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WITTGENSTEIN (vie et oeuvre)

Logicien et philosophe, précurseur de la «philosophie analytique» moderne, Ludwig Wittgenstein a fortement modelé, avec Bertrand Russell, le paysage philosophique anglais, pour le centrer sur un travail de dénonciation des pseudo-problèmes en concevant la philosophie comme une analyse logique du langage.

La formation scientifique
Ludwig Wittgenstein naît à Vienne le 26 avril 1889 dans une famille riche et cultivée. Après avoir terminé ses études secondaires, il entreprend à Berlin des études de mécanique appliquée. En 1908, il est étudiant à l'Université de Manchester, puis, en 1912, au Trinity College de Cambridge, où il suit les cours de Bertrand Russell sur le fondement des mathématiques. Pendant la Première Guerre mondiale, il sert dans l'armée autrichienne, et c'est sur le front qu'il rédige l'unique ouvrage qui paraîtra de son vivant (en 1921), le "Tractatus logico-philosophicus".

Le philosophe de l'indicible
«Ce dont on ne peut parler, il faut le taire», concluait le "Tractatus". Wittgenstein se taira pendant dix ans. Après avoir été architecte, instituteur et jardinier, il renoue avec la philosophie en 1929. Il enseigne comme assistant au Trinity College avant d'être nommé titulaire de la chaire principale de philosophie en 1939. Il démissionne de ce poste en 1947 et va finir sa vie dans une hutte de la côte irlandaise, où il meurt le 29 avril 1951.

Étrange destin que celui de l'oeuvre de Ludwig Wittgenstein, qui ne publia dans sa vie qu'un seul ouvrage, le "Tractatus logico-philosophicus". Ses autres travaux de recherches philosophiques ne devaient paraître qu'après sa mort.

Tractatus logico-philosophicus (1921)
L'ouvrage se présente sous la forme d'une suite d'aphorismes au contenu souvent déroutant, et montre que, pour moi, le réel et le possible ne font qu'un. La philosophie développée dans le "Tractatus" s'apparente à l'argumentation kantienne de la "Critique de la raison pure". De même que Kant prétendait tracer les limites de la connaissance positive, Wittgenstein s'efforce, en analysant les structures du langage existant, de définir les limites de possibilités de tout discours car «les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde».

Investigations philosophiques (1953)
Wittgenstein y révise ses conceptions antérieures. Il s'agit de considérer que certaines choses ne peuvent pas s'exprimer dans des propositions positives et de s'intéresser par conséquent à d'autres catégories du discours, comme la religion, la morale, l'esthétique.

Remarques sur les fondements des mathématiques (1956)
La réflexion de Wittgenstein s'apparente aux réflexions suscitées par «la crise des fondements» lorsque les géométries non-euclidiennes ont révélé que l'évidence des axiomes était insuffisante pour qu'on y puisse fonder les mathématiques; mais elle est aussi à la fois plus naïve et plus radicale: Que fait-on lorsque l'on fait des mathématiques? demande Wittgenstein, et il fait ainsi porter sa réflexion sur le sens de l'activité mathématique.

Remarques philosophiques (1964)
En fixant la signification des mots, la grammaire détermine quelle est l'essence de chaque chose. «Gérante de la grammaire», la philosophie peut «saisir l'essence du monde», non dans des propositions du langage, mais à travers les règles de la grammaire «qui excluent les combinaisons de signes dénués de sens».

De la Certitude (1969)
Dans son ultime ouvrage, resté inachevé, Wittgenstein s'intéresse à diverses sortes de propositions très semblables aux «propositions» mathématiques en ce qu'elles sont soustraites au doute et occupent une position centrale dans notre système de croyances, sans avoir pourtant le statut de règles. Ce sont les «convictions», soustraites à la contestation, qui font système et forment notre «image du monde».

La philosophie analytique
Comme son nom l'indique, la philosophie «analytique» pratique l'analyse minutieuse de la signification des énoncés de la science ou du sens commun. La philosophie devient une sorte d'enquête sur le langage et ses usages, et non plus une quête de vérité. Il s'agit de questionner la manière dont l'homme, par son langage, pense le monde afin de rendre explicite ce qui y était impressionnisme.

Le Cercle de Vienne
On appelle «Cercle de Vienne» la communauté de chercheurs qui publie en 1929 un manifeste intitulé La Conception scientifique du monde, lequel se résume en trois points: il s'agit de développer une «attitude fondamentale» contre les menaces d'obscurantisme qui accompagnent le fanatisme politique des années 1920; un «point de vue» cohérent sur les savoirs qui reposerait sur une méthodologie commune; et «une science unitaire» capable de dépasser l'opposition traditionnelle entre «sciences de la nature» et «sciences de l'esprit».

APPORTS

Avec deux ouvrages, le "Tractatus logico-philosophicus" et les Investigations philosophiques, Wittgenstein a durablement marqué son siècle. En effet, ses recherches auront une influence déterminante sur la façon de concevoir l'acte même de philosopher.

