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TEILHARD DE CHARDIN

TEILHARD DE CHARDIN (Pierre). Né à Sarcenat, dans le Puy-de-Dôme, brillant élève des jésuites à Mongré, Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955) entra au noviciat des jésuites le 20 mars 1899. Il fut ordonné prêtre en 1911 et travailla au Muséum de Paris, sous la direction de Boule, jusqu'à la guerre de 1914. Démobilisé en 1919, il retrouva son laboratoire, passa en 1922 une thèse sur les mammifères de l'éocène inférieur français, et enseigna la géologie à l'institut catholique de Paris. Il fut envoyé en mission en Chine, auprès du remarquable naturaliste qu'était le père Licent, et, pendant plus de vingt ans, y poursuivit des recherches de géologie et de paléontologie. A son retour, en 1946, il fut nommé directeur de recherche au CNRS et entra, en 1951, à l’académie des Sciences. Une chaire de paléontologie lui fut offerte au Collège de France. Ses supérieurs ne l’autorisèrent pas à l’accepter, ni à publier le Phénomène humain. Ils lui demandèrent également de ne pas rester à Paris. Teihard se soumit en tout et partit pour New York où il mourut le 10 avril 1955, au soir de Pâques. Les travaux scientifiques de cet éminent religieux sont importants dans trois domaines : la géologie, la paléontologie des mammifères, la paléontologie et la préhistoire humaines. Ses intérêts fondamentaux ont été la géologie, l'évolution et la théorie de la lignée germinale de Weismann. Sa foi chrétienne était profonde. Sa philosophie originale est une vision du monde qui se déploie dans une immense perspective évolutionniste et mystique. Tout est présence, don et grâce de Dieu. La grande loi de l’évolution est la loi de complexité-conscience, dont l’objectif est la naissance de l’Esprit. «Il existe seulement de la matière devenant Esprit.» Teilhard conçoit un nouvel hylémorphisme : «L’étoffe de l'univers est l'Esprit-Matière.» Il aboutit à des conséquences de type leibnizien : tout est dans tout ; si nous connaissions tout d'un être ou d’une chose quelconque, nous connaîtrions le présent, le passé et le futur de l'univers. Dans l'histoire du monde, nous pouvons distinguer trois points critiques : celui qui vit apparaître la vie, celui qui vit apparaître la réflexion, et celui vers lequel nous marchons. Il est prouvé que l'évolution a un sens, et qu'elle est orientée vers l'homme, être conscient et «qui sait qu'il sait». L'apparition de la pensée change définitivement la face de la terre. À la Biosphère a succédé la Noosphère. Mais l'évolution n'est pas terminée. Elle tend vers un centre, le point Oméga où tout fusionnera sans se perdre, en se différenciant dans la ligne de sa plus haute réalisation. La fin du monde sera non pas une catastrophe mais un achèvement. La foi chrétienne vient ici aider Teilhard à préciser ses vues. C'est le Christ qui dirige et anime la montée générale des consciences. Quand il aura tout rassemblé et tout transformé, «il n'y aura plus que Dieu tout en tous». Teilhard a laissé une œuvre très abondante, qui n’était pas toujours préparée pour l'édition. Il a demandé que ses livres soient lus comme des livres scientifiques et non comme des traités de métaphysique. Il a admis que, du point de vue doctrinal, «l’ivraie», dans ses écrits, pouvait se trouver mêlée au bon grain et qu'un tri restait à faire. Citons, parmi les textes publiés, le Phénomène humain, l'Apparition de l'homme, la Vision du passé, le Milieu divin, l'Avenir de l'homme, l'Énergie humaine, l'Activation de l'énergie, la Place de l'homme dans la nature, Science et Christ, Comment je crois, Hymne de l'univers, le Groupe zoologique humain — Écrits du temps de guerre. Sa thèse se trouve dans les Annales de Paléontologie (1921-1922).
TEILHARD DE CHARDIN (R. P. Pierre), savant, philosophe et théologien français (Sarcenat, dans la commune d'Orcines, près de Clermont-Ferrand, 1881 - New York 1955). Entré dans la Société de Jésus en 1899, ordonné prêtre en 1911, il enseigne la géologie et la paléontologie à l'institut catholique de Paris de 1920 à 1923. De 1923 à 1946, il parcourt l'empire chinois, l'Inde, la Birmanie, Java et participe en 1931 à ce qu'on a appelé la « Croisière jaune » (traversée de l'Asie centrale en automobile, organisée par André Citroën). A partir de 1951, il est attaché à la Wenner-Gren Foundation de New York, qui, en 1951 et 1953, le charge de superviser et de financer les recherches anthropologiques en Afrique du Sud. Teilhard de Chardin est d'abord un savant qui, depuis 1929, participa en Chine aux fouilles de Chou-kou-tien (près de Pékin), où fut découvert le sinanthrope, dit « homme de Pékin », qui est, avec l'homme de Java, le type humain le plus ancien. Les recherches d'anthropologie l'ont amené à concevoir toute une théorie évolutionniste : sa philosophie vitaliste cherche à penser la continuité entre la nature et la vie, puis entre la vie et l'esprit. Cette recherche des « intermédiaires » le rapproche du matérialisme dialectique comme science de la nature et de son histoire. Mais Teilhard de Chardin ordonne toute l'évolution non seulement à la réalisation de l'homme (comme espèce animale supérieure aux autres espèces), mais à celle d'un homme particulièrement spiritualisé, dont le Christ, selon lui, représente la vivante image. En d'autres termes, l'évolutionnisme de Teilhard de Chardin n'est pas seulement une théorie de l'évolution des espèces les plus basses jusqu'à l'homme, c'est aussi une philosophie de l'histoire, qui assigne à l'homme le devoir de réaliser l' « ultra-humain », c'est-à-dire une vie purement spirituelle, l'idéal du Christ.
