travaux critiques consacrés à Diderot. Ce sont d’abord les Pensées philosophiques (1746) et la Lettre sur les aveugles (1749), puis De l’interprétation de la nature (ouvrage capital, 1754), le Traité des couleurs (une sorte de philosophie de l’art qui part d’une base « concrète », 1765 ; titre et thème général qui seront repris par Goethe). Puis en 1769, la magistrale trilogie de « dialogues » : l’Entretien entre d’Alembert et Diderot, Le Rêve de d’Alembert, Suite de l'Entretien ; ces trois opuscules tout au moins, d’un abord plus facile, mériteraient d’être étudiés dans les « lycées et collèges » (avec quelques coupures, sans doute, car ils sont assez hardis, de plus d’un point de vue). Puis les Principes philosophiques sur la matière et le mouvement (1770) ; et enfin les Éléments de physiologie (1766-1779, qui sont en grande partie des essais de psychophysiologie ; mais, à cette époque, le mot n’existait pas). Encore n’avons-nous cité que quelques œuvres (représentatives, dans des genres différents). Est-il possible de résumer ici l’évolution de ses idées? De tels schémas sont toujours bien infidèles : et, pis encore, insipides. Disons que le jeune Diderot part d’un déisme à la Voltaire : vague, mais sincère puis bientôt, sous l’influence de Spinoza, dévie sur une sorte de panthéisme où déjà transparaît le scepticisme et, très vite, l’athéisme pur et simple. Mais ce n’est là qu’un début : la négation de la religion n’est-elle pas alors, dans le secret de l’Encyclopédie, la moindre des choses? Or Diderot, quant à lui, fonde sa négation de Dieu sur une construction, fort solide, une conception d’ensemble de l’univers, une cosmogonie ; discutable elle aussi, comme toute doctrine. Mais, sans conteste, étonnamment cohérente. Et surtout, neuve ! Ayant posé à l’origine du monde l’existence de la matière, qualifiée (très hardiment) de sensible, en puissance d’abord, et puis en acte, il émet l’hypothèse que cette matière a subi mille faux départs, mille poussées anarchiques et sans résultat, puis a été amenée - toujours par ses propres tâtonnements - vers quelque organisation momentanément viable. De proche en proche, alors, depuis le sidéral jusqu’au minéral, et de là vers le végétal puis vers l’animal (car tout minéral est déjà plus ou moins plante, certains organismes comme le corail, l’actinie ou l’éponge étant situés aux confins des deux états), la matière se différencie. Par transformation des molécules, c’est-à-dire par élimination des malfaçons non viables et par adaptation progressive de certaines autres, elle essaie des organes de plus en plus complexes (organes de reproduction, de digestion, d’élimination) et jusqu’à des organes de sécrétion de la sensation (tactile, gustative, etc.), voire de sécrétion de la pensée. (De la chair, ou de l’âme, comme dit ma fille ; formule surprenante, et délibérément telle, que Diderot jette au passage dans son premier Entretien de 1769, et à quoi l’on comparera, dans les Lettres à Sophie Volland, 10 août 1769 : L’âme, me répondit ma fille ? Mais on fait de l’âme quand on fait de la chair). Conséquence pour l’homme de cette vision du monde : les espèces animales et l’espèce humaine en particulier ne sont pas immuables, mais, au contraire, se transformeront, puis céderont la place à d’autres formes sous un nom inchangé, comme les individus eux-mêmes ; la mort d’un homme n’étant, en fait, qu’un phénomène de vie, qu’un aspect de la vie, une phase de la perpétuelle transformation de l’humanité. (Par contre les molécules constitutives, elles, sont immortelles ; cette idée de l’éternité de la molécule était toute nouvelle alors.) Il s’ensuit sur le plan sociologique que la vie d’un individu, et sa mort même, doivent être considérées non pas en soi, mais replacées dans l’ensemble : dans l’évolution globale de l’espèce homme. La grande famille humaine - ainsi qu’il dit encore - doit être considérée comme une entité qui dépasse l’individu (L’individu passe, mais l’espèce homme n’a pas de fin). Par suite, à l’idée traditionnelle de l’« immortalité de l’âme », on substituera la notion d’une immortalité de l’homme, en fonction de quoi les individus sont tous dépendants les uns des autres par nature, et (par pur intérêt d’abord) sociables. En résumé, chez Diderot, la métaphysique (ou mieux, puisque l’absolu y est inutile, la vision cosmogonique de la nature) aboutit, à travers l’anthropologie, à une