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ABÎME (étymologie)

ABÎME: il faut remonter à l'adjectif grec abussos (sans fond) pour trouver l'origine de ce mot. Composé d'un a privatif et du mot bus-sos qui désigne le fond de la mer, abussos a donné en français l'adjectif abyssal, de forme savante, qu'on trouve dans l'expression profondeur abyssale. Cette expression est assez curieuse puisque profondeur s'applique à une chose dont le fond est très bas. Une profondeur abyssale serait donc un fond... si profond qu'il n'a pas de fond! Abussos est passé du grec au latin chrétien sous la forme abyssus (nom féminin) = « abîme ». Des clercs maladroits ont transformé, au Moyen Age, abyssus. dont ils ne comprenaient pas l'étymologie, en abysmus ou abismus. par confusion avec les nombreuses finales en -ismus (devenues -isme en français). D'où le nom abîme où l'accent circonflexe rappelle le s disparu. Abîme fut un mot féminin jusqu'au XVIIe siècle ; il est aujourd'hui masculin. Il a donné le verbe abîmer qui a d'abord et très logiquement signifié : précipiter dans un abîme. Le sens s'est très affaibli de nos jours sauf lorsqu'on dit qu'un avion s'est «abîmé en mer».


ABIME (mise en) - Procédé de la littérature théâtrale ou romanesque consistant à insérer dans une œuvre un épisode n’ayant pas un rapport direct avec l’intrigue, mais apparaissant comme une sorte de reflet du thème principal. Le mot abîme est un terme employé dans la langue du blason, c’est-à-dire du domaine des armoiries. Il désigne le centre de l’écu lorsque celui-ci simule lui-même un autre écu. L’expression de mise en abîme a été proposée par André Gide. Cette mise en perspective qui consiste à insérer un élément ayant avec le sujet un lien purement thématique ou analogique a pour but d’éclairer le sens de l’œuvre. Gide a appliqué ce procédé dans Les Faux-Monnayeurs, roman critique qui annonce les recherches du nouveau roman. Dans cette histoire très enchevêtrée et donc très « romanesque », le « Journal d’Édouard » (le narrateur) constitue un véritable « roman dans le roman » qui fait de la création littéraire le véritable sujet de l’œuvre. Le rapport entre les éléments reliés par la mise en abîme peut être très étroit. Ainsi quand Hamlet fait jouer pour le roi la scène du meurtre (théâtre dans le théâtre), l’allusion au thème principal (un meurtre et une usurpation) est très nette. Dans d’autres cas, le récit enchâssé ou enclavé dans un autre récit peut avoir une relation plus ou moins vague avec celui-ci. On peut citer l’histoire de Madame de la Pommeraye dans Jacques le Fataliste de Diderot ou Un amour de Swann dans À la recherche du temps perdu de Proust. Gide évoque ce procédé dans son journal (août 1893) : « J’aime assez qu’en une œuvre d’art on retrouve ainsi transposé, à l’échelle des personnages, le sujet même de cette œuvre. Rien ne l’éclaire mieux et n’établit plus sûrement toutes les propositions de l’ensemble. Ainsi, dans tels tableaux de Memling ou de Quentin Metzys, un petit miroir convexe et sombre reflète, à son tour, l’intérieur de la pièce où se joue la scène peinte. Ainsi, dans le tableau des Ménines de Velasquez (mais un peu différemment). Enfin, en littérature, dans Hamlet, la scène de la comédie ; et ailleurs dans bien d’autres pièces. Dans Wilhelm Meister, les scènes de marionnettes ou de fête au château. Dans la Chute de la Maison Usher, la lecture que l’on fait à Roderick, etc. Aucun de ces exemples n’est absolument juste. Ce qui le serait plus, ce qui dirait mieux ce que j’ai voulu dans mes Cahiers, dans mon Narcisse et dans la Tentative, c’est la comparaison avec le procédé du blason qui consiste, dans le premier, à en mettre un second “en abyme”. »

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