Cette continuité entre une théorie de la vie (« biosphère ») et une théorie de l'esprit (« noosphère ») n'est pas sans évoquer la philosophie de Bergson (où la théorie de la vie — dans l'Evolution créatrice — culmine en une théorie de l'esprit — dans les Deux Sources de la morale et de la religion). L'œuvre scientifique de Teilhard de Chardin, ses recherches sur l'origine de l'homme restent à l'ordre du jour; sa philosophie a secoué certains milieux chrétiens en montrant qu'une recherche scientifique — de style nettement « matérialiste » —, portant sur l'histoire de la nature, n'est pas exclusive de la foi. Ses Œuvres complètes ont été publiées aux Editions du Seuil. On lui doit notamment le Phénomène humain (1938-1940), le Cœur de la matière (1950), le Christique (1955).

TEILHARD DE CHARDIN Père Pierre. Savant et philosophe français. Né à Orcines (Puy-de-Dôme) le 1er mai 1881, mort à New York le 10 avril 1955. Descendant d’une vieille famille aristocratique établie en Auvergne depuis des siècles, il passa toute son enfance à la campagne, dans la propriété de ses parents, se montrant déjà passionné par le spectacle de la nature. Aussitôt ses études secondaires terminées au Collège des jésuites de Mongré, près de Lyon, il entra au noviciat des jésuites d’Aix-en-Provence. Les lois de Combes sur les congrégations ayant été promulguées, le jeune religieux, à partir de 1901, dut aller faire sa théologie à Jersey, et c’est en Angleterre, à Hastings, qu’il fut ordonné prêtre en 1905. A côté de sa vocation sacerdotale, mais liée à elle, la vocation scientifique de Teilhard de Chardin s’était éveillée dès l’adolescence — cf. Le Cœur de la matière, texte encore inédit, écrit en 1950 : au cours d’un séjour en Égypte, de 1905 à 1908, Teilhard put se livrer à ses premières études de géologie sur les formations nummulitiques du Mokattan. Son intérêt essentiel allait cependant à la paléontologie : rentré en Angleterre, il participa à des recherches entreprises dans le Sussex qui devaient aboutir en 1912 à la découverte de l’« Eoanthropus Dawsoni » de Piltdown (il semble malheureusement que les savants aient été en cette occasion victimes d’une supercherie). Arrivé à Paris en 1912, Teilhard fut attaché au laboratoire de Paléontologie du Muséum, sous la direction de Marcellin Boule; ses travaux jusqu’à la guerre porteront principalement sur les mammifères du tertiaire moyen et inférieur de l’Europe. Mobilisé en 1914 comme caporal-brancardier dans un régiment nord-africain, Teilhard de Chardin fit une guerre magnifique (Médaille militaire, Légion d’honneur). Jusque dans les tranchées de Champagne il continuait ses recherches, et ses découvertes sur la microfaune de Cernay lui fourniront le sujet de sa thèse en Sorbonne. Titulaire de la chaire de géologie de l’institut catholique dès 1919, il passe son doctorat ès sciences en 1922. Un an plus tard il part pour la Chine, où il séjournera presque continuellement pendant plus de vingt ans. Après une première randonnée (1923-26) en Mongolie orientale, dans les Ordos et le désert de Gobi, Teilhard est nommé en 1929 conseiller du Service géographique national de la Chine. En 1930, il participe à l’expédition du Muséum de New York dans le Centre-Asie et prendra une part importante dans la découverte du « Sinanthropus ». D’avril 1931 à février 1932, il accompagne la grande mission transasiatique Haardt-Citroën (la fameuse « Croisière jaune »). Directeur des fouilles de Choukoutien, près de Pékin, en 1932, il part en 1935 dans l’Inde septentrionale et centrale avec la Yale Cambridge Expédition et fait en 1936, 1937, 1938 des incursions à Java (recherches sur les dépôts originaires du « Pithecanthropus »). Teilhard passera toute la période de la guerre à Pékin et ne reviendra en France qu’en 1945. En 1947, il est nommé directeur de recherches à la Recherche Nationale Scientifique et, en 1950, élu à l’Académie des Sciences. Installé en Amérique, à partir de 1951, en qualité d’attaché à la Wenner-Gren Founda-tion, il réussit encore, âgé de plus de soixante-dix ans, à faire deux expéditions en Afrique du Sud (1951-53). Ayant publié pendant toute sa vie de nombreuses études techniques dans les périodiques spécialisés, le grand chrétien qu’était Teilhard de Chardin fut très tôt préoccupé d’intégrer ses découvertes dans une perspective général du « problème humain » accordée à la fois au dogme chrétien et aux exigences de la science moderne. Il consigna ses méditations dans un grand nombre d’ecrits qui restaient pour la plupart inédits au moment de sa mort. Dès 1955 commença la publication des Œuvres complètes, sous le patronage de diverses personnalités scientifiques et philosophiques. Les volumes parus jusqu’à présent : Le Phénomène humain (1955), Le Groupe zoologique humain (1956), L’Apparition de l’homme (1956), La Vision du passé (1957), Le Milieu divin (1957), ont suscité l’inquiétude du Vatican et soulevé de vives oppositions dans certains milieux théologiques. Une trentaine de volumes restent encore à paraître. Signalons encore l’édition de ses Lettres de voyage (1956-57).


