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TAINE Hippolyte

TAINE Hippolyte
1828-1893
Historien et philosophe, né à Vouziers, Ardennes. Le nom de Taine, immanquablement associé, naguère encore, à celui de Renan, n’est plus guère qu’un nom. On cite, sans trop se risquer au-delà, ses ouvrages sur Les Origines de la France contemporaine (1875-1894). (Son traité De l'intelligence, 1870, contient pourtant un chapitre inattendu sur les premiers sons proférés par l’enfant, qui amuserait fort aujourd’hui nos linguistes s’ils n’étaient pas des gens sérieux.) Taine nous intéresse davantage par ses thèses sur le déterminisme en littérature (influences de la race, du milieu, du moment), exposées en particulier dans l'Histoire de la littérature anglaise (1864), et aussi par sa position sur l’art considéré du point de vue de sa valeur morale (Philosophie de l'art, 1865). Mais on peut lire encore, en marge de son œuvre scientifique, le délectable Graindorge (1857 ; titre complet : Vie et opinions de Frédéric Thomas Graindorge), où l’on découvrira un tout autre Taine, conteur malicieux, non conformiste, et portraitiste aigu de la société sous le Second Empire.
■ Œuvres En poche: L'Ancien Régime (Complexe, coll. Historiques, 1991 ). - A Rome [M. Taine, artiste] (Complexe, coll. Le Regard littéraire). ■ Critique: A. Chevrillon, Taine, formation de sa pensée (Plon, 1932). - C. Evans, Taine. Essai de biographie intérieure (Nizet, 1976).
TAINE Hippolyte Adolphe. Philosophe, historien et critique littéraire français. Né le 21 avril 1828 à Vouziers, mort le 5 mars 1893 à Paris. Après avoir obtenu au Concours général de 1847 le premier prix de composition française et poursuivi ses études à l’Ecole Normale Supérieure, il se trouve, le coup d’Etat du 2 décembre étant survenu, en butte à l’hostilité de l’Empire autoritaire, qui persécute les intellectuels indépendants : lui-même, ses amis Edmond About, Sarcey, Challemel-Lacour, Prévost-Paradol. Nommé d’abord professeur de philosophie à Nevers, puis de rhétorique à Poitiers, il se voit relégué à une chaire de Besançon; il abandonne alors l’enseignement. Il passe son doctorat ès lettres le 30 mai 1853, avec une thèse, non sur le sujet des « sensations », qui n’a pas eu l’agrément de l’Université, mais sur un sujet littéraire — Essai sur les fables de La Fontaine — auquel se joint une thèse latine intitulée De personis platonicis. Un voyage dans le sud-ouest de la France lui inspire le Voyage aux Pyrénées (1855); l’année suivante, l'Essai sur Tite-Live, écrit pour un concours de l’Académie française, subit une vive critique de la part de certains académiciens. Néanmoins, à partir de 1857, Taine devient un collaborateur assidu de la Revue des Deux-Mondes, de la Revue de l’instruction Publique, du Journal des Débats, et se lie d’amitié avec Ernest Renan. Les Essais de critique et d’histoire témoignent, dès 1857, de la sûreté de son jugement; mais il est attiré par la philosophie, et son ouvrage Les Philosophes français du XIXe siècle suscite, dans la même année, un intérêt considérable. En 1858, il séjourne en Angleterre; il visite ensuite les Pays-Bas et l’Allemagne. Il soumet à une refonte complète l'Essai sur les fables de La Fontaine, le complétant par des articles parus dans le Journal des Débats à l’occasion de la troisième édition de cette étude. En 1863, l’Empire évoluant vers un certain libéralisme, Taine est nommé examinateur d’histoire et de langue allemande à l’Ecole Militaire de Saint-Cyr, mais il est destitué en 1865. Toutefois, les protestations de l’opinion publique contraignent le gouvernement à le réintégrer dans ses fonctions. Viennent ensuite des années particulièrement fécondes. Son voyage en Angleterre l’a orienté définitivement vers la pensée, la littérature, les coutumes de ce pays dont le libéralisme l’attire. Il publie successivement L’Idéalisme anglais — Etude sur Carlyle; Le Positivisme anglais - Stuart Mill, et une Histoire de la littérature anglaise (1864). Mais voici qu’en cette même année 1864 un voyage en Italie lui fait découvrir un monde complètement différent; de cette révélation proviennent divers essais. Dans le Voyage en Italie, il rapporte ses impressions sur Naples, Rome, Florence, Venise; l’année suivante paraît une Philosophie de l’art en Italie, à laquelle succèdent, sur les mêmes thèmes, De l’idéal de l’art dans les Pays-Bas (1868) — v. Philosophie de l’art dans les Pays-Bas — et