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TROUBADOURS ET TROUVÈRES

TROUBADOURS ET TROUVÈRES
La poésie lyrique, en France, est-elle née, « au sud de la Loire », dans le pays de langue d'oc? Ce fut longtemps la seule thèse admise par les historiens de la littérature. Certains pensent aujourd'hui qu'elle se serait développée « au nord », à peu près au même moment. Ainsi V:-L. Saulnier (qui a inventorié au nord de la Loire une récolte particulièrement riche) l'estime, d'abord, tout aussi précoce et, en outre, plus « variée » dans ses thèmes, alors que le Midi chante presque exclusivement l'amour. Pour la grande médiéviste Régine Pernoud, c'est là un faux problème : « Si l'on examine les dates, on s’aperçoit que le lyrisme fleurit à la fois en langue d’oc, et en langue d’oïl », à la fois, c’est-à-dire en ce même XIIe siècle, et dans la première moitié du XIIIe. (Notons au passage que, tant au Nord qu’au Midi, cette poésie dite « lyrique » est-au sens véritable du terme - cultivée par des poètes qui sont en même temps des musiciens.) Le Nord préfère les formes, plus populaires, de la « chanson à danser » (rondes, rondeaux, ballettes, caroles) ou encore de la chanson de toile, de la« reverdie » (qui est, comme son nom l’indique, une poésie saisonnière), de l'« aube » (pièce galante qui feint de pleurer le retour du jour, qui sépare les amants); enfin, de la « pastourelle » (thème du chevalier et de la bergère). Le Midi innove, sans conteste, par son culte presque exclusif de la poésie « courtoise », ainsi nommée parce qu’elle met en scène les tourments et les désirs de l’homme de cour, du noble chevalier, même si (le cas est d’ailleurs assez rare) c’est un roturier qui chante à sa place.
Les thèmes qui préoccupent les troubadours seront donc ceux-là même du preux : l’amour, la guerre, la foi. Ce qui peut alors se résumer en un mot : la fidélité; car le code qui lie le poète chevaleresque à sa maitresse sera calqué sur celui du« féal» à l’égard du suzerain (ou celui du « fidèle» envers Dieu, envers le Christ, envers Notre-Dame). Mais les thèmes de la guerre et de la foi sont aussi traités pour eux-mêmes par exemple dans le sirventès. Chant de combat - et ce dans les deux sens du mot - : tantôt le sirventès incite à la guerre sainte, et tantôt il chante la révolte, la lutte du vassal contre le seigneur. Ou encore, à partir du XIIIe siècle, il exprime la protestation du Méridional pillé et ravagé par les barons du Nord dans le cadre de la «croisade des Albigeois» (ainsi fera Peire Cardinal, natif du pays du Puy). Notons à ce propos, que le troubadour Folquet de Marseille, qui fut aussi célèbre comme évêque de Toulouse, se signala par sa cruauté dans la lutte contre les villes des Albigeois. Soucieux de raffinement dans la forme, les troubadours développent la technique du trobar ric (c’est-à-dire: riche, travaillé et orné) qui voit apparaître les recherches de rythmes, et aussi la rime, inconnue jusqu’ici; rime le plus souvent doublée, triplée, et « enrichie » de la consonne d’appui. Au trobar ric, recherche purement artisanale, s’ajoute le trobar clus (c’est-à-dire fermé, « hermétique ») qui multiplie les métaphores ambiguës et les symboles, indéchiffrables pour le profane ; car l’objet de la passion qui lie le troubadour à la femme aimée - à sa Dame - est un secret, et doit rester tel aux yeux des tiers. Le premier en date des troubadours, Guillaume IX duc d’Aquitaine (1071-1127), est un...


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