Teilhard de Chardin ou le Dieu à venir

C’est un personnage hors du commun, à la croisée de la reli­gion, de la science et de la spéculation. D’une famille aristocra­tique, Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955) étudie chez les jésuites, où il entre bientôt comme novice. Mais les lois contre les congrégations le conduisent à s’exiler à Jersey, puis en Angleterre.
Ordonné prêtre, il amorce une carrière scientifique comme géo­ logue et paléontologue qui le conduit en Egypte et dans le Sussex et lui pose très tôt le problème des rapports entre foi et connaissance, plus aigu encore dans ces disciplines. Le conflit sur le thème de l’évolution était au centre de la recherche. Dès lors, mise à part la parenthèse de la guerre de 19141918, où le séjour dans les tranchées lui offre l’occasion de fouilles intéressantes, sa vie se déroulera à des échelles exceptionnelles dans l’espace et le temps. Fixé un moment en Chine, en tant que conseiller scienti­fique, il parcourt les déserts, participe à la croisière Citroën, la Croisière Jaune en 1932, puis à la Yale Cambridge Expédition en 1935. L’homme auquel il s’intéresse est donc celui des confins et des origines, qu’il interroge dans les déserts, à partir de ses miettes.
Position paradoxale et privilégiée, pour une spéculation mystique de haute volée. Ses œuvres ne seront publiées et ne connaîtront leur rayonnement qu’après sa mort : Le Phénomène humain (1955),
Le Groupe zoologique humain (1956), Le Milieu divin (1957).
Bien qu’elle inquiète les certitudes dogmatiques de la reli­gion, cette réflexion l’ouvre à un moment opportun aux curiosi­tés de la science moderne. Réconcilier le savoir cosmologique et la recherche de Dieu est un vieux rêve qui se ravive en ce milieu de siècle. La pensée de Teilhard de Chardin se présente comme une sorte d ’hégélianisme où la dialectique serait remplacée par u n élan de complexification poussant, par des seuils critiques et des sauts qualitatifs, des formes d ’expression de plus en plus riches et performantes qui attendaient d ’éclore les unes des autres, le moment venu. De la matière à la plus haute spiritualité et, pour tout dire, à Dieu, pas de solution de continuité, mais un élan créateur et évolutif (Teilhard de Chardin avait été sensible au titre de Bergson, sinon au détail de l’œuvre). L’optimisme de cette vue se confirme dans l’idée que ces forces montantes convergent dans un majorant suprême qui les unifie, le fameux point appelé oméga. L’alpha ne retient pas l’attention dans cette perspective qui n ’est pas créationniste, mais qui, sous des formes poétiques ou des thématiques de science-fiction, va au-devant de l’imaginaire collectif et de son désir de savoir, que ne satisfont plus ni l’aridité de la science ni les ressassements des religions.
Cette aventure exemplaire accomplie par Teilhard de Chardin avait donc affronté la plus authentique tradition chrétienne à la connaissance des espaces et du temps cosmiques, tel un moderne Giordano Bruno au destin moins funeste.
Si donc le christianisme n ’est pas en mesure d ’installer une posi­tion dominante en philosophie, il imprègne un large champ de pensée et bénéficie des déceptions engendrées par le positivisme et le rationalisme. Il va gainer à merveille les thématiques mon­ tantes de la finitude et du rapport à l’autre qui sembleront faites exprès à sa mesure. Nul athéisme matérialiste à l’horizon ne le menace, le xviiie siècle est bien loin ; Dieu se profile derrière les transcendances et les Grands Autres présents et à venir. Sa néga­tion se fait intime et se cache avec pudeur dans le for intérieur. La philosophie française se pousserait-elle doucement au rang de fille aimée, sinon aînée, de l’Eglise ?