CAVOUR Camiilo Benzo, comte de
CAVOUR Camiilo Benzo, comte de. Homme d'Etat italien. Né à Sàntena (Turin) le 10 août 1810, mort à Turin le 6 juin 1861. Comme à tout cadet de famille noble, on lui fit embrasser la carrière militaire, mais il l'abandonna dès 1831 comme contraire à ses goûts. Il suivit alors son inclination pour les entreprises hardies, débordant le cadre étroit de son pays. Agriculteur et homme d'affaires d'un type absolument nouveau, Cavour devint l'un des personnages les plus riches et les plus marquants du moment. Ses ouvrages d'économie politique furent appréciés Considérations sur l'état actuel de l'Irlande [1844]; Question relative à la législation anglaise sur les céréales [1845], etc. et l'un d'eux demeura même célèbre : Des chemins de fer en Italie [ 1846]. Il était impossible qu'un tel homme ne s'intéressât pas au problème italien qui se posait alors, mais, à ses yeux, il revêtait avant tout un aspect économique : il fallait élever le niveau de vie du pays jusqu'à celui des nations les plus évoluées et, pour ce faire, tenir le « juste » milieu entre des tendances exagérément conservatrices et d'autres révolutionnaires. Ce fut ainsi que s'ouvrit peu à peu devant Cavour la voie de la politique militante; en 1847, avec Balbo, il fonda le Risorgimento, prélude à sa carrière parlementaire. Devenu ministre, il prit en main les départements de l'agriculture et du commerce, où il appliqua ses méthodes personnelles, provoquant dans le pays une activité d'échanges commerciaux, industriels, bancaires inconnue jusqu'alors. A la Chambre, il ne fut pas moins agissant Discours parlementaires, publiés de 1863 à 1872; il réussit, par la création d'une nouvelle majorité, à devenir président du Conseil (1852), pour s'attaquer alors aux grands problèmes de politique extérieure. Il jugeait indispensable d'introduire l'Italie et le Piémont dans le circuit européen, et fit converger tous ses efforts dans ce sens, ainsi qu'en témoigne sa participation au Congrès de Paris en 1856. Sa persuasion enveloppante arriva à convaincre Napoléon III de l'avantage qu'il avait à l'aider à se débarrasser de l'hégémonie autrichienne, et aboutit au Traité de Plombières (21 juillet 1858). On sait que l'issue de la guerre ne donna pas exactement les résultats escomptés, que Cavour eut à discuter âprement pour obtenir qu'une partie des engagements pris fût exécutée, et qu'en même temps, il dut faire face aux graves événements qui secouaient l'Italie centrale (expéditions de Garibaldi, etc.). Il mourut, épuisé par un travail surhumain, avant d'avoir pu régler la question romaine selon sa formule : « Une Eglise libre dans un Etat libre. » On a peine à croire qu'il trouva le temps au cours de cette existence surchargée de rédiger un Journal, publié en 1888, ainsi qu'une volumineuse et intéressante correspondance «internationale» (groupée en 7 vol. parus de 1883 à 1887) août ne font pas partie les Lettres inédites du comte de Cavour au commandeur Urbain Rattazzi, éditées dès 1862.