physique sociale, car, dit-il, la vie sociale est tout. Notons à ce sujet que ses deux travaux les plus importants, vers la fin de sa vie, seront le Plan d’une université (qu’il veut consacrer par priorité aux sciences de l’homme) et surtout les Éléments de physiologie (exemples à l’appui de son thème du transformisme par adaptation) qui vont l’occuper, en grande partie, durant ses vingt dernières années. Quoi qu’on puisse penser de ce corps de doctrine (car c’en est un ; universellement « compréhensif »), soulignons qu’il est ennemi de toute systématisation et fondé sur un ensemble d’observations de caractère expérimental ; ce qui l’amène par induction à dégager un principe fondamental : l’unité de la nature. Au total, c’est là sans aucun doute la plus solide contribution de ce XVIIIe siècle littéraire à la philosophie au sens actuel du terme, les trois autres « héros » de ce siècle des philosophes, Montesquieu, Voltaire et Rousseau, n’étant en fait que des hommes de lettres, passionnés de politique ou d’histoire. Or cette contribution est d’autant plus inattendue sur le plan de la connaissance que, de son propre aveu, Diderot est par nature un lyrique, incapable (en matière de littérature proprement dite) de concevoir un livre autrement que sous pression, dans la chaleur de l’émotion. Tout chez lui, en effet, et jusqu’aux idées philosophiques, est lié à sa « nature » : à son tempérament, à son imagination. Et il s’en est expliqué lui-même. Mon objectivité, dit-il en substance, a des limites ; et d’abord mon principe de l’unité de la nature est indémontrable : simple hypothèse, et purement provisoire : Qui ne se sentirait porté à croire [notons le mot] qu’il n’y a jamais eu qu’un premier être, prototype de tous les êtres ? (De l’interprétation de la nature). Pourtant, nous dit-il un peu plus loin, cette hypothèse prend son appui sur un certain pressentiment (et nous voici déjà très loin de la méthode scientifique, qui, seule, convient à une véritable philosophie) : La grande habitude de faire des expériences donne [...] un pressentiment, qui a le caractère de l’inspiration [...], on subodore, pour ainsi dire. Et encore : L’esprit observateur dont je parle s’exerce sans effort, sans contention; il ne regarde point, il voit [...] C’est une espèce de sens que les autres n’ont pas, une sorte d’esprit prophétique. Voilà qui ne manque pas d’audace pour un homme qui s’est fait le champion de l’observation et de l’expérience. Mais l’article « Génie » de l’Encyclopédie s’aventure plus loin encore : Dans la philosophie il faut toujours une attention scrupuleuse, une timidité, une habitude de réflexion, qui ne s’accorde guère avec l’imagination ; [... ] le génie hâte cependant les progrès de la philosophie par les découvertes les plus heureuses et les moins attendues ; il s’élève d’un vol d’aigle vers une vérité lumineuse, source de mille vérités auxquelles parviendra dans la suite, en rampant, la foule timide des sages observateurs. Orgueil énorme du philosophe Diderot, qui parle ici, bien sûr, de lui-même ; mais orgueil légitimé a posteriori, pour ainsi dire, par dix générations de savants, d’anthropologues, de théoriciens du transformisme ou de l’évolutionnisme. Ajoutons que le matérialisme « dialectique » de Marx et Engels reconnaît avoir trouvé sa source chez Diderot, régénérateur de l’ancien matérialisme « mécaniste » (Héraclite, Démocrite, Épi-cure et Lucrèce) ainsi que l’ont établi le Russe K. Luppol, marxiste orthodoxe, en 1936, et plus récemment, Henri Lefebvre, marxiste dissident. Enfin, les recherches les plus actuelles en matière de psychophysiologie s’appuient explicitement aujourd’hui sur ses intuitions fécondes ; de même qu’hier se recommandaient de lui des sociologues préoccupés de dégager la notion d’« interdépendance » dans les groupes humains. Si nous avons si libéralement fait place à cet aspect philosophique de l’écrivain Diderot, c’est aussi, reconnaissons-le, parce qu’il fut le plus souvent, dans les manuels, effleuré ; sinon passé sous silence. On comprend que l’auteur ait voulu discrète, anonyme parfois, et même posthume une doctrine un peu trop neuve ; mais une telle prudence est excessive aujourd’hui. « Gloire mûrie dans un tiroir », dit à ce propos, fort joliment, Drieu La Rochelle. « Mûrie » ? Elle y pourrirait, bien davantage, à moins qu’on ne la sorte bientôt à l’air libre. En fait, la saveur du style chez lui