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Descartes et les passions apprivoisées

« Mais souvent la passion nous fait croire certaines choses, beaucoup meilleures et plus désirables qu’elles ne sont; puis, quand nous avons pris bien de la peine à les acquérir, et perdu cependant l’occasion de posséder d’autres bien plus véritables, la jouissance nous en fait connaître les défauts, et de là viennent les dédains, les regrets et les repentirs. C’est pourquoi le vrai office de la raison est d’examiner la juste valeur de tous les biens dont l’acquisition semble dépendre en quelque façon de notre conduite, afin que nous ne manquions jamais d’employer tous nos soins à tâcher de nous procurer ceux qui sont, en effet les plus désirables; (...) Au reste, le vrai usage de notre raison pour la conduite de la vie ne consiste qu’à examiner et considérer sans passion la valeur de toutes les perfections, tant du corps que de l’esprit, qui peuvent être acquises par notre conduite, afin qu’étant ordinairement obligés de nous priver à quelques-unes, pour avoir les autres, nous choisissions toujours les meilleures. Et parce que celles du corps sont les moindres, on peut dire généralement que, sans elles, il a moyen de se rendre heureux. Toutefois, je ne suis point d’opinion qu’on les doive entièrement mépriser, ni même qu’on doive s’exempter d’avoir des passions; il suffit qu’on les rendent sujettes à la raison, et lorsqu’on les a ainsi apprivoisées, elles sont quelquefois d’autant plus utiles qu’elles penchent plus vers l’excès. »

DESCARTES

ARTICULATION FORMELLE DU TEXTE

Mais souvent la passion nous fait croire... puis, quand..., la jouissance nous en fait connaître les défauts... C’est pourquoi le vrai office de la raison est de... afin que... Au reste, le vrai usage de notre raison pour la conduite de la vie ne consiste qu’à... afin que... Et parce que celles du corps sont les moindres on peut dire généralement que... Toutefois je ne suis point d’opinion que... ni même que...; il suffit qu’on les rendent sujettes à la raison, et lorsqu’on les a ainsi apprivoisées...

QUESTIONNAIRE INDICATIF

• Pourquoi, selon Descartes « Le vrai office de la raison est d’examiner la juste valeur de tous les biens dont l’acquisition semble dépendre en quelque façon de notre conduite »? — Pourrait-on imaginer que « la raison » ait d’autre(s) office(s) en cette matière ? — Si oui, lesquelles? — Que peut signifier ici le terme « biens »? • Peut-on parler, selon Descartes, de « perfections » (de biens) aussi bien à propos du « corps » que de « l’esprit »? • Qu’est-ce qui peut justifier que « celles du corps sont les moindres »? — Importance du mot « généralement »? — « Les passions » sont-elles rapportées au corps par Descartes (implicitement ou explicitement)? • Descartes valorise-t-il ou dévalorise-t-il les passions selon qu’elles penchent plus ou moins vers « l’excès »? Est-ce cette distinction qui est fondamentale pour lui? • Que signifie « il suffit qu’on les rendent sujettes à la raison »? • Que pensez-vous de la façon dont Descartes pense les passions ? • Que pensez-vous de sa position en ce qui concerne les passions? • En quoi ce texte a-t-il un intérêt philosophique?

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