Cavour, Camille Benso, comte de (Turin 1810 - id. 1861); fondateur du royaume d’Italie. Comme de nombreux représentants de sa génération, C., issu de la vieille noblesse piémontaise, se rallie aux nouveaux idéaux nationaux et libéraux et abandonne dès 1831 la carrière d’officier à laquelle sa famille conservatrice l’a destiné cinq ans auparavant. Administrateur de son domaine de Leri, où il applique les connaissances scientifiques les plus modernes, il acquiert la réputation d’un agronome talentueux, d’un homme d’affaires habile et d’un spéculateur chanceux. Ses connaissances et son expérience lui rendent de précieux services au cours de son action politique ultérieure, dans une époque caractérisée par le rapprochement étroit de l’économie et de la politique. Il se familiarise avec la réalité des pays d’Europe de l’Ouest en faisant de nombreux voyages. Fils d’un calviniste genevois converti au catholicisme, il se sent attiré par l’esprit français, par le règne de la raison, dont il s’imprègne d’abord à l’université et dans le monde des affaires de Genève, puis surtout à Paris. Une interdiction émanant de l’Autriche l’empêche de voyager dans l’Italie du Sud et du Centre ; et les Italiens considèrent toujours comme un étranger cet homme blond qui parle mal leur langue et dont la force du discours repose sur la seule puissance des arguments. Gioberti dit de lui qu’il lui manque la mentalité italienne, qu’il est Anglo-Saxon par les idées et Gaulois par la langue. Les points les plus importants de son programme politique sont le rejet des tentatives de renversement révolutionnaire à la Mazzini, et l’abolition du système absolutiste par l’introduction progressive de principes libéraux dans les domaines de l’économie, du commerce extérieur, et dans la réforme de la justice. Coéditeur de la revue libérale modérée II Risorgimento, fondée à Turin en 1847, et qui donnera plus tard son nom à l’époque entière, C., sur l’intervention du Premier ministre Massimo d’Azeglio, entre dans le gouvernement du Piémont en 1850 comme ministre de l’Agriculture et du Commerce. À cette occasion, le roi, empreint de défiance, met en garde son ministre contre C., dont la force de travail exceptionnelle, le caractère autoritaire et les idées libérales et peu conventionnelles inspirent à la fois crainte et admiration. À son avis, C. ne tardera pas à éliminer tous ses collègues. Deux ans plus tard, d’Azeglio abandonne effectivement ses fonctions pour cause de différends entre les deux hommes, d’autant plus qu’un retrait momentané de C. a prouvé que le gouvernement, privé de son « despote » et de son « coq de combat », se trouve affaibli et inefficace. Premier ministre à partir de 1852, C. garde les rênes du pouvoir jusqu’à sa mort et parachève la libération nationale et l’unité de l’Italie au profit du roi Victor-Emmanuel II. Accusé souvent à tort d’être dénué de principes, C. est doué d’un talent remarquable pour discerner immédiatement les objectifs réalisables et les atteindre en s’adaptant sans hésiter aux circonstances, ce qui lui permet de rassembler pour les combats ultimes et décisifs de 1859 et 1860 les représentants des différents courants de l’ancien Risorgimento ainsi que des partisans de Mazzini comme Manin et Garibaldi, garantissant ainsi le caractère libéral de l’ensemble du mouvement. C’est à sa maîtrise universellement reconnue de la diplomatie que l’Italie doit la fin de la domination étrangère. Par la participation audacieuse et dans un premier temps apparemment inutile du Piémont à la guerre de Crimée, il fait entrer l’Italie dans le concert des grandes nations européennes et il sait finalement utiliser à son profit les différends entre l’Autriche et la France de Napoléon III. Au lendemain de l’attentat d’Orsini (14 janv. 1858) contre Napoléon III, il rencontre en secret l’empereur à Plombières (juill. 1858) pour l’engager à réaliser l’unité italienne sous la forme d’une confédération de quatre États et moyennant la cession de la Savoie et de Nice. La France s’engage alors dans la guerre contre l’Autriche aux côtés du Piémont (avr. 1859) . Après les victoires de Solferino et de Magenta, Napoléon III signe cependant l’armistice de Villafranca (11 juill. 1859), ce qui n’empêche pas C. d’obtenir, après sa démission et son retour au pouvoir (janv. 1860) , de réaliser l’unité de l’ensemble de l’Italie (sauf Rome et le Latium) autour du roi de Piémont : le royaume d’Italie est proclamé le 14 mars 1861. La mort le frappe brutalement le 6 juin 1861, l’empêchant de consolider son travail de politique intérieure et d’apporter à la question romaine la solution qu’il souhaitait : « Une Église libre dans un État libre.» Même si sa politique religieuse lui a valu d’être plusieurs fois excommunié, il s’est toujours senti catholique. N’avait-il pas fait promettre par un ami prêtre, bien des années avant sa mort, qu’on lui administrerait, de toute façon, les derniers sacrements ? Il s’est ainsi assuré, en plus du soutien religieux, de grandioses funérailles religieuses.
