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colonisation

1. grecque.

1. Généralités. La première grande période de la colonisation grecque se situe entre le milieu du viiie siècle et le milieu du vie siècle av. J.-C., lorsque des cités grecques furent fondées sur les côtes de la Méditerranée et de la mer Noire. On peut considérer cette colonisation comme la suite du mouvement qui porta des colons grecs à traverser la mer Égée pour fonder les cités grecques d’Asie Mineure, grosso modo entre le XIe siècle et le début du viiie siècle av. J.-C. Les cités-États entreprirent leur colonisation de manière indépendante, si bien que les Grecs établis dans chaque colonie étaient originaires d’une ou de deux cités seulement. Il semble que ce mouvement de colonisation ait été provoqué au viiie siècle par la pénurie de terres en Grèce et par ses corollaires, la misère et la famine ; la quantité de terres cultivables était réduite, et l’héritage était traditionnellement divisé en parts égales distribuées à tous les fils de la famille. Il y avait également des raisons politiques. Dans certaines cités, un gouvernement de type aristocratique, hautain et oppressif, provoquait le mécontentement, poussant certains à chercher ailleurs de meilleures conditions de vie. Ils furent parfois encouragés, peut-être, par la possibilité d’un commerce profitable. Les informations fournies par des marchands déterminèrent l’emplacement de certaines colonies, souvent fondées sur des routes commerciales; ainsi Massalia (Marseille) contrôlait la route remontant la vallée du Rhône. Dans un climat d’opinion généralement favorable à la colonisation, certains facteurs particuliers entraient en jeu : Cyrène, en Afrique du Nord, devait sa fondation à une sécheresse prolongée dans l’île de Théra. Les cités grecques du sud de l’Asie Mineure ne pouvaient pas agrandir leur territoire vers l’intérieur parce que les États de l’arrière-pays étaient trop puissants pour elles; c’est pourquoi Rhodes et Milet fondèrent des colonies outremer. Les émigrants fondateurs emportaient avec eux le feu du foyer sacré de leur cité, et la cité nommait un fondateur officiel (oikistês) à la tête de la colonie. Une colonie grecque était normalement un État souverain indépendant, qui ne dépendait pas de la métropole sur le plan politique, bien qu’il y eût souvent des liens étroits entre une cité et sa colonie. L’oracle de Delphes joua un rôle politique important pendant la première vague de colonisation, car on le consultait régulièrement pour décider d’un site et d’une divinité tutélaire.

