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COMTE Auguste (1798-1857)

COMTE Auguste (1798-1857)

Né à Montpellier dans une famille catholique et monarchiste, il entra à l'École polytechnique à l'âge de seize ans. Il en fut renvoyé pour insoumission. Il renonça d'emblée à toute carrière, pour se consacrer à son œuvre théorique de réorganisation de la société. Il vécut très modestement en donnant des cours de mathématiques. Il fut pendant un temps le secrétaire de Saint-Simon, le théoricien de l'industrialisme, et conçut à ce moment-là l'idée d'une science sociale. À vingt-deux ans, Comte avait écrit le plan complet de son œuvre. Il le respecta ensuite scrupuleusement. Trois événements marquèrent son existence : une crise de folie, due selon lui à un excès d'introspection, son mariage malheureux avec une prostituée, enfin la rencontre décisive avec Clotilde de Vaux (en 1844), à laquelle il voua un véritable culte. Elle mourut en 1846. Clotilde lui révéla l'importance de la femme dans la civilisation, sa fonction spécifique, qui est d'exercer le pouvoir spirituel. En 1847, Comte se proclama grand prêtre de la religion de l'humanité, et commença à fonder des églises positivistes. Il mourut abandonné par nombreux de ses disciples. Sa devise : « L'ordre pour base, l'amour pour principe, le progrès pour but. »

