COURNOT : LE PROGRÈS, IDÉE RELIGIEUSE
COURNOT : LE PROGRÈS, IDÉE RELIGIEUSE
L'idée d'un progrès de l'humanité, avancée, non sans nuances, par Kant, devient l'objet, au XIXe siècle, d'une sorte de croyance ou de culte. Le développement des sciences et des techniques paraît n'être qu'un des aspects de la marche générale de l'humanité vers sa perfection. L'analyse critique de Cournot nous invite à réfléchir sur l'une de ses conséquences pratiques, le sacrifice des êtres ou conduites dont on croit qu'ils ne s'inscrivent pas dans le sens de l'histoire.
« Aucune idée, parmi celles qui se réfèrent à l’ordre des faits naturels, ne tient de plus près à la famille des idées religieuses que l’idée de progrès, et n’est plus propre à devenir le principe d’une sorte de foi religieuse pour ceux qui n’en n’ont plus d’autre. Elle a, comme la foi religieuse, la vertu de relever les âmes et les caractères. L’idée du progrès indéfini, c’est l’idée d’une perfection suprême, d’une loi qui domine toutes les lois particulières, d’un but éminent auquel tous les êtres doivent concourir dans leur existence passagère. C’est donc au fond l’idée de divin : et il ne faut point être surpris si, chaque fois qu’elle est spécieusement évoquée en faveur d’une cause, les esprits les plus élevés, les âmes les plus généreuses se sentent entraînés de ce côté. H ne faut pas non plus s’étonner que le fanatisme y trouve un aliment et que la maxime qui tend à corrompre toutes les religions, celle que l’excellence de la fin justifie les moyens, corrompe aussi la religion du progrès. »
Cournot
ordre des idées
1) Thèse centrale : l’idée de progrès peut aisément devenir l'objet d'une forme nouvelle de croyance religieuse.
2) Analyse de l'idée de progrès. Elle contient : — l'idée d'une perfection suprême : d'un but d'une valeur sans limite que tend à réaliser une amélioration indéfinie ; — l'idée d'une loi supérieure aux autres et qui détermine tous les autres impératifs ; — Vidée d'un but, d'une fin qui serait également au-dessus de toutes les autres fins, auxquelles elles seraient soumises.
3) Conséquences de cette analyse : — d'un point de vue théorique, cette idée de progrès a les caractères de l'idée traditionnelle de Dieu, Etre parfait, providentiel, fin ultime des conduites des croyants. — d'un point de vue moral, cette idée a un pouvoir de séduction ; la religion du progrès, croyance en une fin suprême, comme toute religion, peut devenir fanatisme. On ne tolère plus les fins qui paraissent s'écarter de la seule fin valable, qu'on cherche à réaliser par tous les moyens. Autrement dit, perte du sens moral.
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