WITTGENSTEIN Ludwig. Logicien et philosophe autrichien, précurseur de la « philosophie analytique » moderne. Né à Vienne le 26 avril 1889, mort à Cambridge le 29 avril 1951. Après avoir terminé ses études secondaires, il se rendit à Berlin afin d’étudier la mécanique appliquée. En 1908, il partit pour l’Angleterre, s’inscrivit comme étudiant à la section de mécanique pratique de l’Université de Manchester, puis — en 1912 — à « Trinity College » de Cambridge où il suivit des cours sur le fondement des Mathématiques et sur la Logique, notamment ceux de Bertrand Russel. Il servit dans l’armée autrichienne pendant la Première Guerre mondiale. De 1920 à 1926, il enseigna dans plusieurs écoles primaires, en Basse-Autriche. L’année 1929 le vit retourner à Cambridge, où il occupa bientôt un poste de « Fellow » (professeur-assistant) à « Trinity College ». En 1939, il fut nommé titulaire de la chaire principale de philosophie de l’Université de Cambridge. Il démissionna de ce poste en 1947.
Etrange destin que celui de son œuvre : Wittgenstein ne publia dans sa vie qu’un seul ouvrage, le Tractatus logico-philosophicus qui parut en langue allemande en 1921 et en anglais en 1922. Ses autres travaux de recherches philosophiques ne devaient paraître qu’après sa mort.
Il y a ainsi deux « périodes » distinctes dans la réflexion philosophique de Wittgenstein : la première qui débute en 1912, lorsqu’il rencontre Russel à Cambridge, et qui aboutit à la rédaction de Tractatus; la seconde qui commence vers la fin des années vingt, au cours de laquelle le philosophe, qui n’a plus les mêmes conceptions théoriques que celles qui l’ont fait connaître, garde le silence vis-à-vis du public. La philosophie développée dans le Tractatus s’apparente à l’argumentation kantienne de la Critique de la raison pure : de même que Kant prétendait tracer les limites de la connaissance positive, Wittgenstein s’efforce, en analysant les structures du langage existant, de définir les limites de possibilités de tout discours. S’inspirant des travaux de Frege et de Russel, il réduit le langage à ses composantes ultimes qu’il nomme « propositions élémentaires », dont la définition engage la notion essentielle d’exclusion. Mais la nature de ces « propositions élémentaires » — en particulier la relation qu’elles supposent entre le mot et la chose — demeure obscure. Wittgenstein aboutit à la tautologie, au solipsisme : il n’est pas possible de déclarer que certains objets existent tandis que d’autres n’existent pas, puisque leurs noms sont de pures dénominations et que les objets eux-mêmes représentent seulement le sens de ces noms. Singulier paradoxe qui explique l’attrait exercé par le Tractatus dans la période qui se situe entre les deux guerres et l’influence considérable qu’il exerça sur la « philosophie linguistique ».
Dans la préface des Investigations philosophiques, Wittgenstein révise ses conceptions antérieures : il s’agit de dépasser le seul champ du « discours positif — unique point de référence du Tractatus —, de considérer que certaines choses ne peuvent s’exprimer dans des propositions positives et de s’intéresser par conséquent à d’autres catégories de discours, comme la religion, la morale, l’esthétique. La généralisation théorique (trait caractéristique du Tractatus) devait désormais céder le pas à une étude phénoménologique du langage humain, de caractère empirique. La philosophie doit renoncer à revendiquer un domaine autonome pour se constituer en critique des usages linguistiques. Exemple, la définition de l’éthique : selon la conception ancienne, une théorie du Bien, qui doit indiquer ce qui est bon et ce qui ne l’est pas; pour Wittgenstein, une analyse des usages linguistiques de l’assertion. Autre application : la théorie des sensations, que Wittgenstein envisage comme l’analyse des relations entre l’intérêt personnel et les déterminations générales à l’intérieur du « langage des sensations ». Cette philosophie analytique est-elle vraiment neutre, comme elle l’affirme ? Wittgenstein prétend remplacer « l’explication par la description », « laisser les choses en l’état ». Insistance qui se conçoit comme la volonté d’éviter tout retour à la tradition, la conception analytique de l’activité philosophique représentant une rupture définitive avec la philosophie classique. Le sens profond de la neutralité analytique revendiquée par Wittgenstein est d’enjoindre, devant un problème donné, de prendre du recul pour réfléchir sur la manière dont il se pose. C’était déjà le sens de la révolution kantienne.




♦ « Wittgenstein a influencé et véritablement dominé toute la philosophie anglo-saxonne contemporaine. A lire l’ensemble des œuvres maintenant accessibles, on se rend compte en effet que sa pensée a précédé ou, pour ainsi dire, accompagné la majorité des tentatives qui ont compté dans le développement de l’analyse depuis quarante ans. » Denis Zaslawsky.

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