Démétrios de Phalère / Démétrios Ier Poliorcète
Démétrios de Phalère, orateur et homme politique (Phalère, près d’Athènes ?-en Égypte ? v. 280 av. J.-C.) Fils d’un esclave devenu citoyen, Phanostrate, il s’intéressa très tôt à la politique, après avoir fait des études sous la direction de Théophraste. Partisan de la Macédoine et ami de Phocion, il fut obligé de fuir Athènes à la mort de ce dernier, en 319. Cassandre le mit peu après à la tête du gouvernement d’Athènes où il exerça un pouvoir de caractère tyrannique pendant dix ans. Chassé de la cité, il se réfugia à Alexandrie auprès de Ptolémée Sôter, amenant avec lui une quantité de livres, ce qui inspira au souverain lagide l’idée de fonder une bibliothèque. À la demande de Ptolémée, il commença à réunir le noyau de ce qui allait devenir la grande Bibliothèque d’Alexandrie, mais, tombé en disgrâce, il dut s’exiler, sans, semble-t-il, quitter l’Égypte pour autant. Selon Diogène Laërce, il serait mort d’une morsure de serpent.
Démétrios Ier Poliorcète, roi de Macédoine (en Macédoine 336-en Syrie 282 av. J.-C.). Il était le fils d’Antigonos Cyclops et de Stratonice. Il lutta aux côtés de son père contre les autres diadoques avec bravoure, fidélité et un certain bonheur. Battu d’abord par Ptolémée devant Gaza en Palestine, puis en Babylonie par Séleucos (312-311), il enleva la Grèce à Cassandre, qui régnait en Macédoine (307), tandis que son père, Antigonos, régnait sur l’Asie Mineure, qu’il avait reçue au partage de 311. Ptolémée ayant envoyé une flotte vers l’Égée, Démétrios alla au-devant de lui et le défit au large de Salamine de Chypre (306). À la suite de cette victoire, Antigonos prit le titre de roi, qu’il conféra à son fils et héritier. En 305, il tenta en vain d’enlever Rhodes, malgré les machines de siège qu’il avait inventées (hélépole). Il lutta victorieusement en Grèce contre Cassandre, mais il fut appelé par son père en Asie pour le seconder dans une coalition formée par Ptolémée, Lysimaque et Séleucos; ceux-ci furent victorieux à Ipsos, où Antigonos fut tué. Il ne resta plus à Démétrios que quelques places en Asie, mais il disposait encore d’une puissante flotte. Il se tourna vers Séleucos, qui épousa sa fille Stratonice (299). À la mort de Cassandre il entra en Grèce, assiégea Athènes révoltée, puis il soumit la Thessalie et la Macédoine (293). Il dut lutter sans cesse contre Pyrrhos, roi d’Épire, contre Lysimaque, roi de Thrace, contre Ptolémée, roi d’Égypte, pour conserver Athènes. Il passa en Asie Mineure, où il se heurta à son gendre Séleucos qui le battit en Cilicie (286) et le captura. Pendant trois ans, jusqu’à sa mort, il fut gardé en Syrie dans une captivité dorée.
Démétrios Poliorcète (336-283 av. J.-C.) ; roi hellénistique [306-283].
