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CHARIA ISLAMIQUE

CHARIA ISLAMIQUE La charia islamique, dont l’application la plus large est revendiquée par les mouvements islamistes, représente l’ensemble normatif contenu dans le Coran et dans la tradition du prophète Muhammad. Dans l’histoire des sociétés islamiques, cet ensemble, destiné à guider les individus dans tous les aspects de leur vie intime et de leur vie sociale, a constitué un référent dont la force était rappelée par l’obligation faite aux croyants d’admettre le caractère inimitable du Livre. La définition islamique de la norme dépend d’une évaluation des actes humains au regard de la charia, qui opère le partage entre le licite et l’illicite sur la base des principes de vérité et de justice. Le Coran et les traditions rapportées et authentifiées du Prophète donnent à ce sujet un certain nombre d’indications précises concernant les prescriptions religieuses (dogme et culte), la morale individuelle et collective et les droits et devoirs juridiques. Pour ces derniers, le Coran contient plusieurs centaines de normes relatives essentiellement au statut des personnes, au statut des biens et aux sanctions pénales. Certaines de ces normes ont valeur de règles de droit, d’autres sont laissées à la libre appréciation du croyant et engagent son salut au-delà de l’existence terrestre. L'expérience historique des premiers musulmans à Médine, puis la rencontre avec d’autres cultures lors des conquêtes ont posé très tôt la question de l’application de la charia à des conditions sociales différentes. Aux hésitations des tout premiers siècles a succédé une mise en ordre de l’enseignement et de la pratique coraniques : ce fut l’œuvre de savants dont plusieurs ont laissé leur nom à des « écoles » (madhhab), en particulier l’école malékite qui fut la plus généralement suivie au Maghreb ; ce fut l’œuvre aussi de juges chargés de l’application du droit islamique. La jurisprudence islamique (fiqh), qui est une création humaine de normes, est ainsi venue compléter les textes fondateurs, au point que les deux termes de charia et de fiqh furent étroitement associés. La question de l’interprétation. On conçoit donc la centralité historique de la question de l’interprétation (ijtihad) des sources de la loi : les ulama se sont imposés comme les interprètes autorisés du consensus (ijma) de la communauté, se réservant de définir qui avait le droit, et selon quelles procédures, de dire le droit : cette question qui s’est posée dans de nombreuses sociétés, détermine, dans le cas particulier de la culture islamique, la légitimation des pouvoirs politiques institués. Une autre question concerne le statut de sources extra-islamiques du droit (en particulier le droit byzantin et de nombreuses coutumes locales) : occultées ou reconnues par les ulama orthodoxes, ces sources ont été en partie « islamisées » par la pratique judiciaire. Depuis plusieurs siècles et spécialement depuis le xixe, des transferts de droits européens ont été opérés, de même qu’a été initié un processus de codification des normes juridiques tirées de la charia (et du fiqh). Ce fut le cas avec une nouvelle législation égyptienne de 1920-1929, qui a servi de modèle à la quasi-totalité des codifications du droit de la famille dans le monde arabe. L’acculturation juridique et institutionnelle qui a résulté de ces transformations récentes des sociétés islamiques est la pierre angulaire de la contestation des régimes politiques par les mouvements islamistes. Ces mouvements, dont certains s’inspirent de l’idéologie du mouvement réformiste musulman égyptien - Muhammad Abduh (1849-1905) notamment - et d’autres, plus radicaux, d’une représentation surtout politique de l’islam, préconisent l’oubli de tout ou partie des jurisprudences humaines (le fiqh) pour inventer une modernité fondée sur la charia, c’est-à-dire une culture fondée sur la mémoire islamique de la révélation et de la tradition prophétique.

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