CORPS
- CORPS. n. m.
1° Objet matériel qui occupe un volume donné, qui a toutes les propriétés de la réalité physico-chimique. Les corps solides. Un corps céleste. Corps simple. Corps composé.
2° Organisme des êtres doués de vie : l'homme, l'animal. Le corps humain. En particulier, la partie physique, substantielle, matérielle de l'être humain, par opposition à la partie spirituelle, mentale, affective. Le corps et l'esprit. L'âme et le corps. Suis-je mon corps ou suis-je dans mon corps?
3° Réalité principale, essentielle, substantielle d'un ensemble donné. Le corps d'un bâtiment. Le corps d'un ouvrage.
4° Ensemble organisé formant un tout, ayant une cohérence interne, au point de vue moral ou social. Le corps des fonctionnaires. Le corps diplomatique. Le corps électoral. Les corps constitués. Les grands corps de l'État. L'esprit de corps. Le corps des lois. Un corpus de mots.
Ces quelques rubriques n'épuisent pas la diversité des nuances du mot «corps ». Il existe toute une problématique liée à la question du corps dans notre civilisation :
· Le corps et ses métaphores. Comme le montrent les divers sens du mot, le corps a servi d'image fondamentale pour désigner bien d'autres réalités que lui-même, par extension ou par analogie. En gros, les métaphores du corps sont allées dans deux directions : le corps comme image de la substance, de la matérialité ; le corps comme image d'un ensemble organique. Dans la première direction, s'inscrivent notamment des expressions comme prendre corps (se matérialiser), avoir du corps (une réalité bien substantielle), et, plus généralement, l'opposition entre le corps (la chair) et l'esprit (l'âme). Dans la seconde direction, on trouve l'ensemble des emplois du mot au sens n° 4, et des expressions comme faire corps (adhérer à un tout, ne faire qu'un avec) ou esprit de corps (sentiment d'appartenance quasi viscérale à un groupe, notamment à l'armée).
· Les attitudes vis-à-vis du corps. Dans la civilisation occidentale, le corps humain a été tantôt décrié, tantôt exalté, tantôt considéré comme l'opposé de l'esprit, tantôt étroitement relié à la vie psychique. Sans faire l'histoire du statut du corps, on peut noter — très sommairement — trois étapes dans la représentation du corps.
1° Dans l'Antiquité gréco-latine. Le corps n'est pas coupable, pas « inférieur ». Il y a un culte du corps sain, visible aussi bien dans l'art des sculpteurs que dans la fête des Jeux Olympiques, ou encore dans la gaieté naturelle de la poésie érotique. Cette culture du corps ne doit cependant pas être considérée comme unilatérale. Il existe également une méfiance vis-à-vis du corps, lieu des passions et des pulsions, susceptible d'engendrer des conduites excessives.
[caption id="attachment_1155" align="alignleft" width="199"] Platon[/caption]
Platon oppose les Idées (seules « vraies » réalités) à la nature corporelle qui emprisonne l'âme humaine et peut la vicier. Même chez les philosophes qui font du bonheur l'art de jouir de son corps, comme Epicure, le corps est l'objet d'une maîtrise, et il n'y a pas de bonheur physique réel qui ne suppose une maîtrise psychique. L'idéal antique est bien « un esprit sain dans un corps sain ».
2° Dans la tradition chrétienne. Chez beaucoup de moralistes, le corps a été présenté comme bas et méprisable ; les plaisirs de la « chair » sont souvent coupables. Mais cette tendance (qui a triomphé avec la morale puritaine), n'est pas conforme à la conception de base de la théologie chrétienne. Celle-ci admet en effet la dualité esprit-corps. Mais le péché marque aussi bien le corps que l'esprit. Et même, le péché de chair (la luxure) est moins grave que le péché d'esprit (l'orgueil). Si donc le corps est le lieu de la concupiscence, il n'est pas pire que l'esprit, lieu de la volonté de puissance et de la préférence de soi. Le chrétien doit cultiver de pair le corps et l'esprit (il serait chrétiennement irrecevable de prétendre avoir «un esprit sain dans un corps malsain »); il est dit à ceux qui veulent mépriser le corps au nom de la pureté de l'âme : «Qui veut faire l'ange fait la bête ». Plus profondément, le christianisme est une religion de l'Incarnation. Il distingue le corps tel qu'il est (lieu de pulsions, séparé de l'âme) au corps tel qu'il doit être (lieu d'une tempérance et d'un équilibre en liaison avec l'âme). Tout ce qui est spirituel doit s'incarner ; tout ce qui est corporel doit devenir transparent à l'âme. On trouve même cette formule : « Le corps est le temple de l'esprit ».
3° De nos jours. La libération des moeurs, les réactions contre le puritanisme, les développements de la biologie, le prestige de la médecine (à laquelle on demande le salut d'une jeunesse éternelle), le culte du sport, le souci de la beauté, la glorification du corps publicitaire (qui est à lui-même sa propre fin), ont inversé la hiérarchie esprit-corps.
Le corps triomphe ; l'esprit est au service de la forme physique. Pour certains philosophes comme Marcuse, l'homme moderne est devenu « unidimensionnel » : l'âme est oubliée, la morale ambiante met le corps et ses impératifs au-dessus de tout. Les sociétés développées (axées sur le confort, la consommation, la sexualité, un bonheur tout centré sur un corps resté jeune) seraient donc aux antipodes de la morale puritaine : celle-ci sacrifiait le corps à l'esprit pur : la mode actuelle, au contraire, cultive une « idéologie du corps » qui semble éliminer la dimension proprement spirituelle de l'être humain. Bien entendu, il s'agit là d'une tendance. La vie de l'esprit a la capacité de résister.
CORPS ♦ Tout objet matériel qui s’offre à la perception et dont les propriétés essentielles sont l’étendue, l’impénétrabilité et (pour les physiciens) la masse. ♦ Le corps, en tant qu’organisme, est l’ensemble des organes qui permettent les fonctions nécessaires à la vie des animaux, et de l’homme notamment. À cet égard, le corps humain jouit d’un statut particulier. La tradition philosophique - depuis Pythagore - renforcée par la pensée chrétienne, oppose généralement le corps humain à l’esprit ; c’est le cas, par exemple, chez Descartes. La phénoménologie, de son côté, distingue d’une part le corps-objet (étudié par le biologiste et le médecin) soumis à l’extériorité et au mécanisme et, d’autre part, le corps-propre, selon une expression empruntée à Fichte. Le corps-propre, en tant que partie constitutive de ma personnalité, est le centre de référence, comme le montre, par exemple, Merleau-Ponty.
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