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CLOVIS Ier

Roi des Francs (481/511). Successeur de son père Childéric Ier à l'âge de quinze ans, il reçut en héritage un petit royaume resserré entre la mer au nord, l'Escaut à l'est, les diocèses de Thérouane et de Boulogne à l'ouest et le diocèse de Cambrai au sud, mais il ne tarda pas à l'étendre en imposant son pouvoir, par la diplomatie ou par la force, aux chefs saliens et ripuaires. En 486, il défit Syagrius, dernier représentant de l'autorité romaine en Gaule, établit sa capitale à Soissons et occupa toute la Gaule jusqu'à la Loire. Il repoussa les Alamans à la bataille dite de Tolbiac (496, ou plus probablement 498 ou 499). La conversion de Clovis à la foi catholique, sous l'influence de sa femme Clotilde et de Rémi de Reims, et son baptême à Reims avec plusieurs milliers de ses guerriers (496 ?) lui valurent le soutien des catholiques et du puissant épiscopat gallo-romain, alors que les autres rois barbares étaient acquis à l'hérésie arienne. Inquiets de ses ambitions, les souverains ariens, avec l'appui de Théodoric, formèrent une ligue contre Clovis, mais celui-ci imposa un tribut aux Burgondes (500), puis vainquit et tua le roi wisigoth Alaric II à Vouillé (507) et conquit toute l'Aquitaine.

