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ALAIN : ANALYSE DU PRÉJUGÉ

ALAIN : ANALYSE DU PRÉJUGÉ

De manière générale, penser, c'est juger : construire des concepts, les articuler en propositions et en raisonnements. Mais tout jugement n'est pas vrai. La pensée philosophique ne peut que mettre en question ceux que nous impose l'opinion commune et ses idées préconçues. Alain prolonge l'analyse de Descartes, pour qui nos jugements manquent d'abord de solidité parce que “nous avons tous été enfants avant que d'être hommes, et qu'il nous a fallu longtemps être gouvernés par nos appétits et nos précepteurs” . Il montre aussi comment le préjugé est paradoxalement lié au désir philosophique de vérité.

« Préjugé. Ce qui est jugé d’avance, c’est-à-dire avant qu’on se soit instruit. Le préjugé fait qu’on s'instruit mal. Le préjugé peut venir des passions ; la haine aime à préjuger mal ; il peut venir de l'orgueil, qui conseille de ne point changer d'avis ; ou bien de la coutume qui ramène toujours aux anciennes formules ; ou bien de la paresse, qui n’aime point chercher ni examiner. Mais le principal appui du préjugé est l’idée juste d'après laquelle il n'est point de vérité qui subsiste sans serment à soi ; d’où l'on vient à considérer toute opinion nouvelle comme une manoeuvre contre l'esprit. Le préjugé ainsi appuyé sur de nobles passions, c'est le fanatisme. »

AlainDéfinitions.

ordre des idées

1) Définition générale du préjugé. — Préjuger, c'est tenir une idée pour vraie, affirmer ou nier une opinion, avant tout examen attentif, avant toute étude réelle. — Conséquence : puisque le préjugé se présente à l'esprit comme une idée vraie, il rend difficile la recherche, l'effort pour s'instruire, qui paraissent alors inutiles.

2) Origine des préjugés.

a) Alain discerne plusieurs causes possibles : — les passions (la haine, par exemple, fait qu'on juge réellement mauvais celui qu'on hait, parce qu'on le hait ; l'amour, à sa façon, rend également aveugle) ; — l'orgueil (qui rend difficile toute mise en question de ce qu'on croit) — la coutume (l'habitude, les usages, par essence conservateurs et sources d'idées reçues) ; — la paresse (qui fait qu'on évite l'effort que requiert l'étude attentive).

b) Au-delà de ces causes psychologiques ou sociologiques, Alain met en évidence une cause majeure du préjugé, qui est d'essence philosophique : une certaine passion de la vérité, source d'intolérance : — toute pensée vraie suppose un “serment à soi”, une volonté qui affirme la valeur d'une idée conçue par l'esprit ; — par voie de conséquence, l'amour du vrai peut conduire au fanatisme (s'il manque, par exemple, d'un certain sens du doute, qui anime le véritable désir philosophique du vrai).

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