ALAIN : UNE PENSÉE QUI NE DOUTE PLUS, LE FANATISME
ALAIN : UNE PENSÉE QUI NE DOUTE PLUS, LE FANATISME
Il ne suffit pas de condamner le fanatisme. Il faut chercher à le comprendre. Il faut s'interroger sur les manières de penser qu'il met en oeuvre, pour mieux différencier ses idées et jugements de ceux qu'exige la démarche philosophique.
« n y a un fond d'estime, et même quelquefois une secrète admiration, pour des hommes qui mettent en jeu leur propre vie, et sans espérer aucun avantage ; car nous ne sommes point fiers de faire si peu et de risquer si peu pour ce que nous croyons juste ou vrai. Certes je découvre ici des vertus rares, qui veulent respect, et une partie au moins de la volonté. Mais c'est à la pensée qu’il faut regarder. Cette pensée raidie qui se limite, qui ne voit qu’un côté, qui ne comprend point la pensée des autres, ce n'est point la pensée ; c'est une sorte de lieu commun qui revient toujours le même ; lieu commun qui a du vrai, quelquefois même qui est vrai, mais qui n’est pas tout le vrai. Il y a quelque chose de mécanique dans une pensée fanatique, car elle revient toujours par les mêmes chemins. Elle ne cherche plus, elle n’invente plus. Le dogmatisme est comme un délire récitant. Il y manque cette pointe de diamant, le doute, qui creuse toujours. Ces pensées gouvernent admirablement les peurs et les désirs, mais elles ne se gouvernent pas elles-mêmes. Elles ne cherchent pas ces vues de plusieurs points, ces perspectives sur l’adversaire, enfin cette libre réflexion qui ouvre les chemins de persuader, et qui détourne en même temps de forcer. Bref, il y a un emportement de pensée, et une passion de penser qui ressemble aux autres passions. »
Alain
ordre des idées
1) Raisons de reconnaître une certaine valeur au fanatique
— son désintéressement : il peut sacrifier jusqu’à sa vie pour une cause, ce qui peut inspirer le respect ; — le sentiment de notre infériorité, sur ce plan et par contraste : nous faisons peu pour les valeurs auxquelles nous croyons.
2) Raisons de rejeter l'idée fanatique :
— ses limites intellectuelles : elle est unilatérale, égocentrique (incapable de se décentrer pour comprendre la pensée d'autrui), répétitive sur le plan du contenu et des méthodes ; —sa stérilité : elle est sans valeur euristique (elle ne découvre rien), car elle exclut le doute, moteur de toute recherche, et s'enferme donc dans son dogmatisme (affirmation autoritaire d'idées posées comme absolument vraies, sans discussion possible). — ses conséquences pratiques : l'idée fanatique n'est pas une pensée libre qui chercherait l'approbation d'autres pensées libres ; elle cherche à contraindre par la force. — sa nature passionnelle : l'idée fanatique ne se maîtrise plus, est aliénée, passive comme toute passion, emportée par sa croyance en “la” vérité.
Liens utiles
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- Le critique Laurent Versini écrit dans Le roman épistolaire (1979) : « En face des partisans des lettres, la marquise est chargée par l'auteur d'introduire le doute et de souligner les risques auxquels s'expose toute correspondance amoureuse et, par delà, le romancier lui-même [...]. Risques doubles dans un roman comme Les liaisons : au problème général - l'écriture peut-elle communiquer la pensée et le sentiment, les mots ne trahissent-ils pas toujours les intentions, ou le signifian
- Le thème de tout roman, c'est le conflit d'un personnage romanesque avec des choses et des hommes qu'il découvre en perspective à mesure qu'il avance, qu'il connaît d'abord mal et qu'il comprend jamais tout à fait. Commentez cette pensée d'Alain ?
- « Le thème de tout roman, c'est le conflit d'un personnage romanesque avec des choses et des 'hommes qu'il découvre en perspective à mesure qu'il avance, qu'il connaît d'abord mal et qu'il ne comprend jamais tout à fait. » Commentez à l'aide d'exemples précis cette pensée d'Alain (Système des Beaux-Arts, 8).
- Complétez cette citation d'Alain : «Le fanatisme est la plus redoutable des passions, mais il faut aussi dire qu'il y a du fanatisme dans toutes les ... ».