Tautégorie - Schelling

Tautégorie

• Interprétation de la mythologie selon laquelle celle-ci doit être comprise au sens propre, sans qu’il faille en chercher la signification ailleurs qu’en ce qu’elle dit. Tautégorie s’oppose à allégorie.

•• Schelling reprend ce terme au poète anglais Coleridge, mais l’idée est présente chez Karl Philipp Moritz. La tautégorie est, selon Schelling, la seule manière satisfaisante d’interpréter la mythologie, c’est-à-dire d’y voir autre chose qu’un monde purement fabuleux {eine reine Fabelwelt), mais autre chose aussi qu’une vérité déguisée, dont il faudrait chercher le sens figuré sous le sens propre. Les représentations mythologiques (telles que l’émasculation d’Ouranos ou le détrônement de Cronos) doivent être interprétées à la lettre. « La mythologie n’est pas allégorique : elle est tautégorique. » {Introduction historico-critique à la philosophie de la mythologie, Leçon VIII). Le principe de la tautégorie est annoncé à vrai dire dès l’écrit de jeunesse de 1793 sur les mythes : « tout mythe en tant que mythe est à comprendre au sens propre ».

••• Il convient de ne pas minimiser l’importance de l’idée extrêmement originale, puissante et féconde de tautégorie comme principe herméneutique fondamental et clef dans l’interprétation de la mythologie en devinant, sous ce terme technique, l’exigence de prendre la mythologie tout simplement au sérieux. La mythologie comprise est la mythologie prise au mot, « littéralement et dans tous les sens », expliquée par elle-même. L’échec des explications antérieures de la mythologie tient au fait que, soucieuses, au mieux, de discerner ce que la mythologie veut dire ? elles ne s’arrêtaient pas assez à ce qu’elle dit, au phénomène de la mythologie, à ce que Schelling lui-même appelle en l’occurrence « la chose même » {die Sache selbst) : « ma tâche est de montrer les choses telles qu’elles sont ». De manière il est vrai quelque peu paradoxale, la tâche que s’assigne la philosophie de la mythologie est à la fois de s’effacer devant la mythologie et de la construire, au risque sinon de devoir purement et simplement la répéter, en une tautégorie devenue tautologie. Il n’en reste pas moins que pareille tentative, indépassée, s’apparente à une phénoménologie du mythe dans toute sa splendeur, au sein du projet grandiose d’une « mytho-logie de la raison ».