étant chose admise, indiscutable, nous pourrions affirmer sans trop de risques, que si, par un aspect de son génie, il est le plus grand entre tous ses pairs, c’est par les idées. Un critique célèbre, et bien informé s’il en fut sur cet écrivain qu’il aime, peut encore écrire que, chez notre auteur, « le style, l’instrument verbal, dépasse de beaucoup les idées qu’il anime ». Et de conclure : « Quel démenti à ceux pour qui le vrai constitue une garantie de durée » (André Billy). Toute valeur peut être garantie de durée, celle du styliste et, aussi, celle du créateur d’idées. Qui sait s’il n’est pas le seul qui mérite cette désignation dans l’histoire de notre littérature à l’époque classique, en ce sens que les autres, et les meilleurs inclus, se préoccupent selon notre tradition nationale de donner une forme nouvelle à un fonds d’« idées générales », et ce, en tant que moralistes uniquement. Mais, ajoutons-le aussitôt, ce qui fait apparaître plus éclatante encore la première place que Diderot s’est acquise dans ce domaine, c’est qu’il y ait accédé par la voie royale et directe de l’imagination (ou comme il dit lui-même, de l’inspiration), c’est-à-dire par le chemin poétique.

Diderot critique

Si l’œuvre philosophique de Diderot ne fut guère appréciée en général dans les manuels scolaires, ni surtout développée vraiment, il n’en est pas de même de ses vues esthétiques : quant au but que doit se proposer le théâtre (théorie de la « tragédie sans princes ») ; quant au rôle de l’acteur (dans le célèbre Paradoxe du comédien : l’interprète idéal doit-il s’abandonner avec passion à son personnage ou ne doit-il pas plutôt le dominer?) ; quant à la musique (dans Le Neveu de Rameau : position « anti-française » en apparence, anti-versaillaise en réalité). Et, surtout, quant aux beaux-arts : Diderot a collaboré de 1759 à 1779 en tant que journaliste à la Correspondance littéraire de son ami Grimm, pour la critique des Salons de peinture. Que dire de cette part de l’œuvre? Il n’y a rien à en dire, ou bien peu : précurseur de la doctrine dite aujourd’hui du réalisme « social » (ou, parfois : « socialiste »), il propose, par exemple, un Triomphe de la justice sur le thème de l’affaire Calas (Salon de 1767). Deux critères à la valeur du peintre, selon lui : la réalité et l'idée. Le peintre doit nous faire penser ou nous émouvoir, et de plus nous montrer avec sincérité la vie de tous les jours. Ceci posé, le critique d’art Diderot peut procéder sans plus attendre à la distribution des prix : Je donnerais dix Watteau pour un Téniers. Par bonheur, l’avenir ici lui a donné tort. Si, parmi les peintres de son temps, il préfère à l’immoral Fragonard le vertueux Greuze, c’est parce qu’il veut du sentiment dans chaque pouce carré de toile ; une émotion douce, dit-il. Mais voilà mieux encore : De la poésie et de la peinture sans idées sont deux pauvres choses ; pour sa part, il n’a pas fait de poésies et c’est fort bien, car elles auraient été mauvaises (comme le sont toutes celles de son siècle, qui n’a que trop méprisé la poésie sans idées). Ses théories esthétiques ne sont guère moins discutables au demeurant dans le domaine de la critique proprement littéraire. Il parle de Marivaux (dans Le Neveu de Rameau) comme d’un auteur menacé de survivre à sa réputation. Marivaux se porte à merveille. Essayons de comprendre, pourtant, ce qui pourrait légitimer des jugements aussi définitifs et des prédictions aussi infailliblement maladroites. Le théâtre de Marivaux a le même tort à ses yeux que ci-dessus la peinture de Watteau : ses Sylvia et ses Arlequin n’ont pas pour but d’édifier. Donc, voilà un théâtre vide. Ah! viennent les temps héroïques, la fureur de la guerre civile, dit-il, car c’est alors que le laurier d’Apollon s’agite et verdit. Par malheur, la Révolution n’a connu que des écrivains médiocres : des orateurs uniquement, partisans de l’action directe dans la vie mais ampoulés, emphatiques dans leurs discours. Et l’avenir, ici encore, a donné tort au critique littéraire : le mouvement poétique puissant, torrentueux (ou, comme il dit étonnamment: énorme, barbare et sauvage) qu’il croyait devoir accompagner le temps des poignards et du sang qui coule à grands flots, c’est avec quarante ans de retard sur l’événement lui-même, sous la paisible monarchie louis-philipparde, qu’il va rompre les barrières : avec la glorieuse équipe romantique de 1830.

