BISMARCK (OTTO, PRINCE VON)
Homme d'État prussien né à Schönhausen en 1815. Plénipotentiaire à la diète de Francfort (1851), il fut ensuite ambassadeur à Saint-Pétersbourg (1859-1862) et à Paris (1862). Devenu Premier ministre sous Guillaume Ier et bénéficiant de la confiance de ce dernier, il put se consacrer à son objectif: la grandeur de la Prusse. Il conquit une partie du Danemark et, par la victoire de Sadowa contre l'Autriche (traité de Prague, 1866), aboutit à la création de la Confédération des États de l'Allemagne du Nord sous tutelle de la Prusse. Après quoi, il entraîna les États du Sud dans une guerre contre Napoléon III et les rallia à sa cause à la suite de la défaite française de Sedan (septembre 1870). L'empire allemand fut alors proclamé, le 18 janvier 1871. La France avait perdu l'Alsace et la Lorraine. Devenu chancelier, il consolida l'empire qu'il avait bâti. Il mourut à Friedrichsruh en 1898.
Homme politique allemand. Né dans une famille de la noblesse poméranienne, il étudia le droit et l'agronomie, fit un bref séjour dans l'armée et mena durant quelques années la vie d'un hobereau. En 1847, avec l'appui du parti chrétien conservateur (luthérien), il se fit élire au Landtag de Prusse, où il se signala comme un défenseur acharné du pouvoir royal face aux revendications libérales. Délégué prussien au Parlement de Francfort (1851/59), il mena l'opposition contre l'Autriche. De 1859 à 1862, il fut ambassadeur à Saint-Pétersbourg. Il venait d'être nommé à Paris lorsque, en 1862, Guillaume Ier le rappela à Berlin. Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, il réussit à gouverner autoritairement contre une majorité libérale et mena à bien la réorganisation de l'armée. Il poursuivit avec ténacité et ruse une politique qui visait à éliminer l'Autriche de l'Allemagne. S'assurant la neutralité de la Russie et de la France et l'alliance italienne, il saisit l'occasion de l'affaire des duchés (v.) danois pour engager la guerre. Après Sadowa, la paix de Prague (août 1866) évinça l'Autriche de l'Allemagne, et la Prusse, agrandie, avec un territoire continu de la Russie à la France, obtint une hégémonie totale sur la Confédération de l'Allemagne du Nord. Restait à parachever l'unité allemande. Bismarck y parvint en dressant habilement les Allemands contre la France, « agresseur séculaire ». Une courte guerre permit de proclamer Guillaume Ier empereur, chef d'un État auquel la France devait céder l'Alsace-Lorraine, qui devint Reichsland (1871). Chancelier d'Empire et Premier ministre de Prusse jusqu'en mars 1890, il engagea la lutte contre l'influence catholique puissante en Rhénanie et en Allemagne du Sud, car il y voyait une menace pour l'unité du Reich. Mais le Kulturkampf des années 1870 s'acheva par un demi-échec. De même, la germanisation des Polonais et des Alsaciens-Lorrains obtint peu de succès. À partir de 1878, la menace principale lui parut venir du parti social-démocrate ; pour limiter la propagande socialiste, il établit un système d'assurances ouvrières unique en Europe. Mais cette politique n'arrêta pas la montée du parti socialiste. Du moins permit-elle d'émousser l'esprit révolutionnaire du socialisme allemand. À l'extérieur, Bismarck se préoccupa essentiellement de préserver le statu quo qui assurait l'hégémonie allemande en Europe. Pour lui, le danger venait de la France, dont il craignait l'esprit de revanche, attisé par la perte de l'Alsace-Lorraine. Il fallait donc l'isoler, éviter à tout prix qu'elle ne trouvât un allié à l'Est. Il y parvint brillamment avec son premier « système » qui réunit autour de l'Allemagne l'Autriche-Hongrie et la Russie. Le congrès de Berlin de 1878 fut son triomphe personnel. Mais la rivalité croissante qui opposait Saint-Pétersbourg et Vienne à propos des Balkans obligea Bismarck à choisir l'alliance autrichienne tout en ménageant la Russie. Pour se concilier la Grande-Bretagne, il montra toujours beaucoup de réticences devant l'expansion coloniale. La mort de Guillaume Ier (1888) le priva de l'appui impérial. Il entra vite en conflit avec Guillaume II, qui voulait une Weltpolitik qui correspondît mieux à la puissance nouvelle de l'Allemagne que les combinaisons subtiles et prudentes du vieux chancelier. Le 20 mars 1890, Bismarck démissionnait et il achevait sa vie dans une retraite boudeuse et inquiète.
