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André Dhôtel

André Dhôtel est né à Attigny dans les Ardennes. Ll a reçu le Prix Femina en 1955, le Grand Prix de l’Académie française en 1974, et le Grand Prix national des Lettres en 1975. André Dhôtel a publié une œuvre nombreuse — cinquante volumes environ — qui se répartissent en romans, recueils de nouvelles, essais. Mais il semble qu’on puisse, sans se tromper, placer cette œuvre sous le signe d’un des ouvrages qui la constituent : le Pays où l’on n’arrive jamais. Plus récit que roman — comme toujours chez cet écrivain — ce livre rassemble toute la thématique de l’auteur : recours à la présence obsessionnelle du pays natal, des Ardennes aimées avec leurs villages tassés, leurs forêts mystérieuses, leurs prairies moites. Prédilection pour les jeux d’ombre et de lumière ; passion des vies apparemment anonymes mais qui se révèlent chargées d’énigmes et de révélations ; fascination d’un réalisme qui ne serait que l’antichambre du mystère, le seuil de la demeure d’un magicien. Qui dit Ardennes pense forcément Rimbaud. Or, André Dhôtel a consacré à l’auteur d’Une saison en enfer trois ouvrages qui sont des essais-confrontations : Rimbaud et la révolte moderne (N.R.F.), la Vie de Rimbaud (Editions du Sud), l’Œuvre logique de Rimbaud. On pourrait paraphraser et parler de l’œuvre logique d’André Dhôtel, tant son pouvoir consiste à nous prendre doucement par la main, à nous faire traverser des prés, des chemins, des hameaux, des bourgs, des vieilles maisons, terriblement réels à force de détails précis et exacts, de notations subtiles. Le lecteur avance confiant, écoutant le « guide » d’une espèce rare qui lui conte des faits menus, des aventures feutrées et provinciales, enrouées et douces. Et puis, brusquement, il se retrouve face aux « Lumières de la forêt» (Ed. Nathan), un peu comme les héros des films de Fritz Lang, inspirés de Richard Wagner. D’ailleurs, les titres des ouvrages d’André Dhôtel composent une sorte de litanie qui «place» exactement l’auteur. Ecoutez : les Rues dans l’aurore, le Lieu déshérité, les Disparus, le Ciel du faubourg, Nulle part, la Chronique fabuleuse, Un jour viendra... Ce dernier titre n’est pas sans avoir, d’ailleurs, un écho rimbaldien de promesse blessée, d’espoir griffé. André Dhôtel a dû, enfant, rêver comme « l’horrible travailleur » sur ces merveilleux magazines de voyages illustrés de dessins et gravures plus ou moins terrifiants avec des lions dévorant de jeunes exploratrices belles et sans défense, avec des serpents surgissant d’Amazones tumultueux, avec des sorciers nègres dévorant le cœur de l’ennemi. On rêve et on ne part pas aux antipodes. L’Eldorado est dans le pré voisin, dans la remise proche, dans le vitrail de la vieille église. André Dhôtel a le sens de la présence des objets qui provoquent la rêverie plus ou moins alanguie, et ce n’est pas seulement par amitié mais sans doute pour « cause de ressemblance » qu’il a consacré un chaleureux « Poète d’aujourd’hui » à Jean Follain, qui avait Ce don de restituer, comme sur une photographie figée, non seulement un décor d’enfance, un intérieur de maison, mais aussi ce poids de sensations et de secrets qui voltige autour des objets et des choses. Chacun des ouvrages d’André Dhôtel constitue une plongée de l’autre côté des apparences, chacun signifie une approche de l’être humain, approche douloureuse, tremblante, émerveillée et blessée à la fois. On pourra mesurer tous Ces pouvoirs dans un roman comme les Disparus (Gallimard), où, à partir d’une anecdote ténue, l’auteur fait surgir une forêt réelle, mais aussi une forêt de symboles, de « correspondances » baudelairiennes. André Dhôtel affectionne la nouvelle. Il en est un des maîtres. Son acuité de vision, son écriture sans fioritures, mais précise, colorée de vents, de brumes, de sèves, convient parfaitement au genre. Il en a fait un merveilleux outil d’exploration de la réalité sensible. Nous sommes toujours avec lui sous un ciel de réalisme poétique, la parole et le regard transformant la banalité en rumeur de fable dont les fils nous glissent entre les mains. On a la vive sensation que pour André Dhôtel la Littérature est comme un remède aux limites du quotidien, une planche de salut, une façon de vaincre l’hostilité du monde, la profondeur des énigmes, et, enfin, de mieux savourer la beauté, la fragilité des biens de ce monde, dans une clarté humaine de fraternité et de sourde connivence.


Romancier, né à Attigny, Ardennes. Réaliste en apparence (et même le plus souvent du type « régionaliste » ou « rural »), c’est en réalité, pour notre plaisir, un simple conteur, expert à jouer des savants dosages du féerique le plus rose et du plus glauque fantastique : Les Rues dans l’aurore (1945), Ce lieu déshérité (1949), Le Pays où l’on n’arrive jamais (qui lui valut, avec le prix Femina, la gloire à cinquante-cinq ans ; 1955), La Tribu Bécaille (1963), Le Mont Damion (1964). Il a connu la joie - et, faut-il dire aussi, la consécration ? - de voir une de ses histoires, après « adaptation », choisie comme « livre de lecture », à destination des écoles.


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