2. La colonisation grecque à l’ouest. Les colons grecs cherchèrent d’abord des régions fertiles, faciles à défendre et disposant de ports bien situés. C’est ainsi que la Sicile et le sud de l’Italie (où les cités grecques ne tardèrent pas à être nommées collectivement la Grande-Grèce, Megalè Hellas) furent les premières régions à être colonisées. Les Eubéens (d’Ionie), pionniers en la matière, furent certainement aussi les premiers à s’installer à Corcyre (Corfou), une île située au large de l’Épire, dans le nord-ouest de la Grèce, avant d’en être dépossédés par Corinthe (voir infra). Les cités eubéennes de Chalcis et d’Érétrie fondèrent Cumes au nord de la baie de Naples. Selon la tradition, Cumes fut la première colonie grecque en Occident, et la plus lointaine pendant quelque temps. Les premiers colons s’étaient installés sur l’île de Pithécuse (Ischia) vers 750 av. J.-C. avant de s’établir sur le continent. Les Grecs de Cumes exercèrent une forte influence sur les peuples italiques voisins et introduisirent peut-être l’alphabet grec ainsi que certains éléments de la religion grecque. Cumes devint un important centre d’échanges commerciaux, à la fois avec les habitants de la péninsule et les peuples installés au-delà des Alpes. On doit également aux Eubéens, et aux Ioniens originaires de l’île de Naxos, la fondation, en 734 av. J.-C., de la première colonie grecque de Sicile, également appelée Naxos, sur une langue de lave qui avançait dans la mer au nord-ouest de l’Etna. Six ans plus tard, les Naxiens fondèrent eux-mêmes deux colonies plus au sud, Léontini et Catane. Ces trois colonies possédèrent pendant plusieurs siècles les terres les plus riches de Sicile. Outre ces colonies, les Eubéens fondèrent à la même époque (v. 730) Zancle, sur la côte nord-est de la Sicile, rebaptisée plus tard Messène par des immigrants de Messénie, et qui fonda à son tour Himère (648) et Rhégion (Rhegium), à l’extrémité sud-ouest de l’Italie. Les Corinthiens (doriens) furent aussi très actifs : ils établirent une colonie à Corcyre (après en avoir chassé les Eubéens, semble-t-il), lors de l’expédition destinée à fonder Syracuse (733). Syracuse allait devenir la plus célèbre et la plus peuplée des cités de Sicile. À son tour, elle fonda Camarina (598). Les autres grandes colonies siciliennes étaient doriennes, elles aussi. Mégare fonda Megara Hyblaea (728) au nord de Syracuse, d’où partirent des colons et des habitants de la métropole pour fonder Sélinonte, un siècle plus tard. La Crète et Rhodes fondèrent Géla en 688, ville qui fonda ensuite, en 580, Agrigente (Acragas). Agrigente et Sélinonte représentaient l’extrême pointe occidentale de la colonisation grecque en Sicile ; au-delà, l’île appartenait aux Phéniciens. Pendant ce temps, des Achéens du Péloponnèse établissaient la plupart des colonies d’Italie du Sud. Sybaris (720) et sa rivale Crotone (709), leurs principales colonies, s’enrichirent grâce à leurs terres fertiles. Cependant Taras (Tarante) était une colonie dorienne fondée par les « Parthéniens », des indésirables dont Sparte se débarrassa après la première guerre de Messénie ; ce fut l’unique colonie laconienne. Reste une dernière colonie occidentale importante : Phocée, la cité ionienne la plus septentrionale d’Asie Mineure, ouvrit l’Espagne et Tartessos entre 640 et 550, et fonda la colonie de Massalia (Marseille) vers 600 av. J.-C., peut-être pour contrôler le commerce de la vallée du Rhône. Les Massaliens fondèrent à leur tour des établissements, dans l’intérieur à Arles, et, sur la côte, Agathè (Agde), Antipolis (Antibes), Nicaea (Nice), ainsi que, plus à l’ouest, Pyrêné (d’où les Pyrénées) et sur la côte espagnole, à l’emplacement de l’actuelle Malaga. Sur une autre colonie phocéenne.

3. La colonisation grecque dans le nord de la mer Égée, sur la mer Noire et en Propontide. On ne peut fournir ici que des dates approximatives. Les grands fondateurs de colonies dans le nord de l’Égée furent les Eubéens de Chalcis et d’Érétrie, les Mégariens, les Corinthiens, ainsi que les cités et les îles d’Asie Mineure, Milet en particulier. A la fin du viiie et au début du viie siècle av. J.-C., les Chalcidiens fondèrent un si grand nombre de villes sur la triple péninsule du sud de la Macédoine que cette région prit le nom de Chalcidique. Mais certaines des principales villes de Chalcidique furent fondées par d’autres cités; c’est ainsi que Potidée fut fondée par Corinthe dans la péninsule occidentale. Sur les côtes de Macédoine et de Thrace, à partir de Pydna et de Méthone, fondées par les Eubéens, des colonies furent envoyées à l’est dans l’Helles-pont, où les Lesbiens fondèrent Sestos et les Milésiens Abydos, au début du viie siècle av. J.-C. A la même époque, les Mégariens prirent le contrôle du Bosphore en fondant Chalcédoine (v. 680) sur la rive orientale puis, à la suite des railleries de l’oracle de Delphes, Byzance sur la rive occidentale (v. 660). Les Milésiens s’installèrent à Cyzique en Propontide et montrèrent le chemin en établissant des colonies autour de la mer Noire, peut-être dès le milieu du VIIe siècle. Ils fondèrent Sinope et sa cité sœur Trapézonte (Trébizonde) sur la côte méridionale, ainsi que des colonies sur la côte occidentale, dont l’importante cité d’Olbia. Au VIe siècle, des colons grecs poussèrent encore plus à l’Est pour atteindre la Chersonèse Taurique (la Crimée actuelle) et occupèrent Panticapée, à l’extrémité orientale, en face de l’embouchure du Tanaïs (le Don), qui devint le centre commercial de la région ; les Mégariens de Byzance établirent Héraclée dans la même région. Athènes, quant à elle, pouvait s’étendre en Attique grâce à son large territoire, c’est pourquoi ses colonies sont plus tardives : la première fut établie à Sigée vers 610 av. J.-C., pour protéger son approvisionnement en blé de la mer Noire. Au milieu du VIe siècle, la Chersonèse de Thrace, située aussi sur la route du blé, fut colonisée par Miltiade l'Ancien. Des colons athéniens s’installèrent à Lemnos et à Imbros vers 499, Byzance fut prise en 478, Scyros fut prise et colonisée en 476. En 436, après quelques tentatives infructueuses, Athènes colonisa Amphipolis, sur la rive orientale du Strymon, d’une grande importance commerciale et stratégique. Les colonies grecques de la mer Noire jouèrent un grand rôle sur le plan économique et commercial : en effet, elles exportaient non seulement de grandes quantités de blé venu des plaines fertiles de Scythie, mais aussi des esclaves, de l’or, du poisson séché ou salé, du bétail et des chevaux, et importaient du vin et de l’huile.