Bibliographie : P. Matter, Cavour et l’unité italienne (1848-1856), 1925-27, 3 vol.
CAVOUR, Camillo Benso, comte de (Turin, 1810-id., 1861). Homme d'État italien, il fut le principal artisan de l'unité italienne. Issu de la vieille noblesse piémontaise, Cavour fut d'abord sous-lieutenant du génie mais dut quitter l'armée pour ses idées libérales. Il se consacra alors, durant une quinzaine d'années, à la gestion du domaine familial dont il fit une exploitation moderne et voyagea souvent à l'étranger, notamment en France et en Angleterre. La révolution de 1848 en Italie lui fournit l'occasion d'un engagement politique actif. En 1847, il fonda le journal libéral Il Risorgimento où il défendait l'idée d'une monarchie constitutionnelle dirigée par le roi de Piémont-Sardaigne, Charles-Albert. Député au Parlement de Turin (1848), puis ministre de l'Agriculture (1850) et des Finances (1851), Cavour fut nommé par Victor-Emmanuel II président du Conseil de Piémont (novembre 1852), et domina durant sept ans la politique piémontaise puis italienne, se fixant pour but l'indépendance de l'Italie sous la direction de Victor-Emmanuel II. Cavour s'attacha, pour l'atteindre, à faire du royaume de Piémont-Sardaigne un État modèle capable de diriger une Italie unifiée. Après avoir favorisé l'accession au pouvoir de la bourgeoisie par une alliance entre le centre droit et le centre gauche (connubio), Cavour s'employa à moderniser l'infrastructure économique du pays (chemins de fer, douanes, finances) et à renforcer l'armée (augmentation des effectifs, création d'un arsenal militaire à La Spezzia). Conscient que le royaume ne pouvait triompher de l'Autriche sans l'aide militaire de la France, il déploya toute son habileté afin de l'obtenir. La participation du Piémont à la guerre de Crimée, aux côtés de la France et de l'Angleterre, lui permit de poser au traité de Paris (1856) la question italienne. Napoléon III lui promit enfin, lors de l'entrevue de Plombières (juillet 1858), son aide dans la création d'un royaume d'Italie du Nord, mais en échange de Nice et de la Savoie. Les armées franco-piémontaises vainquirent les Autrichiens à Magenta puis à Solférino (juin 1859), mais Napoléon III, inquiet des risques d'une guerre européenne, signa avec les Autrichiens la paix de Villafranca (juillet 1859). La Lombardie fut annexée au Piémont mais la Vénétie restait autrichienne. Cavour donna alors sa démission (novembre 1859). Rappelé au pouvoir en janvier 1860, avec les titres de président du Conseil, ministre des Affaires étrangères et de l'intérieur, Cavour négocia avec Napoléon III l'annexion au Piémont de l'Émilie, de Parme, de Modène et de la Toscane (révoltés puis rattachés après plébiscite à la Sardaigne), moyennant la cession de Nice et de la Savoie (1860). Il donna enfin son soutien à l'expédition des Mille de Garibaldi en Sicile contre les Bourbons, qui amena la chute de Naples (septembre 1860). Mais Cavour, craignant que la vague républicaine conduite par Garibaldi et la volonté de ce dernier de marcher sur Rome ne justifient une intervention française, décida de marcher sur Naples. Le Piémont garda dès lors l'initiative de l'unité de la péninsule. Le 14 mai 1861, Victor-Emmanuel II fut proclamé roi d'Italie, mais Cavour n'avait pas achevé son oeuvre. Sa mort laissait en suspens le problème de la Vénétie autrichienne (annexée en 1866) et celui de Rome, devenue capitale du royaume en 1870. Voir États pontificaux.