Un des successeurs (diadoques) d’Alexandre. Formé à son modèle, c’est le plus grand stratège de la fin du IVe siècle et un type original de roi charismatique. Issu par son père, Antigone le Borgne, comme par sa mère, de la noblesse macédonienne, il se forme en Asie Mineure où son père gouverne la Grande-Phrygie de 334 à 322, et il est très tôt associé aux premières guerres de succession (320-316) ; il épouse alors Phila, fille d’Antipater, beaucoup plus âgée et très influente. A partir de 315, quand se développent les ambitions de son père, celui-ci lui donne des responsabilités en Syrie (315-311), puis en Èurope. Ses campagnes sont une suite de victoires et de revers, qui impose aux contemporains l’image d’un génie gâté par la démesure. En 307, il libère Athènes de l’emprise macédonienne de Cassandre (les fils d’Antipater) ; en 306, il remporte sur Ptolémée la grande victoire de Salamine de Chypre, qui lui permet, ainsi qu’à son père, de relever le titre royal ; mais, en 305, il échoue au siège de Rhodes, malgré ses talents de « Preneur de villes » (Poliorcète). C’est en effet un exceptionnel ingénieur du génie et de la marine. De 304 à 301, il prend le contrôle de la Grèce et réintègre les cités dans une Ligue hellénique, qu’il dirige. Cette avancée en Europe est compromise par la formation d’une coalition contre son père Antigone : D. repasse en Asie et livre bataille à Ipsos en Phrygie (301) ; la défaite lui coûte la vie de son père et la partie asiatique de leur royaume, sans compter la sécession des cités grecques. Il ne reste plus alors à D. que l’hégémonie maritime, mais il réussit un rétablissement remarquable à la mort de Cassandre en 297. Il reconstitue une armée et obtient l’alliance de Ptolémée et de Séleucos. En 296, il recouvre le Péloponnèse et Athènes. En 294, il obtient le trône de Macédoine à la faveur d’une crise dynastique. En 290, il se tourne vers l’Occident, s’allie avec Agathocle, le tyran de Sicile, épouse sa fille Lanassa et prend pied en mer Ionienne avec la base navale de Corcyre. Dans la tradition d’Alexandre, il met en place une « monarchie-spectacle », fonde Démétrias au fond du golfe de Thessalie, s’identifie à Dionysos, se fait rendre un culte et vit dans un luxe ostentatoire. Il est le premier à placer son portrait sur ses monnaies, avec des attributs divins. Ces excès le rendent impopulaire aux Macédoniens, grevés d’impôts, et aux autres rois qui forment une nouvelle coalition en 288. Venant d’Épire et de Thrace, Pyrrhus et Lysimaque envahissent et se partagent la Macédoine. Les Cyclades passent à Ptolémée et D. perd Athènes en 287. Il ne parvient pas à se reconstituer un domaine en Asie Mineure et doit se rendre à Séleucos en 286. Il meurt prisonnier en 283, laissant dans la tradition grecque le souvenir d’un conquérant victime de sa propre démesure, sans qu’on ait bien compris le caractère charismatique qu’il donnait à sa royauté.
Bibliographie : C. Werhli, Antigone et Démétrios, Genève, 1968.
Démétrios ; roi de Bactriane [v. 190-167 av. J.-C.].
La province de Bactriane, pays fertile au nord de l’Hindou-Kouch, située sur le cours moyen de l’Oxus (l’Amou-Daria), ancienne satrapie des Achéménides, se sépare de l’empire des Séleucides vers 239-238 sous le satrape Diodote Ier, après une période d’autonomie à l’égard de la dynastie séleu-cide; Avec Euthydème, la Bactriane devient un Etat gréco-iranien puissant. Mais de cet usurpateur, on ne connaît ni les origines, ni les raisons de son soulèvement, ni la date de prise de pouvoir. De même, les modalités de l’extension de son royaume à la Sogdiane sont incertains. Ce qui est sûr, c’est que lorsque Antiochos III rencontre Euthydème sur le cours de l’Avios, en 208, le pouvoir du Bactrien est solide et s’étend à l’Asie. L’organisation de son Etat est aussi mal connue : il a dû conserver le système séleucide enrichi d’une économie monétaire grecque (admirables monnaies). Son armée essentiellement composée de cavaliers est recrutée dans la population iranienne du pays. Battu par Antiochos III, Euthydème se réfugie dans sa capitale, Bactres, où le Séleucide l’assiège durant deux années, sans résultat (208-206). Agitant la menace d’une alliance avec les nomades de la steppe, Euthydème réussit à convaincre Antiochos de lui reconnaître la dignité royale. Ce qui fut fait. Mieux : un traité est passé et une promesse de mariage entre une fille d’Antiochos et le fils d’Euthydème, D., est conclue. On ne sait s’il eut lieu. A Euthydème succède D. (200 ? 190 ?), artisan d’une reprise de l’expansion bactrienne, en Asie, en Arachosie, peut-être en Gédrosie et en Carma-nie. Part-il à la conquête de l’empire Maurya en pleine décomposition ? Pendant longtemps, on l’a cru. D. aurait poussé ses conquêtes jusqu’à Pataliputra sur le Gange : hypothèses qui ont été mises en pièces. Quoi qu’il en soit, les euthydémides disparaissent brutalement, chassés par Eucratidès qui s’empare du pouvoir en Bactriane (171 ?) et qui unifie les régions tenues par les Grecs avant de s’aventurer vers l’Indus.
Bibliographie : E. Will, Histoire politique du monde hellénistique, Nancy, 1982.