Philosophie de l’art en Grèce. De l’idéal dans l’art lui permet de résumer, avec la méthode, l’ordre, la précision qui lui sont habituels, ses idées sur ce sujet; il en fait aussi le thème d’un cours — toujours en 1864 — à l’École des Beaux-Arts de Paris, ce qui ne l’empêche pas de continuer à s’occuper de critique littéraire, car en 1865 paraissent les Nouveaux Essais de critique et d’histoire. Nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1866, il épouse, en 1869, la fille d’un architecte, Mlle Denuelle. Désormais, il est presque célèbre; il prend part aux dîners des Concourt qui réunissent Sainte-Beuve, Renan, Berthelot, et, peu après, Zola et Tourguénev. Il s’essaie à des sujets plus mondains, plus légers et donne à « la Vie Parisienne » : Lie et opinions de Frédéric-Thomas Graindorge, docteur en philosophie de l’Université d’Iéna, principal associé commanditaire de la Maison Graindorge et Cie (huile, porc salé à Cincinnati, U.SA.). A la même époque, il travaille à un roman qui restera inachevé : Etienne Mayrau. Entretemps, il reprend, sous une forme plus systématique, les conceptions chères au sensualisme et à l’associationnisme anglais dans les deux volumes De l’intelligence (1870); il y défend la célèbre thèse sur « la race, le milieu, le moment», qui met en doute la liberté et n’accepte que la responsabilité sociale : thèse qui sera adoptée avec enthousiasme par Zola à partir du roman Thérèse Raquin. Les Notes sur l’Angleterre paraissent en 1872, faisant pressentir ce mie sera son œuvre capitale, les Origines de la France contemporaine, dont le premier volume (L’Ancien Régime) paraît en 1876, le second (La Révolution, subdivisé en trois tomes : L’Anarchie, La Conquête jacobine, Le Gouvernement révolutionnaire), de 1878 à 1884. La dernière partie de l’ouvrage demeurera inachevée (Le Régime Moderne, tome I paru en 1891; tome II, L’Empire publié en 1893 par Sorel). Après un échec en 1874, Taine avait été élu, le 4 novembre 1878, membre de l’Académie française. H. A. Taine passe toute la fin de sa vie, à partir de 1870, à Paris et dans sa retraite de Menton Saint-Bernard, sur le lac d’Annecy. En philosophie, son continuateur sera Théodule Ribot, tandis qu’en littérature Emile Zola et, en un premier temps, Paul Bourget s’inspireront de ses idées. Dans le domaine de l’histoire, il orientera Fustel de Coulanges, avant la rencontre de celui-ci avec l’oeuvre de Vico.
TAINE, Hippolyte (Vouziers, 1828-Paris, 1893). Philosophe, historien et critique littéraire français. Il tenta, à travers une oeuvre abondante, d'expliquer les faits historiques et la production artistique par l'influence de la race, du milieu (géographique et social) et du temps (évolution historique). On lui doit notamment : Essai sur les fables de La Fontaine ( 1853), Essai de critique et d'histoire ( 1858), Histoire de la littérature anglaise (1864), Origines de la France contemporaine (1875-1894).

♦ « L ’élève le plus laborieux, le plus distingué que j’aie connu à l’École. Instruction prodigieuse pour son âge. Ardeur et avidité de connaissances dont je n’ai pas vu d’exemples. Esprit remarquable par la rapidité de conception, la finesse, la subtilité, la force de pensée. Seulement conçoit, juge et formule trop vite. Aime trop les formules et les définitions, auxquelles il sacrifie trop souvent la réalité, sans s’en douter, il est vrai, car il est d’une parfaite sincérité. » Vacherot (1851). ♦ « La difficulté pour moi dans une recherche est de trouver un trait caractéristique et dominant duquel tout peut se déduire géométriquement; en un mot, d’avoir la formule de la chose. » H. Taine (1853). ♦ « Son art est de simplifier à la française en grandes masses éclatantes; son défaut est le tendu, l’anguleux et le cassant. L’excellent est l’objectivité historique, le besoin de voir vrai. Du reste, vaste ouverture d’esprit, liberté de pensée et précision de langage. » Amiel. ♦ « [Taine opère] une constante anticipation métaphysique, une usurpation théologique; sa méthode suppose que l’auteur a saisi le secret de fabriquer le génie, pénétré le sens de la nature et de l’homme, des pays et des peuples et des races, épuisé la création même... Renan n’avait guère anticipé que sur les attributions du Dieu tout connaissant; Taine, plus têtu, plus docte, plus enfoncé, plus enfant aussi étant plus professeur, surtout plus entier, usurpe sur la création même, il entreprend sur Dieu créateur. » Péguy.