Clovis (v. 466-511); roi franc [481/482-511]. Les Francs apparaissent dans le courant du IIIe siècle comme un regroupement de petits peuples germaniques (Chauques, Chamaves, Chattes, Bataves, Bructères, Sicambres), occupant l’espace de la mer du Nord au Rhin et à la Weser. Dans leur langue, le francique (plus proche de l’actuel néerlandais que de l’allemand), leur nom signifierait « libres » ou « hardis ». Plutôt portés au piratage, ils prennent massivement part aux grandes invasions de la Gaule (259-260 et 275-280). Ils se répartissent bientôt en deux groupes principaux, les Francs Saliens (dont le nom est peut-être en rapport avec le Salzsee, près de l’Ijssel) et les Francs Rhénans (naguère dits « Ripuaires »). Ces derniers, plus entreprenants et sans doute plus romanisés, occupent un rôle important à Trêves ; au ive siècle, certains d’entre eux, tels Mérobaud et Richo-mer, jouent un rôle de premier plan dans l’Empire romain ; plus tard, ils forment un « royaume de Cologne », alors que les Francs Saliens sont encore morcelés entre plusieurs centres, dont Cambrai et Tournai. C’est précisément des Francs Saliens de Tournai que Childéric, le père de C., est «roi» (rex), autrement dit chef militaire reconnu par les Romains, comme en témoigne le matériel archéologique retrouvé en 1653 dans sa tombe. Peut-être fils d’un Clodion, ou d’un Mérovée, éponyme de la dynastie des Mérovingiens, dont la légende s’empara ensuite, Childéric collabore avec les Romains Egidius (463 contre les Wisi-goths) et Paul (470 contre les Saxons). Allié ensuite au fils d’Egidius (t 464), Syagrius, qui prétend gouverner toute la Gaule du Nord depuis Soissons, au nom de Rome mais contre les autorités alors installées à Rome, Childéric semble bientôt entrer en conflit avec lui, alors même qu’il coopère avec Odoacre contre les Alamans. En tout cas, cinq ans après son propre avènement, son fils C. (Chlodoweg, en latin Hludowicus, qui a aussi donné « Louis ») tourne les armes contre Syagrius et l’abat en prenant Soissons (486). La fuite de Syagrius auprès des Wisigoths donne aux Francs Saliens la domination de la Gaule du Nord, d’abord jusqu’à la Seine, puis assez vite jusqu’à la Loire, dans des conditions obscures ; l’Armorique en tout cas reste indépendante. L’épisode fameux du vase de Soissons n’est pas qu’une belle légende ; il illustre deux traits fondamentaux de l’action de C. : l’effort largement réussi pour imposer un pouvoir supérieur à ses guerriers (les hommes libres qui hissent sur le pavois un chef de guerre charismatique), en refusant un partage égal du butin à la mode germanique, et l’alliance essentielle avec le haut clergé de Gaule, ici représenté par l’évêque qui demande à C. la restitution d’un vase sacré, qui n’est pas prise de guerre mais propriété de Dieu. Dans les vingt années qui suivent, la succession chronologique des événements est presque impossible à rétablir. Allié avec les Francs Rhénans et d’autres Francs Saliens (au moins Cambrai), allié avec le puissant roi des Burgondes, Gondebaud, qui lui donne la main de sa propre nièce, Clotilde, C. ferraille avec les Wisigoths, avec les Thuringiens, avec les Alamans (victoire de Tolbiac/Zülpich). L’essentiel est dans le baptême qu’il reçoit, avec certains de ses fidèles, des mains de saint Remi, évêque de Reims (Noël d’une année inconnue, peut-être 496 ou 498) et sous l’influence de Clotilde, qui, quoique burgonde, a été élevée dans la foi catholique nicéenne et non dans l’arianisme. L’abandon du paganisme, assez difficile à obtenir d’un chef superstitieux devant la mort d’un fils, semble assez vite étendu à l’aristocratie franque (Depone colla, Sigamber, qu’un beau contresens a fait traduire par : « Courbe la tête, fier Sicambre », alors que l’évêque aurait voulu dire : « Dépose tes colliers [amulettes païennes] »). Mais il y a mieux encore : à la différence des Wisigoths et des Burgondes, les Francs ne sont pas convertis à la foi arienne. Ils vont ainsi apparaître comme les défenseurs de l’épiscopat catholique de Gaule et, avec ce soutien, étendre considérablement leur domination. Si C. a eu le choix, il s’est révélé fin politique. Une campagne contre les Burgondes n’a pas de conséquences territoriales (le royaume ne sera abattu par les Francs qu’en 532-534) mais C. en retire la neutralité et même la participation d’un contingent burgonde à sa grande expédition de 507-508 contre les Wisigoths d’Alaric IL Ce dernier est écrasé et tué à la bataille de Vouillé. De leur vaste domination dans le sud-ouest de la Gaule, les Wisigoths ne conservent plus que la Septimanie, alors que leurs cousins Ostrogoths se saisissent de la Provence : C. échoue ainsi à obtenir tout débouché en Méditerranée. L’empereur Anastase, évidemment satisfait du reflux des Wisigoths, aurait envoyé à C. les insignes du consulat. C’est en tout cas dans cette position que C., au retour de sa campagne, fait une entrée triomphale dans Tours, où il était auparavant venu se mettre sous la protection de saint Martin. C. aurait ensuite fixé sa résidence à Paris. C’est là qu’il édifie une basilique, dédiée aux saints Pierre et Paul sur le tombeau de sainte Geneviève, à qui l’établissement sera ensuite dédié : ici encore transparaît sa capacité à utiliser le prestige des grands saints gallo-romains. C’est là du reste qu’il sera enterré, comme son épouse Clotilde (545). C. légifère ; sur la base de la personnalité des lois, il donne le Bréviaire d’Alaric (une compilation tirée du Code théodosien) comme code juridique à ses sujets romains, et fait compiler une première version de la loi salique pour les Francs Saliens. Il se coule dans le moule constantinien en réunissant à Orléans un grand concile d’évêques de Gaule (juill. 511), dernier acte politique daté du règne. On ne sait pas en effet très bien durant quelle période il poursuit avec autant de système que de cruauté l’élimination des autres rois Francs, qui fait de lui un roi quasi unique (mais seuls ses fils se diront « rois des [= de tous les] Francs ») : dépositions et assassinats se succèdent à un rythme rapide et s’étendent aux fils et frères de ses victimes (les Saliens Chararic et Ragnachaire, le Rhénan Sigebert). À la mort de C. (27 nov. 511), le « royaume », qui va être longtemps considéré comme un bien patrimonial, est partagé entre quatre fils : le fils d’un premier mariage avec une franque (sans doute rhénane), Thierry (Théoderic), basé à Reims (t 533) et les enfants de Clotilde, Clodomir (t 524), Childebert Ier (558), Clotaire Ier (t 561), qui s’installent respectivement à Orléans, Paris et Soissons. Les événements de la vie de C. et leur chronologie sont d’autant plus difficiles à restituer qu’ils ne nous sont connus que par quelques allusions et lettres contemporaines (tous les actes au nom de C., et certains documents aussi prestigieux que la lettre du pape le félicitant de son baptême, sont des faux forgés dès le Moyen Âge et jusqu’au XVIIe siècle), et par l’Histoire des Francs de l’évêque Grégoire de Tours (594). Mais ce dernier a voulu donner une lecture providentialiste et hagiographique du « règne », dont la chronologie même est organisée en cycles, chargés de montrer la progression de la Grâce. La légende de C. ne cessa ensuite de s’enrichir au fil des siècles, fondatrice pour la royauté et pour la nation. On alla jusqu’à lui attribuer l’adoption des fleurs de lys pour remplacer, sur ses armoiries supposées, les crapauds du païen.