Conclusion

Résumons ces quelques notes sur le critique des « arts de littérature » et sur l’« historien de l’art » Diderot, en disant que dans ce domaine la postérité ne lui a pas reconnu cet esprit prophétique dont il se loue, à très juste titre, en tant que philosophe. Il est d’autant plus paradoxal que les programmes scolaires aient ignoré pratiquement son œuvre philosophique et multiplié les analyses de ses « règles » d’esthétique (touchant le jeu de l’acteur ou les thèmes du dramaturge) et ses dithyrambes en l’honneur de Greuze, du jeune et déjà académique Louis David (Les Horaces) ou, comme il dit, du sublime Vernet. Par conséquent, lisons ses ouvrages philosophiques (tout au moins les plus faciles d’accès, par exemple les trois « dialogues » : Entretien..., Le Rêve de d’Alembert, Suite de l’Entretien... ; et relisons les « dialogues romanesques », ou tout au moins le plus célèbre : Le Neveu de Rameau (qui fut, en outre, à la surprise générale, un triomphe au théâtre en 1963). Puis, réflexion faite, lisons aussi Jacques le Fataliste; œuvre irrésistible entre toutes (en dépit - ou faut-il dire à cause - de son souverain mépris pour la logique) où nous cueillerons, pour finir, une tirade caractéristique en ce sens qu’on y pourra goûter, réunis comme si souvent chez lui, ces trois éléments essentiels de son art, ces trois vertus cardinales de l’homme Diderot, l’enthousiasme, l’ampleur méditative, et l’humour : Le premier serment que se firent deux êtres de chair, ce fut au pied d’un rocher qui tombait en poussière ; ils attestèrent de leur constance un ciel qui n’est pas un instant le même ; tout passait en eux et autour d’eux et ils croyaient leurs coeurs affranchis de vicissitudes, ô enfants ! toujours enfants ! Oui, ce philosophe aussi lumineux qu’audacieux, et ce très discutable théoricien de la littérature et de l’art, est, sur le plan littéraire, un grand artiste.




Diderot (Denis, 1713-1784.) Écrivain, philosophe et savant français. Codirecteur de l'Encyclopédie, il lui consacre l'essentiel de son activité. Il conçoit une philosophie de la nature où apparaît son goût du concret et de la recherche expérimentale, lié à l'intérêt qu'il porte aux sciences de la vie - de sorte que les mathématiques perdent chez lui la place éminente qu'elles avaient chez Descartes. ♦ D'abord déiste, il professe finalement un monisme matérialiste, l'unité de la matière reposant sur une continuité qui relie les modes d’existence les plus simples aux plus complexes. Dans Le Rêve de d'Alembert, il expose la thèse de l'animal agrégat d'animalcules qui annonce partiellement le transformisme de Lamarck . ♦ Ennemi de la morale ascétique, il prétend que le bonheur des hommes sera assuré si on fait confiance à la nature, qui est bonne. Ce retour à la nature est en fait un retour à l'instinct, qui tourne le dos au naturalisme de Rousseau affirmant la spontanéité du devoir et de la conscience morale : dans le Supplément au voyage de Bougainville, Diderot imagine une île de rêve où les habitants, ignorant les lois de « civilisation », donnent libre cours à leurs penchants sexuels dans l'harmonie générale. Œuvres principales : Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient (1749) ; De l’interprétation de la nature (1753) ; Le Rêve de d’Alembert (1769); Supplément au voyage de Bougainville (1772) ; Paradoxe sur le comédien (17731778).

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