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Yves Berger

Né en 1933. Enfance en Provence. Etudes supérieures à Montpellier et à Paris. Agrégé d'anglais. Quitte bientôt l’enseignement pour entrer dans l’édition. Critique spécialisé dans la littérature et la civilisation américaine, a collaboré à l’Express, collabore au Monde et au Point. Son premier roman, le Sud, obtint le prix Fémina en 1962. Yves Berger est directeur littéraire des éditions Grasset. L’œuvre d’Yves Berger est doublement enracinée : dans un sol et dans un rêve. Le sol est celui de sa Provence natale. Le rêve ouvre sur un espace ; c’est le rêve d’un pays, aussi bien de son histoire que de son territoire, le rêve non pas d’un autre monde, mais du Nouveau Monde. L’Amérique pour laquelle, enfant, il eut le coup de foudre en la découvrant dans un livre, l’écrivain la recrée par les mots et, ce faisant, se l’approprie. D’une Amérique réelle, sur laquelle il a d’abord accumulé les connaissances (historiques, géographiques, ethnologiques, sociologiques, littéraires, cinématographiques), puis qu’il a visitée, parcourue de long en large, qu’il connaît jusque dans ses profondeurs, mais qui demeure cependant pour lui le lieu privilégié de l’imaginaire, le royaume mythique des Indiens et des pionniers, il a fait la figure centrale, à la fois le décor et le thème de ses romans. Cette Amérique est aussi réelle et aussi imaginaire, aussi vraie et aussi singulièrement réinventée que peuvent l’être, par exemple, le Paris de Balzac ou le comté de Yoknapatawpha de William Faulkner. Deux romans seulement, publiés à quatorze ans d’intervalle, le Sud, en 1962, le Fou d’Amérique en 1976 constituent cette œuvre exigeante, cohérente — mais ce n’est pas au nombre de volumes qu’on juge un auteur. De l’un à l’autre une même démarche se déploie, qui se veut exploration, déchiffrement, conquête d’un univers. Chacun se donne à la fois comme fête de l’écriture et comme célébration de l’Amérique. Et dans les deux, l’amour de l’Amérique se confond avec celui d’une femme, la femme apparaît comme le double, l’incarnation symbolique de la terre rêvée, aimée, désirée, rencontrée enfin dans le second. Virginie dans le Sud est la sœur, l’âme sœur, son nom ne cesse de réactiver chez le narrateur — enfant, adolescent, étudiant — l’image de la Virginie qui fut un temps, vers 1842, pour les planteurs qui l’habitaient, quelque chose comme le paradis. Et dans le Fou d’Amérique, Luronne ne rappelle pas seulement par son nom la plus célèbre race d’indiens, elle est l’initiatrice aux secrets de l’Amérique, la mémoire et le savoir de son pays. Mais entre les deux livres, entre le récit romantique, passionné et la somme somptueuse, il existe une coupure essentielle. De l’un à l’autre on passe du rêve à la réalité, de l’enfance à l’âge adulte, cependant que le jeune écrivain brillamment doué tient ses promesses. Le Sud, à l’architecture savante, à l’écriture sensuelle, et qui jouait sur l’opposition passé-présent, rêve-réalité était le roman de l’entrée dans la vie. Dans un village de Provence, le narrateur avait, toute son enfance, rêvé avec son père, et dans la bibliothèque du père, d’une Amérique presque mythique, celle des Etats du Sud aux environs de 1840. Pour l’arracher à ses fantasmes, Virginie, sa sœur, devra lui proposer une autre vie, fantastique elle aussi, dans l’amour, dans l’inceste. Osant enfin toucher ses rêves — une Virginie au nom de femme et de pays — l’adolescent deviendra homme. Le narrateur du Fou d’Amérique est un adulte et son aventure une aventure d’homme. Mais comme celui du Sud — et comme Berger lui-même — il est originaire de Provence et s’avoue depuis l’enfance amoureux de l’Amérique. Comme le Sud, le Fou d’Amérique est un roman d’apprentissage. Une fois en Amérique, le héros ne se contente pas de la visiter, de se perdre dans les rues de New York ou de descendre le grand canyon, littéralement, grâce à l’intercession de Luronne il la redécouvre. Berger alors réussit à faire d’un roman toujours passionnant une œuvre encyclopédique où tout le savoir de l’Amérique devient le poème du nouveau monde. ► Bibliographie

Le Sud, 1962 ; le Fou d'Amérique, Grasset, 1976.

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