Bismarck, Otto (comte en 1865, prince en 1871) von (Schoenhausen, Magdebourg, 1815-Friedrichsruh 1898); chancelier allemand.
B. est le fils d’un membre obscur de la noblesse de l’Altmarkt et d’une mère issue d’une famille de bourgeois érudits. Après une jeunesse très libre passée à la campagne, il fréquente à partir de 1827 les écoles berlinoises puis le lycée du « Cloître gris ». Ses études universitaires de 1832 à 1835 à Göttingen et à Berlin cèdent le pas à une vie indisciplinée (Corporation hanovrienne d’étudiants), à l’acquisition personnelle de connaissances historiques et géographiques et à d’importants échanges avec des amis, notamment américains et baltes. Sa nature se révolte contre la routine d’une carrière administrative à Aix-la-Chapelle et à Potsdam et l’effervescence échevelée des années suivantes mène le « terrible Junker » à une crise philosophique et religieuse. Celle-ci s’achève d’un côté par sa conversion à un christianisme tout personnel et d’un autre côté par son mariage en 1847 avec Joanna von Puttkammer. B. entame une carrière politique strictement conservatrice comme intendant des digues de Schonhausen et adversaire virulent du libéralisme comme député en 1847 au Landtag uni de Prusse. La période révolutionnaire de 1848 à 1851 fait de B. un extrémiste de la réaction prussienne. Son action parlementaire le mène à la diplomatie, où il gagne en notoriété par la défense passionnée de la tradition prussienne, mais jamais absolutiste. Représentant de la Prusse à la diète de Francfort de 1851 à 1859, à Saint-Pétersbourg de 1859 à 1862 et à Paris en 1862, il devient un parfait connaisseur de l’échiquier politique allemand et européen. Il développe alors une stature d’homme politique original et indépendant face aux « doctrines » de ses contemporains. Il est l’archétype du Realpolitiker. Il apprend ainsi à connaître et peut-être également à apprécier l’État constitutionnel comme source de toute force politique. Profondément prussien, désirant réellement élever l’État de Frédéric II au rang de grande puissance, il s’attaque à l’Autriche et au Bund de 1815 en s’appuyant sur la mise au point du dualisme allemand. Nommé Premier ministre en 1862 par le roi de Prusse Guillaume Ier, qui hésite sur la conduite à tenir lors du conflit aigu dans l’armée, B. suit les plans du roi sur la réorganisation de l’armée qui vont au-delà de ses propres tendances politiques. Voulant assurer à la Prusse le premier rang en Allemagne, il lui donne des moyens de lutte financiers et militaires. Il conquiert sur le Danemark en 1864 les duchés danois de Schleswig et de Holstein. Grâce à la victoire de Sadowa en 1866, il élimine l’Autriche et offre à la Prusse la première place dans la Confédération germanique, dont les États septentrionaux forment la Confédération de l’Allemagne du Nord sous autorité prussienne. Mais dans sa quête de l’hégémonie allemande, il ne renonce jamais à faire appel à l’idée de l’unité nationale sous la direction de la Prusse. Adversaire irréductible de toutes les idées libérales, il ne craint pas en 1866, à l’instar de Napoléon III, de proclamer « le plus difficile des arts libéraux » : le droit au suffrage universel. Il s’efforce également de combattre le danger d’une intervention de la France et de la Russie et la menace d’une révolution radicale et nationale. De 1867 à 1871, il conduit une politique de modération à l’égard de la Confédération de l’Allemagne du Nord en se prononçant en faveur d’une part d’un compromis dans le conflit constitutionnel et d’autre part de l’établissement d’une Constitution (1867), celle-ci combinant ménagements à l’égard des États, place soigneusement limitée du Parlement, position clé de la couronne et de la fonction de chancelier de l’Empire, adaptée entièrement à sa personne. Son art de laisser les choses mûrir apparaît tant dans les conditions de paix modérées avec l’Autriche (Nikolsburg et Prague) que dans sa volonté