4. La colonisation grecque au sud et en Orient. En règle générale, les colons grecs étaient exclus des régions les plus développées du monde méditerranéen, telles que l’Égypte et la Syrie, bien qu’ils aient été invités par certains monarques à y établir des comptoirs. Posidéion (Al Mina), fondée au viiie siècle av. J.-C. à l’embouchure de l’Oronte en Syrie, était peut-être un de ces établissements. Le plus connu d’entre eux est Naucratis en Égypte, sur la branche occidentale du Nil, fondé, selon Strabon, au viie siècle par des Milésiens. En 550 av. J.-C., sous le règne du pharaon Amasis, Naucratis demeura le seul comptoir ouvert aux marchands grecs et donc la plaque tournante des rapports culturels entre Grecs et Égyptiens. La grande colonie prospère de Cyrène, en Afrique du Nord, fut fondée en 630 par Battos et par les Doriens de Théra (une île du nord de l’Égée), auxquels vinrent s’ajouter deux générations plus tard de nouveaux colons venus de Crète et du Péloponnèse. C’est la seule colonie répertoriée dont le fondateur réussit à établir une dynastie régnante.

5. Au VIe siècle av. J.-C., grâce à toutes ces entreprises, des colonies grecques étaient éparpillées sur la plupart des côtes de la Méditerranée et de la mer Noire, « comme des grenouilles autour d’un étang», selon l’expression de Platon, sans être unies sous un commandement central, mais libres d’accomplir leur propre destinée, ce qui eut d’importantes conséquences pour l’histoire de la civilisation occidentale. Elles furent à la base de la diffusion de la culture grecque et, étant elles-mêmes sujettes à l’influence de leur environnement, elles transformèrent et développèrent cette culture de façon originale, lui donnant une nouvelle vie et de la diversité. La seconde grande période de colonisation eut lieu sous le règne d’Alexandre le Grand, lorsque ce dernier fonda un grand nombre de colonies réparties sur les nombreux territoires qu’il avait conquis en Perse, en Mésopotamie, en Égypte, en Inde et en Afghanistan. Ces colonies étaient destinées à assurer la paix et la stabilité dans ces territoires, à diffuser la civilisation grecque et à encourager le commerce; les successeurs d’Alexandre poursuivirent sa politique, d’où le grand nombre de cités d’Orient portant des noms tels qu’Alexandrie, Antioche et Sélèucie. Elles étaient situées pour la plupart en Asie Mineure, en Syrie et en Égypte, mais certaines furent fondées dans des contrées plus reculées, la Perse et l’Inde par exemple.