Bibliographie : G. Tessier, Le Baptême de Clovis, 1964 ; K.F. Wemer, Histoire de France. Les origines, 1984, p. 281-310; C. Beaune, Naissance de la nation France, 1985, p. 55-74 (sur la légende médiévale) ; St. Lebecq, Les Origines franques, 1990, p. 9-60.

BAPTÊME DE CLOVIS • 25 décembre 496 Patiemment, Clovis-alias Chlodovech (ou Chlodoweg), ce qui veut dire « fameux au combat » - a agrandi son domaine. Parti d’un territoire fort restreint dont Tournai est la capitale, son royaume s’étend à la Loire en 490, lorgne vers la Bourgogne (un mariage est conclu avec Clotilde, nièce du roi des Burgondes, en 493), pousse à l’est en 496, quand le roi confisque la Champagne au passage comme prix de son aide aux Francs Ripuaires (victoire de Tolbiac contre les Alamans). Alors, Clovis, qui a depuis longtemps perçu combien 1 ’Église a de puissance et d’influence, décide de s’en faire une alliée : le 25 décembre, à Reims, il reçoit le baptême des mains de l’évêque Remi. La légende prétend que le vénérable homme d’Église aurait ainsi apostrophé Clovis : « Courbe la tête, fier Sicambre / Adore ce que tu as brûlé et brûle ce que tu as adoré ! »


CLOVIS (v. 466-Paris, 511) Roi des Francs (481-511), Clovis fut le plus grand des rois mérovingiens et est considéré comme le premier roi de France. Il fonda le royaume des Francs (du Rhin aux Pyrénées) en soumettant une grande partie de la Gaule. Converti au catholicisme, il devint le premier roi barbare catholique et s'assura ainsi l'appui de l'Église contre les autres Germains ralliés à l'hérésie arienne. Petit-fils de Mérovée et fils de Childéric (roi d'une tribu de Francs établie à Tournai), Clovis unifia toutes les tribus franques et se rendit maître de la quasi-totalité des royaumes barbares qui constituaient la Gaule. En 486, il détruisit le royaume romain du général Syagrius à Soissons dont il fit sa capitale, étendant ainsi son autorité jusqu'à la Loire. Il défit ensuite les Alamans (496 ou 506) puis vainquit et tua le roi wisigoth Alaric II à Vouillé (507) ce qui lui assura la domination de l'Aquitaine. Païen, époux de la princesse burgonde catholique Clotilde, Clovis (496 ?) se convertit au catholicisme et se fit baptiser par l'évêque de Reims, saint Remi, ainsi que plusieurs milliers de ses soldats. Sa conversion lui assura le soutien de l'Église et des Gallo-Romains catholiques. Devenu protecteur de cette religion, il fonda l'abbaye de Sainte-Geneviève à Paris (sur l'emplacement du lycée Henri-IV) dans laquelle il fut enterré ainsi que sa femme. À sa mort, ses États furent partagés, selon la coutume germanique, entre ses quatre fils, Thierry, Childebert, Clodomir et Clotaire. Voir Arianisme, Soissons (Vase de).

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