AMOUR
Pour l'apôtre Paul, l'Amour est un don de l'Esprit saint (Épîtres aux Romains 5,5) et l'un des trois principes fondamentaux du christianisme avec la foi et l'espérance. L'amour est personnifié par le Christ qui a offert sa vie pour sauver les hommes. Pour les Évangiles, l'amour est la condition nécessaire et première pour gagner la vie éternelle (Luc 10,25). Amour Du latin amor, « amour », « vif désir ». 0 Sens courant : sentiment d’affection passionnée d’un être humain pour un autre. 0 Sentiment de profond attachement (à un idéal moral, philosophique, religieux) impliquant don de soi et renoncement à son propre intérêt (exemple : l’amour de la justice). • Dans Le Banquet, Platon présente l’amour comme un moyen pour l'homme d'élever son âme vers la contemplation des Idées. En partant de l'amour des beaux corps, le philosophe doit progresser vers l'amour des belles âmes, puis vers celui des belles actions, puis encore vers celui des belles sciences, pour accéder enfin à la contemplation du Beau en soi, beauté éternelle et parfaite. • Pour Spinoza, l'amour n'est rien d'autre qu'une joie accompagnée de l'idée de sa cause. Mais seul l'amour intellectuel de Dieu (ou la connaissance adéquate de l'unité de la Nature) mène le sage à la béatitude et à la liberté. Amour 1 L’amour est tantôt idéalisé sous l'influence du spiritualisme chrétien, faisant figure d’aventure privilégiée, tantôt dépeint avec la volonté de corriger ou de détruire cette idéalisation. a) Moyen Âge. - L’amour courtois : le chevalier transfère à sa dame le respect et l’obéissance que l’honneur lui dicte à l’égard de son suzerain (Courtoisie); l’amour prend un caractère sacré qui l’élève au-dessus de tout : Chrétien de Troyes, Lancelot ou le Chevalier à la charrette, Yvain ou le Chevalier au lion; Lorris, Le Roman de la Rose (1re partie). - Un mythe de l’amour fatal et malheureux : Tristan et Iseut. - Une réaction d’inspiration réaliste : Meun, Le Roman de la Rose (2e partie). b) XVIe siècle. La tradition courtoise nationale se conjugue avec l’influence de l’Italien Pétrarque (1304-1374) qui avait lui-même puisé aux sources courtoises françaises : Marot, Poésies; Ronsard, Amours. Elle trouve un renfort dans la pensée néo-platonicienne qui présente l’amour profane comme une étape vers l’amour de Dieu : Navarre, L’Heptaméron. Dans cet ouvrage, certains «devisants» parlent au nom de la tradition réaliste dite gauloise. c) XVIIe siècle. - L’idéalisme romanesque et précieux fonde l’amour sur l’honneur, la générosité, le mérite et l’estime : Urfé, L'Astrée; Corneille, Le C/d(Rodrigue-Chimène), Cinna (Émilie-Cinna), Polyeucte (Pauline-Sévère), Rodogune (Séleucus, Antiochus, Rodogune); Mlle de Scudéry, Clélie; Molière, Amphitryon; Racine, Bérénice (Tite-Bérénice-Antiochus), Iphigénie. - Le libertin raille cet idéalisme au nom du plaisir : Molière, Dom Juan; ou au nom de la nature : Molière, Les Précieuses ridicules, Les Femmes savantes. - La peinture de la passion se colore de pessimisme (Passions, 1. Souffrance, 1, a) : La Rochefoucauld, Maximes; Guilleragues, Lettres portugaises; Mme de Lafayette, La Princesse de Clèves; Racine, Andromaque, Britannicus, Bajazet, Phèdre (la violence de l’amour échappe aux conventions galantes). d) XVIIIe siècle. - Triomphe de l’amour dans la comédie : Marivaux, Le Jeu de l’amour et du hasard, Les Fausses Confidences; Beaumarchais, Le Barbier de Séville, Le Mariage de Figaro. - Le roman peint des passions absolues qui tirent leur dignité de leur force et de l’exaltation de