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Un saint triste est-il un triste saint ?

Rien n'est moins sûr. Les saints des vitraux ne bougent pas. Ils paraissent si sages qu’on a du mal à les imaginer en vie. La sainteté est toujours déclarée post mortem mais elle se manifeste dans le style déconcertant et joyeux des intéressés. Ni sages, ni surhommes : simplement remplis de Dieu. A l’instar de ces vitraux sombres traversés par un rayon de lumière qui les transfigure. « Un saint triste est un triste saint », disait saint François de Sales. Ce jeune évêque plein du zèle de la Contre Réforme catholique ne manque pas d’humour. Les enfants se pressent à son catéchisme, car il se déguise pour capter leur attention et met tout son talent oratoire au service de la foi. Il a toujours un bon mot en réserve. Il taquine son frère - qui le seconde dans sa mission - à propos de son mauvais caractère : « Je pense qu'il y a une femme bien heureuse. Devinez qui elle est... C’est celle que vous n’avez pas épousé!»
La vie des saints laisse transparaître une joie qui vient d’ailleurs. Après tout, ils ne font qu’appliquer à la lettre ce verset du psaume 34 : « Quand on tourne vers lui les regards, on est rayonnant de joie. » Cette exultation intérieure va de pair avec une absence de respect humain. Leur mode de vie a beau être austère, leur extérieur est joyeux. On pense au saint curé d’Ars au visage émacié par les privations et les veilles, mais plein d’esprit. Un prêtre bedonnant lui dit un jour : « J’aimerais, quand vous mourrez, pouvoir m’accrocher à votre soutane... Comme vous êtes certain d’aller au ciel, j’entrerai dans la foulée ! » La réponse du curé d’Ars fuse : « Surtout pas ! Laporte est étroite ! » Si un saint est triste, c’est donc qu’il a raté sa vocation.

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