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CORBIERE Tristan

CORBIERE Tristan 1845-1875 C'est à Coat-Congar, non loin de Morlaix, que, le 18 juillet, naît Edouard Joachim (il se choisira plus tard le prénom de Tristan), fils de Jean Antoine Edouard Corbière, un ancien marin, notable morlaisien, qui est aussi un romancier régionaliste reconnu, et de Marie-Angélique Aspa-sie, née Puyo. Le couple aura deux autres enfants, Lucie, en 1850, et Edmond, en 1855. Enfance heureuse dans la propriété de Launay, études régulières, jusqu'en 1860. Depuis un an, le jeune Corbière est interne au lycée de Saint-Brieuc mais souffre de rhumatismes articulaires. Une crise plus aiguë l'empêche de terminer sa troisième. En 1861, il est externe au lycée de Nantes: sa santé défaillante, à peine finie sa seconde, l'oblige à interrompre définitivement ses études. L'année suivante, il séjourne à Cannes et à Luchon avec sa mère; il est devenu partiellement infirme; il esquisse des poèmes, dessine, fait des farces et déjà, dans ses écrits personnels, grince et raille. L'année suivante, il s'établit à Roscoff, fréquente l'auberge Le Gad où il se lie avec des peintres de deuxième ordre venus de Paris. A l'exception d'un voyage en Italie (de décembre 1869 à mars 1870), les années suivantes se passent à Roscoff, où il écrit, se promène en mer dans son cotre Le Négrier (du nom d'un roman à succès de son père) et se livre à quelques excentricités qui choquent le bourgeois roscovite. 1872 voit Corbière débarquer à Paris. Il est venu retrouver une actrice italienne dont il est amoureux depuis l'été précédent, et qu'il a surnommée Marcelle, afin d'avoir une rime en «elle» (plusieurs poèmes lui sont adressés). Ce sera, quelques mois durant, la vie de bohème avant que paraissent, l'année suivante et à compte d'auteur, les 490 exemplaires de la première édition des Amours jaunes; elle est dédiée «à l'auteur du Négrier». La santé de Corbière, qui n'a jamais été bonne, s'aggrave pendant l'hiver 1874. Un matin de décembre, on le transporte inanimé à l'hôpital Dubois, «Dubois dont on fait les cercueils», écrit-il à sa mère avec cet humour grinçant qui lui ressemble tant. Le 1er mars, on l'a ramené chez ses parents à Morlaix, il meurt; il n'a pas trente ans. Verlaine l'a classé parmi les poètes maudits; son temps et la postérité, longtemps, lui ont emboîté le pas. Son œuvre est passée totalement inaperçue. En 1875, la chronique littéraire a fait mention de la mort d'un Corbière, d'un seul: le père, le romancier, mort à quatre-vingt-deux ans, six mois après son fils. En fait, exception faite de Verlaine donc, de Huysmans et de Bloy qui l'admiraient, il faut attendre 1925 pour que l'on commence à parler un peu de Corbière et à l'aimer. Il est vrai qu'il ne s'est guère montré aimable: il grince beaucoup («On aime jaune, disait-il pour expliquer le titre de son recueil, comme on rit jaune»), se moque de tout et beaucoup de lui, bat en brèche la conception sérieuse qu'a son époque de la poésie. Sa poésie n'est pas facile, non plus, sa langue est complexe, émaillée de néologismes, de traits d'argot, de mots techniques, de sigles; son rythme est volontiers heurté: souvent Corbière boite ses vers comme il boite sa vie. Au total, une œuvre dense et difficile donc que celle de Corbière, d'une beauté âpre, dure, rocailleuse. Pas seulement pourtant: les Rondels pour après, contiennent quelques-uns des poèmes les plus mélodieux de la langue française.




Édouard Joachim Corbière, dit Tristan Corbière, né en 1845 au manoir de Coat-Congar, en Bretagne, est le fils d'un homme de lettres, capitaine au long cours et directeur de la chambre de commerce de Morlaix. Comme son père, Édouard voudrait naviguer, mais des crises de rhumatismes l'obligent à interrompre ses études à 15 ans. Installé près de Roscoff, il en hante les cabarets. On se moque de sa longue silhouette, de sa laideur. Malgré des problèmes pulmonaires, il sort en mer par tous les temps. S'étant lié à des peintres en vacances, il suit l'un d'eux en Italie et, lors du voyage qui le déçoit; rencontre Armida Josefina Cuchiani, qu'il rebaptise Marcelle. Elle est la maîtresse d'un hobereau français et devient sa muse, avec la complicité de l'amant en titre. Il suit le couple à Paris, collabore à une revue et fait publier, à compte d'auteur, son unique recueil poétique, Les Amours jaunes, qui passe complètement inaperçu (1873). L'année suivante, on le trouve, un soir de décembre, gisant dans sa chambre en tenue de soirée. Marcelle tente de le soigner avant que la mère du poète ne le fasse revenir à Morlaix, où il s'éteint, le 1er mars 1875, l'année de ses 30 ans, en pressant sur sa poitrine une touffe de bruyères en fleur. Ce n'est que dix ans après leur parution que Verlaine, touché par le destin et le génie de ce « poète maudit », révèle Les Amours jaunes au public.


Poète né au manoir de Coat-Congar, près de Morlaix. Au rebours de Rimbaud (dont pour le reste il partage la soif d’interminables voyages au loin, et de gloire immédiate à Paris), Corbière veut vivre, d’abord, l’aventure. Il abandonne sa terre natale et s’embarque pour l’Orient ; ne va guère, en fait, au-delà de la côte syrienne (ses rhumatismes l’obligent à s’en retourner), s’installe à Paris où il n’arrive pas à se faire connaître, mène une vie solitaire, publie son recueil des Amours jaunes (1873), et meurt bientôt (à vingt-neuf ans). Ce n’est qu’en 1884 que Verlaine alerte le public littéraire sur son nom dans les Poètes maudits. Corbière y figure en bonne place, à côté de Rimbaud et de Verlaine lui-même ; et c’est justice car tous deux lui doivent le goût de l’image cruelle et du mot cru. Un peu plus tard, Laforgue, puis Apollinaire, reconnaîtront leur dette envers ce précurseur maladroit (mais ces deux mots constituent sans doute un pléonasme). N’est-ce pas lui, en effet, qui inventa, sur le plan du langage, la syntaxe « désaxée » ? Et, sur un autre plan, la méthode paradoxale par quoi le cri de haine au monde, qui voudrait s’extérioriser, se transforme aussitôt en coq-à-l’âne, en pied de nez, en boutade apparemment inoffensive et gratuite. Car Tristan Corbière, pour sa part, en a à tous et à tout ; à Paris efféminé et à sa faune (il préfère quant à lui la mer à Ros-coff), aux poètes élégiaques (il est trop pudique pour être des leurs), mais aussi aux poètes musclés (Hugo, surtout, qu’il nomme le garde national épique). Il en a à l’Amour. Et puis à la Femme, qui n’a pas trouvé intéressant son nez de corsaire, sa barbe de bouc et son œil saumâtre (Le Crapaud) ; il en a à Dieu même, auquel il envoie (pour bien marquer le peu de cas qu’il en fait) des blasphèmes en forme de calembour ; il en a à la Vie tout entière. Alors il fume (la pipe fait au poète, confiné chez lui, un ciel ; et, dit-il, l’empêche de voir les araignées). André Breton, dans sa célèbre Anthologie de l’humour noir, n’a pas oublié Corbière.

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