la sensibilité : Prévost, Manon Lescaut; Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse; mais aussi le libertinage : Laclos, Les Liaisons dangereuses; Diderot, Jacques le Fataliste. e) XIXe siècle. - À l’époque romantique, l’aventure par excellence est l’amour passion, source de souffrance, plus souvent que de bonheur, car il s’accommode difficilement du réel : • romans : Chateaubriand, Atala; Stendhal, Le Rouge et le Noir (Julien Sorel-Mme de Rénal), Chroniques italiennes (L’Abbesse de Castro), La Chartreuse de Parme (Fabrice-Clélia) ; Sainte-Beuve, Volupté (Amaury-Mme de Couaën); Balzac, Le Lys dans la vallée (Félix de Vandenesse-Mme de Mortsauf); Musset, La Confession d’un enfant du siècle (Octave-Brigitte Pierson); Mérimée, Carmen; Fromentin, Dominique; Flaubert, L’Éducation sentimentale (Frédéric Moreau-Mme Arnoux). • théâtre : Hugo, Hernani, Ruy Blas; Dumas, Antony; Musset, Les Caprices de Marianne, Fantasio, On ne badine pas avec l’amour; Vigny, Chatterton; Rostand, Cyrano de Bergerac. • poésie lyrique et oeuvres autobiographiques : Lamartine, Méditations poétiques; Musset, Poésies nouvelles; Nerval, Sylvie, Les Chimères, Aurélia; Baudelaire, Les Fleurs du Mal. - Les écrivains peignent aussi les désillusions, les violences, les dégradations de la passion et les réalités de la sensualité : Constant, Adolphe; Balzac, La Duchesse de Langeais, La Fille aux yeux d’or, Splendeurs et misères des courtisanes, La Cousine Bette (le Baron Hulot); Flaubert, Madame Bovary, L’Éducation sentimentale; Concourt, Germinie Lacerteux; Barbey d’Aurevilly, Les Diaboliques; Zola, La Curée, Nana, Pot-Bouille; Maupassant, Une vie. f) XXe siècle. - L’amour-passion reste un grand thème littéraire : Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes; Claudel, Partage de midi, Le Père humilié, Le Soulier de satin; Apollinaire, Alcools; Radiguet, Le Diable au corps; Giono, Un de Baumugnes, Le Chant du monde; Yourcenar, Le Coup de Grâce. Peignent le bonheur dans l’amour : Giraudoux, Amphitryon 38 (Alcmène-Amphitryon); Aragon, Les Yeux d’Elsa, Aurélien, Le Roman inachevé; Vian, L’Écume des jours; Éluard, Derniers poèmes d'amour. - Continuation de la peinture réaliste de l’amour et de la sensualité : Proust, À la recherche du temps perdu; Colette, La Naissance du jour; Aragon, Les Cloches de Bâle, Aurélien; Sartre, La Nausée, Le Mur; Butor, La Modification; Marguerite Duras, Moderato cantabile. 2 Amour entre parents et enfants : a) Amour maternel : Racine, Andromaque; Hugo, Les Misérables (Fantine et Cosette), Quatrevingt-Treize (Michèle Fléchard et ses enfants); La Légende des Siècles (Les Pauvres Gens); Colette, La Maison de Claudine, Sido; Duhamel, Chronique des Pasquier. b) Amour paternel : Balzac, Ferragus, Le Père Goriot; Hugo, Les Contemplations. c) Amour filial : Proust, À la recherche du temps perdu (Du côté de chez Swann, le narrateur, sa mère et sa grand-mère); Colette, La Maison de Claudine, La Naissance du jour, Sido; Pagnol, La Gloire de mon père. AMOUR (n. m.) 1. — Sert à désigner tous les rapports affectifs entre les hommes, voire ceux qui unissent les hommes à certaines choses. 2. — (Tradit.) Il s’agit d’une passion, cf. Descartes : « L’amour est une émotion de l'âme [...] qui l'incite à se joindre de volonté aux objets qui paraissent lui être convenables » ; opposé à l’amour passion, l'amour de Dieu, entièrement spirituel, est une action de l’âme. 3. — (Auj.) Il est difficile de le penser autrement que dans les termes d’un choix d’objet par la pulsion sexuelle.