Comte

(Auguste, 1798-1857.) Né à Montpellier d'une famille légitimiste et catholique, il perd très tôt la foi. Reçu à l'École polytechnique mais licencié pour indiscipline, il ne peut faire carrière dans l'Université : sa vie sera modeste et dépendra souvent de la générosité de disciples ou amis. De 1818 à 1822, il est secrétaire de Saint-Simon -collaboration bénéfique pour les deux hommes qui ont quelques idées en commun. En 1826, Comte commence à donner, chez lui, un cours de philosophie scientifique, notamment suivi par des savants en renom. En 1844, la rencontre avec Clotilde de Vaux bouleverse sa vie : l'ardente passion (platonique) qu’il éprouve pour la jeune femme, qui meurt en 1846, lui fait découvrir l'importance de l'affectivité et l’incitera à attribuer à la femme un rôle privilégié dans sa construction sociale. Désormais, les problèmes moraux et religieux deviendront prépondérants, ce qu'acceptent mal certains disciples (Littré) qui croient déceler une contradiction entre la première et la seconde partie de l'œuvre. En 1848, il fonde la Société positiviste ; puis se nomme Grand Prêtre de la religion qu'il institue. Il meurt à Paris, dans un appartement qui deviendra le siège social du positivisme. ♦ La philosophie de Comte trouve son sens à l'intérieur de sa situation historique. Se proposant de lutter contre l'anarchie et l'indiscipline des mœurs, elle vise - en remédiant aux maux issus de la Révolution -à la restauration d'une période « organique » et « stable » qui repose sur l'ordre. On y parviendra en œuvrant d'abord contre la confusion des esprits, due à la coprésence de conceptions anciennes et modernes, logiquement incompatibles. Il faut donc faire l'histoire de l'esprit humain pour découvrir les croyances dépassées. Tel est l'objet de la loi des trois états, « épine dorsale du positivisme ». Cette loi implique que la connaissance doit demeurer positive, en rester aux lois scientifiques et renoncer à la quête de l'absolu que fut la métaphysique. De même, les hypothèses sur la structure intime de la matière sont illégitimes ; d'une manière générale, Comte a fait sienne la formule de Littré : l'absolu est « un océan pour lequel nous n'avons ni boussole ni voile », et fixe d'une façon définitive, pour chaque science, les limites de sa positivité, de sorte que deviennent impossibles de nouvelles démarches théoriques. ♦ Cependant, les sciences sont solidaires et il convient de les aborder selon une filière bien déterminée, en allant du simple au complexe, de l'abstrait au concret. La sociologie apparaît alors comme couronnant l'édifice, mais elle reste à faire : Comte la constitue sous le double signe de l'ordre et du progrès. La « statique sociale » étudiera l'ordre naturel régnant dans toute société, qui repose sur quelques principes : classes sociales, propriété, travail, religion, famille (l'individu n'est pas l'élément premier). Le lien social est d'ailleurs maintenu grâce à certaines constantes de l'esprit humain qui n'est pas uniquement égoïste (cf. Hobbes), mais aussi et surtout altruiste. ♦ Le progrès sera étudié par la « dynamique sociale » qui envisage l'évolution historique en appliquant la loi des trois états au devenir des civilisations. L'âge théologique est celui de la théocratie et de l'esprit militaire (de l'Antiquité au Moyen Âge). L'âge métaphysique, de la Renaissance jusqu'au-delà de la Révolution, coïncide avec l'éveil de l'esprit critique. L'âge positif représente surtout l'avenir. Il s'agit de retrouver l'idéal médiéval (Comte admire le xiiie siècle), mais en tenant compte du nouveau monde scientifique et industriel : le pouvoir politique aura besoin des conseils des savants ; contrairement à l'opinion traditionaliste, il n'est pas question de restaurer un état antérieur, et la Révolution a eu raison d’éliminer les croyances théologiques. De plus, le progrès, qui perfectionne les éléments préexistants, ne remet pas en cause la structure sociale, permanente à travers l'évolution. Ce souci de maintenir les « tissus sociaux » explique la méfiance à l'égard de l'histoire - dissoute dans la sociologie - et la volonté d'intégrer le passé dans un ordre naturel inéluctable. On aboutit ainsi à une philosophie de l'histoire s'élevant contre toute atteinte à l'ordre hiérarchique et naturel des choses (esprit révolutionnaire) et à la tutelle du pouvoir spirituel (protestantisme). ♦ La sociologie se prolonge par une morale fondée sur l'amour et la solidarité. L'individu n'étant qu'une abstraction, l'être humain n'existe que dans et par la société (ce pourquoi la psychologie ne saurait être une science indépendante). La dette envers la société est immense : personne ne pourra jamais donner autant qu'il a reçu. Aussi le devoir s'impose-t-il comme notion morale fondamentale, le droit trouvant sa source dans l'erreur individualiste qui, provoquant l'anarchie sociale, oublie les liens entre individu et humanité. ♦ C'est finalement la religion qui sera le meilleur ciment de la société positiviste. Elle aura pour objet le « Grand Être » -l'humanité envisagée dans son devenir : l'ensemble des hommes vivants, ceux d'autrefois et de demain. Cette religion s'organisera autour d'un culte cristallisant un sentiment religieux récupéré du catholicisme. De plus, elle assurera le renforcement et la pérennité de la famille, avec une place privilégiée pour la femme. Ainsi sera vérifiée la maxime résumant l'essentiel du positivisme, que Comte voulut faire graver sur sa tombe : « L'amour pour principe, l'ordre pour base, le progrès pour but. » ♦ Système de politique positive Ce titre n'apparaît que pour la seconde édition (1824) de ce qui était intitulé en 1822 Plan des travaux scientifiques pour réorganiser la société, lors de sa parution dans un des cahiers du Catéchisme industriel de Saint-Simon. Ce changement de titre est symptomatique de la portée du texte, qui marque la rupture à l'égard du premier maître de Comte. L'histoire de l'humanité apparaît divisée en trois moments : théologique, métaphysique, positif - division où se devine une influence de Hegel. Après la période de croyance aveugle aux pouvoirs divins, c’est l'apparition des systèmes philosophiques à proprement parler, puis l'accès au comportement scientifique. Or, il s'agit, dans l'ère positive ou moderne, de concevoir l'action politique sur le modèle que proposent les démarches de la science : il convient de s'y débarrasser de « mythes » qui ont pu être utiles pour lutter contre la féodalité, mais deviennent sans raison après la Révolution de 1789. Telles sont par exemple des notions comme la liberté de conscience ou la souveraineté, encore infestées d'esprit métaphysique. Parallèlement, le domaine socio-économique doit être l'objet d'une organisation strictement rationnelle qui permette de développer la production dans l'intérêt général et, ainsi, que dégénèrent et disparaissent les raisons de guerres entre les nations. Cette vision, proche de la technocratie, valut à Comte les critiques de Saint-Simon, beaucoup plus attaché aux valeurs religieuses ou morales. C'est pourtant pour confirmer son originalité que Comte republia, trente ans plus tard, ce texte en quatrième partie de son Traité de sociologie instituant la religion de l'humanité. ♦ Cours de philosophie positive L'œuvre principale de Comte, publiée entre 1830 et 1842. Après l'exposé de la loi des trois états, Comte y montre que la fin du savoir scientifique est la prévision : il s'agit, selon la formule célèbre, de « savoir pour pouvoir ». Puisque l'humanité est désormais entrée dans l'ère du savoir scientifique et positif, seules restent à constituer la science et la philosophie des phénomènes sociaux, précédées du recensement des sciences antérieures étudiées dans leur relation avec l'ensemble systématique du savoir, quant à leurs méthodes et à leurs résultats. Le Cours établit donc la classification des sciences, en fonction de leur généralité et de leur simplicité décroissantes - ce qui correspond à leur ordre historique d'accès au stade positif. La philosophie sociale apparaît, au terme de cette hiérarchie, comme le couronnement de l'ensemble du savoir. ♦ Catéchisme positiviste (1852), ou Sommaire exposition de la religion universelle en onze entretiens systématiques entre une femme et un prêtre de l'humanité. Cet ouvrage de vulgarisation entend faire la synthèse du Cours de philosophie positive et du gigantesque Traité de 1851-1854. Les deux personnages indiqués dans le sous-titre peuvent y être magnifiés : il s'agit en fait de la Femme et du Prêtre. Le Catéchisme révèle toute l'ambiguïté de la pensée finale de Comte : on n'accéderait à la rationalité suprême que par le biais de la religion. Cette dernière équivaut à la représentation sacralisée du lien social : Comte, politiquement conservateur, critique d'autant plus les athées qu'ils lui paraissent proches de la mentalité révolutionnaire ou anarchiste, et il a écarté de son calendrier positiviste (1849) les personnages qui lui semblent « négatifs » (Luther, Calvin, Rousseau) en consacrant au contraire mois et semaines à de grands rassembleurs d'humanité (Moïse, Bouddha, Mahomet...). Le Catéchisme prétend intégrer les hommes dans une Église incarnant le Grand Être, « ensemble des êtres passés, futurs et présents qui concourent librement à perfectionner l'ordre universel » : en fait, le présent est subordonné à un univers éternel au point d'être statique. L'ouvrage d'autre part ne se prive pas d'emprunter dogmes et sacrements au christianisme. Comte fait preuve d’un souci d'organisation maniaque, évaluant par exemple les besoins de la Terre entière à cent mille prêtres. Mais il affirme aussi que le pouvoir temporel, contrôlé par le spirituel, sera exercé par les trois banquiers les plus importants. Et il apparaît finalement que les rituels ou les neuf sacrements positivistes - présentation, initiation, admission, destination, mariage, maturité, retraite, transformation, incorporation (cette dernière consiste par exemple en une enquête de trois ans au terme de laquelle le prêtre admet ou exclut à tout jamais le défunt du corps de l'humanité) - qui doivent scander l'existence prétendent, par une surcharge émotionnelle rigoureusement contrôlée, enserrer l'individu dans une ritualisation utile pour compenser les perturbations et déséquilibres entraînés par l'industrialisation. La religion positiviste - si critiquée par certains disciples de Comte - apparaît ainsi comme l'une des réactions de repli vers des comportements antérieurs, sinon archaïques, que provoqua la crise morale et sociale suscitée par les transformations de la société dans la première moitié du xixe siècle.

