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ABSTRACTION

ABSTRACTION, n.f. Opération intellectuelle par laquelle on considère à part, comme s’il était séparé, un élément d’une réalité complexe, en négligeant les autres ; par exemple, considérer, dans tel individu, sa seule humanité, sans tenir compte de ses qualités personnelles — ou, inversement, retenir telle qualité morale, physique, etc. « abstraction faite » de tout le reste. L’abstraction isole donc, par la pensée, ce qui ne peut pas être isolé dans la réalité. Séparer réellement (couper, disséquer, etc.) n’est pas abstraire ; considérer tous les éléments n’est pas non plus abstraire (par exemple, l’analyse réflexive n’est pas une abstraction). Le mécanisme intellectuel de l’abstraction permet de résoudre le problème des universaux. L’abstraction est liée à la généralisation (Traité § 93) ; la théorie en a été faite par Aristote, puis par saint Thomas d’Aquin et la logique de Port-Royal. Aujourd’hui, c’est l’étude des rapports de la pensée et du langage qui permet de reprendre cette question (Traité §81).

ABSTRACTION / ABSTRAIRE

1. Dans le sens courant, abstraire signifie ne pas tenir compte (abstraction faite de son âge...). 2. Dans le sens scientifique, abstraire signifie considérer à part un élément qui ne se rencontre pas seul dans la réalité (la couleur est une idée abstraite car on ne rencontre que des objets colorés et des couleurs variées). On voit donc que ces deux emplois en viennent à se contredire car ce dont on fait abstraction c'est ce qu'on néglige, alors qu'une abstraction c'est ce qu'on considère spécialement en négligeant ce qui l'accompagne. Par abstraction (sens 2) on parvient à des déterminations générales qui s’éloignent des réalités concrètes livrées par l’expérience . Gaston Bachelard écrit : «l'abstraction est la démarche normale et féconde de l’esprit scientifique » ; en effet, la connaissance scientifique, pour être rationnelle et sûre, doit quitter les cas particuliers et formuler des lois générales. De même Karl Marx affirme que la méthode scientifiquement exacte consiste à aller de l'abstrait au concret : il faut d’abord définir des termes abstraits — par exemple, en économie, les termes «valeur», «commerce», «marché», «offre», «demande»... — et ensuite reconstituer les relations qui existent entre ces termes — les rapports entre offre et demande, entre production et marché, ... — pour enfin donner le tableau complet de ce qui se passe dans la réalité. Le commerce existe bien avant que les économistes en expliquent les lois mais, pour formuler ces lois scientifiquement, il faut suivre la démarche que nous venons d’exposer : «les déterminations abstraites aboutissent à la reproduction du concret par la voie de la pensée». Ce n’est pas la même chose de vivre concrètement la réalité — ici faire du commerce — et de la penser scientifiquement — ce qui se fait abstraitement. En dépit de l’emploi péjoratif du mot (se perdre dans les abstractions), abstraire représente donc l’opération mentale essentielle pour la constitution de la connaissance.

Abstraction, abstrait

Du latin abstrahere, « enlever », « détacher » (du préfixe ab-, « hors de », et trahere, « tirer »). Abstraction : opération de l’esprit qui consiste à séparer ou isoler ce que nos sens nous présentent comme non séparé ; résultat de cette opération. - Abstrait : qualifie la notion ou l’idée obtenue par abstraction (contraire : concret).

• L'idée d'homme est une idée abstraite puisqu'on l’obtient en laissant de côté les qualités particulières et changeantes qu'on observe chez les individus concrets (l'âge, le sexe, la taille, la couleur de la peau, etc.).

• L’art dit abstrait rompt avec l'art figuratif, en ce qu'il cesse de représenter (de « figurer ») le réel pour proposer un univers de formes et de couleurs qui ne vaut que par lui-même.

ABSTRAIRE (v., étym : retirer de). 1. — (Lato) Isoler, détacher quelque chose de quelque chose. 2. — (Stricto) Opération psychologique qui consiste à considérer une représentation en laissant de côté certaines de ses déterminations ; les empiristes (Locke, Condillac) expliquent ainsi la genèse des idées abstraites à partir des données de sens. 3. —Abstraction : nom de l’opération qui consiste à abstraire ; résultat de cette opération ; (péj.) généralité vide. 4. —Principe d’abstraction : pour Russell, principe permettant la construction de nouveaux termes (le nombre) à partir de termes donnés (les éléments de plusieurs ensembles) ; « Le Principe revient [...] à affirmer que les relations transitives symétriques naissent d’une propriété commune, en ajoutant que cette propriété se trouve eu égard aux termes qui la possèdent dans une relation telle que rien d’autre n’a cette relation avec ces termes. » 5. —Abstrait opposé à concret se dit de tout ce qui a été abstrait au sens 2 ; (logique classique) Syn. général : une idée est plus abstraite selon que sa compréhension est moins riche, mais un terme peut être abstrait sans être général (la surface, le nombre) ; en le qualifiant d’abstrait, on veut dire qu’il n’est pas un constituant du monde, ou une donnée de l’expérience. 6. — Universel abstrait : pour Hegel, désigne l’universel séparé de ses moments constitutifs (péjoratif, opposé à universel concret).

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