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VILLAGE GLOBAL

VILLAGE GLOBAL Quelle société, quel monde annonce l’avènement de l’information et de la communication électroniques ? Cette question a, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, suscité de nombreuses hypothèses auprès des scientifiques de diverses disciplines, chercheurs ou grands commis de l’État. Le résultat en a été que la théorie s’est enrichie d’une multitude de termes et de néologismes qui ont essayé de rendre compte des changements présents et à venir dans le statut social, économique et culturel de ces technologies. En scrutant les différents intérêts qui ont présidé à leur production et à leurs usages, la généalogie de ces concepts, théories et doctrines permet de comprendre quels ont été et quels sont toujours les enjeux de ces bouleversements des modes de penser la communication. Des bouleversements où se sont opérés des ruptures marquées ou de progressifs glissements de sens qui ont fait passer la « communication » d’une signification réduite aux médias à une définition à prétention totalisante, du confinement dans un secteur industriel à sa promotion en tant que socle d’une société nouvelle. Pour arriver, en bout de course, au déplacement de l’« idéologie du progrès » par l’« idéologie de la communication ». Dans cette genèse, un homme est devenu, à lui seul, un paradigme : le Canadien Marshall McLuhan (1911-1980). Il fait remonter la véritable « révolution de l’information » au 17 octobre 1957, date du lancement de Spoutnik : « À la vitesse de l’instant, écrit-il en 1974, l’audience se transforme en acteur, et les spectateurs deviennent des participants. Sur le vaisseau Terre ou dans le théâtre global, l’audience et l’équipage deviennent des acteurs, des producteurs plutôt que des consommateurs [...]. La possibilité de la participation publique devient une sorte d’impératif technologique qui a été appelé“ loi du Lapon ” : “ Si cela peut être fait, cela doit l’être ”- une sorte de chant des sirènes de l’appétit d’évolution. » Un point de vue qu’il avait développé plus largement cinq ans auparavant, avec la collaboration de Quentin Fiore, dans un ouvrage intitulé War and Peace in the Global Village (Guerre et paix dans le village planétaire, 1968). La guerre du Vietnam battait alors son plein. Le monde entier, affirmaient-ils, vivait la « première guerre de la télévision », car il s’agissait de la première guerre qu’on pouvait suivre au jour le jour à la télévision. Une guerre qui « signifie la fin de la dichotomie entre civils et militaires. Le public participant maintenant à chacune des phases de la guerre, et ses combats les plus importants étant livrés par le foyer américain lui-même ». Il suffisait de « suivre la vague du changement comme un sportif du surf ». Cette « participation en profondeur » dans ce nouvel environnement qui agit de façon permanente sur le sensorium expliquait, selon les deux auteurs, pourquoi « tous les territoires non industrialisés, comme la Chine, l’Inde et l’Afrique, progressent à grands pas grâce à la technologie électrique ». Dans cette vision du « village planétaire », tout advenait par la seule vertu de l’impératif technologique. De là à gommer la complexité des cultures et des sociétés dans lesquelles ces messages atterrissaient et agissaient, il n’y avait qu’un pas. Un pas que franchirent d’autres analystes immergés dans la lutte des idées. Se saisissant de cette conception déterministe, ils y lurent ce dont ils étaient déjà convaincus depuis longtemps : les nouvelles technologies de communication signifiaient la fin des idéologies, la montée d’une nouvelle idée du changement social qui rendait définitivement caduque la vieille obsession des révolutions politiques. Car la « révolution des communications » avait déjà commencé, selon eux, à résoudre des problèmes qu’étaient loin d’avoir résolus ces dernières. Force est de constater, cependant, que les espoirs égalitaristes de M. McLuhan pour la communauté humaine, qui retrouverait l’« état cohésif de la vie de village », étaient vains. L’avènement des médias globaux, qu’on voulait transparents, n’a pas entraîné le « rattrapage du retard » des pays en voie de développement (PED) ni la fin des conflits. Ces représentations auront surtout permis aux grandes entreprises de mettre en œuvre la conquête du marché mondial.

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