2. romaine. 1. Les premières colonies romaines. Les premières colonies de citoyens romains furent créées par l’État et n’étaient donc pas dues à des initiatives privées comme en Grèce. Elles avaient une fonction militaire défensive, garder les côtes, et étaient limitées à la seule Italie. D’après la tradition, Ostie fut la première colonie romaine (peu après 350 av. J.-C.), suivie d’Antium (338) et de Terracine (329). D’autres vinrent s’y ajouter au fur et à mesure que le territoire romain s’agrandissait, si bien que leur nombre s’élevait à douze en 218 av. J.-C. Ces colonies côtières étaient toutes des villes fortifiées, entourées de terres publiques acquises par conquête. Leurs habitants, qui se trouvaient en territoire romain, conservaient la citoyenneté romaine, bien qu’ils fussent parfois trop éloignés de Rome pour y exercer leurs droits. Les colonies dites latines étaient dotées d’une constitution différente. (Elles ne devaient pas leur épithète à l’origine des colons mais à leurs droits politiques ; après la défaite finale de la ligue latine en 338 av. J.-C., les colonies latines étaient en grande partie composées de Romains.) C’étaient des États indépendants, sujets au contrôle de Rome seulement en matière de politique étrangère et par l’obligation de fournir des contingents à l’armée romaine. Les colons qui jouissaient de la citoyenneté romaine devaient y renoncer, mais ils avaient des droits de commerce protégés par les tribunaux romains et pouvaient se marier avec des citoyens romains. À la fin du IIe siècle av. J.-C., des colonies étaient établies dans toute l'Italie afin de contrôler un grand nombre d’endroits stratégiques. Tous les colons portaient le nom de coloni.

2. Les colonies romaines à la fin de l'époque républicaine et sous l'Empire. La colonisation romaine subit une transformation à la fin du IIe siècle av. J.-C. ; les fondations se firent plus fréquentes, et, pour des raisons économiques, parfois hors d’Italie. La première fondation (avortée) hors de l’Italie fut celle de la colonie Junonia, établie en 122 par Caius Gracchus sur le territoire de Carthage ; puis eut lieu en 118 la fondation de Narbo Martius (Narbonne) en Provence. Les colonies de Gracchus et de César qui eurent le plus de succès, notamment celle de Corinthe, étaient destinées à fournir des terres aux pauvres et à réhabiliter des régions à l’abandon. D’autres colonies, comme celles de Sylla et celles de l’époque du premier triumvirat, furent créées pour distribuer des terres aux vétérans. Les plus importantes colonies de la fin de la République furent Corduba (Cor-doue) en Espagne, Aquae Sextiae (Aix) et Arelate (Arles) en Gaule. L’Afrique devint aussi une importante région de colonisation : Marius y installa beaucoup de ses vétérans, et un grand nombre d’Italiens partirent à Cirta (Constantine) ainsi que dans d’autres villes africaines pour des raisons commerciales. Le processus de colonisation aux confins de l’Empire se poursuivit sous les empereurs, surtout afin de distribuer des terres aux vétérans ; nombre de cités furent ainsi créées ou agrandies. Les vestiges imposants de certaines d’entre elles sont toujours visibles. Dans d’autres cas, les colonies résultaient du système militaire des légions stationnées dans des camps permanents sur les frontières. Les établissements semi-militaires qui apparurent autour de ces camps sont à l’origine de cités modernes telles que Cologne (Colonia Agrippina), Lincoln (Lindum) et York (Eburacum).




COLONISATION GRECQUE. Du XIIe au Ve siècle av J.-C., les Grecs ont créé des colonies, cités indépendantes, tout autour de la Méditerranée. Ce vaste mouvement de colonisation, puissant entre le VIIIe et le vie siècle av. J.-C., s'expliqua par le manque de terres (réparties très inégalement), les luttes politiques soit à l'intérieur des cités, soit entre elles, enfin par le désir de développer de fructueux échanges commerciaux. Les conséquences de cette colonisation furent importantes. Le commerce facilité par l'usage de la monnaie se développa et les Grecs devinrent, à la place des Phéniciens, les principaux commerçants de la Méditerranée. La civilisation grecque s'étendit ainsi considérablement. Voir Grande-Grèce.

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