Autres œuvres : Discours sur l’esprit positif (1844) ; Discours sur l’ensemble du positivisme (1848) ; Appel aux conservateurs (1855) ; Synthèse subjective... (1856).

  Philosophe français (1798-1857). • Fondateur du positivisme, inventeur de la sociologie, Auguste Comte est l’auteur d’un projet de réforme sociale ambitieux, qui s’achève dans l’institution d’une nouvelle religion. • Dans son évolution intellectuelle, l’humanité, comme l’individu, passe par trois stades : le stade théologique, où la pensée recourt à des agents surnaturels pour expliquer le monde ; le stade métaphysique, où des forces abstraites sont substituées aux puissances surnaturelles ; le stade positif, enfin, dans lequel la recherche des lois remplace celle des causes. • A la « loi des trois états » répond une classification linéaire des sciences, par ordre de généralité décroissante et de complexité croissante. On passe ainsi des mathématiques (science la plus générale et la plus simple) à la « physique sociale » (ou sociologie), dont la tâche ultime est d’apporter ordre et progrès à une humanité célébrée comme le « Grand Être ». Principales œuvres : Cours de philosophie positive (1830-1842), Discours sur l'esprit positif (1844), Système de politique positive (1851-1854), Catéchisme positiviste (1852).


Philosophe français né à Montpellier en 1798, mort à Paris en 1857. Ce polytechnicien prit, dans ses réflexions, le contre-pied de la philosophie spiritualiste. Sans épouser les conceptions matérialistes ou athées de son temps, il invite à sacrifier l'inconnaissable pour s'appliquer à l'observation des phénomènes et des faits au moyen de la science (Cours de philosophie positive, 1842). Plus tard, il s'efforça de créer une religion nouvelle basée sur le culte des hommes d'exception (Synthèse de politique positive instituant la religion de l'humanité, 1850-1854), s'instituant lui-même « grand prêtre de l'Humanité ». Littré, qui jusqu'alors l'avait suivi, se sépara de lui.

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