d’écarter une guerre préventive (crise de Luxembourg en 1867) en luttant contre les ambitions françaises par la compensation de Königgrätz. Ce n’est qu’en 1870 qu’il exploite la réaction passionnée de la France à la suite de la candidature au trône d’Espagne d’un prince Hohenzollern. Il cherche alors la guerre avec la France et la dépêche d’Ems lui en fournit l’occasion. La guerre contre Napoléon III devient après Sedan un terrible affrontement de peuples, auquel même B. ne peut mettre fin par une paix de modération. Ainsi, en allant contre la volonté populaire et le sentiment européen, il charge d’une lourde hypothèque l’Empire allemand proclamé dans la galerie des Glaces du château de Versailles (janv. 1871) par l’annexion de l’Alsace-Lorraine (traité de Francfort de 1871). Par la défaite française, la guerre de 1870-1871 parachève alors l’unité allemande. Les années couvrant la période de 1871 à 1890 s’éloignent de la fondation de l’Empire car B. cherche avant tout à le consolider. Le conservatisme du chancelier s’affirme de plus en plus. Par son jeu diplomatique mené contre la France, il met en place une grande politique d’alliances - Entente des Trois Empereurs avec la Russie et l’Autriche (1872, 1881 et 1884), la Duplice avec l’Autriche (1879), la Triplice avec l’Autriche et l’Italie (1884) et le traité de réassurance avec la Russie (1887) - qui instaure la paix en Europe dans l’intérêt de l’Allemagne. Dominant les relations européennes, B. a tendance à appuyer sa politique extérieure sur la consolidation des monarchies d’Europe centrale et orientale, bien qu’il se préoccupe également d’entretenir des rapports avec la IIIe République en France. Én dépit d’un jeu de bascule entre l’Angleterre et la Russie, il a une nette préférence pour l’Empire tsariste qui va dans le sens de ses opinions conservatrices. Il se méfie de la Grande-Bretagne, qui s’engage sur la voie du modernisme, du libéralisme et de la démocratie. Il est très conscient que sa politique érigée en système est contestée dans sa durée mais elle lui permet d’obtenir jusqu’en 1890 des résultats concluants. Quant à la conduite intérieure des affaires, B. se prononce pour un conservatisme de plus en plus marqué, surtout depuis la fin en 1878 de sa collaboration avec le libéralisme qui voit l’instauration d’un protectionnisme douanier. Dans sa lutte pour former un État homogène, il réduit les particularismes locaux (assimilation des minorités) et culturels et soutient donc contre l’Église et le parti catholique la campagne du Kultur-kampf. A l’encontre de sa modération en politique étrangère, il combat de façon acharnée le mouvement ouvrier par la loi d’exception contre les socialistes (1878). Mais, en réponse à l’agitation socialiste, il n’hésite pas à faire voter d’importantes mesures sociales pour s’attacher la classe ouvrière et entre ainsi dans la voie d’un socialisme d’État. De plus, il établit l’unité juridique et économique de l’Empire allemand à partir de 1878. En accord avec le sentiment national, il fait acquérir au Reich ses premières colonies (Togo, Cameroun, Tanganyika). En revanche, il échoue dans sa tentative de trouver une entente entre le Parlement et le gouvernement. Représentation populaire et partis politiques restent pour lui des adversaires qu’il ne parvient pas à inscrire dans son cadre de pensée et d’action. En 1890, le nouvel empereur Guillaume II le contraint à la démission alors que la paralysie progressive de la politique intérieure lui enlève tout appui auprès de l’opinion publique. Le soir de sa vie est assombri par la haine incommensurable qu’il voue à la race des « épigones » qui lui succède. Cette haine colore également le testament politique que constituent ses Mémoires, Erinnerung und Gedanke (Souvenirs et Pensées).
Bibliographie : O. Bismarck, Pensées et souvenirs, trad. et prés. J. Rovan, 1984 ; L. Gall, Bismarck, 1984.
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