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Système - Schelling

Système

• Connexion organique du tout vivant.

•• Le système, c’est-à-dire ce qui surmonte l’asystasie, est très tôt posé par Schelling comme la configuration requise par la philosophie elle-même. Il hantait déjà le théologien de Tübingen dans la devise du hen kai pan? l’Un-Tout, l'universio. Il s’agit de surmonter la diversité des systèmes philosophiques en trouvant le système propre à les réunir tous. Le système n’est pas simplement ordo et connexio rentra, l’erreur de Spinoza ne consistant pas aux yeux de Schelling à avoir mis toutes choses en Dieu, mais à n’y avoir mis que des choses : c’est précisément parce qu’elle se présente more geometrico, et non comme connexion organique du tout vivant, que l’Éthique de Spinoza n’est pas un système. Le vrai système est le système du monde — « trouver celui-ci, telle est donc la tâche véritable ». Le vrai système n’a donc pas à être inventé {erfunded), il ne peut être que trouvé (gefunden) comme un système déjà subsistant en soi, que Schelling situe dans l’entendement divin. Il y a un système dans l’entendement divin, mais Dieu lui-même n’est pas un système, il est une vie. « Système du monde », « système de la liberté », « système des temps », « système de l’esprit », « système des âges du monde » : toutes ces appellations ne désignent pas des systèmes différents, mais donnent divers aperçus du système. « Ce n’est pas moi qui sais, seul le tout sait en moi » : cet aphorisme définit le projet même du système. Le système, par quoi Schelling, renvoyant au grec sustema, entend souvent « connexion » {Zusammenhang) est aussi essentiel à la philosophie que peut l’être le rythme à la musique, à la peinture le dessin. On ne confondra pas avec l’exigence du système la volonté de systématiser à tout prix ou l’« esprit de système », au sens où Schelling ironisait, à Erlangen, sur les « systèmes de la scarlatine ». La philosophie ne consistant pas en chapitres isolés, mais en un tout absolu où tout se tient, qu’il s’agit de laisser s’engendrer en nous, il n’y a pas de demi-mesure possible : « soit on comprend tout, soit on ne comprend rien ». L’exigence du système, dont Schelling a conscience qu’elle caractérise son temps, signifie que rien ne peut être su isolément. Si le système de Hegel est « un système faux », le mérite lui revient toutefois d’être « malgré tout un système ».

••• Si Kant présentait la Critique de la raison pure comme un « traité de la méthode » plutôt que comme un « système de la science », c’est néanmoins dans le prolongement de la philosophie critique que se situe l’exigence du système, comme effort pour mener à bien le projet kantien en son souci architectonique, dont l’Opus postumum porte amplement la trace. Le système constitue dès lors un requisit de la philosophie pour autant que celle-ci se détermine comme science de l’absolu, autofondation de la science par excellence. La querelle du panthéisme, qui constitue le contexte immédiat et le prétexte des Recherches de 1809, a ravivé l’enjeu de la question du système, en soulevant le problème de la compatibilité entre système et liberté, s’il est vrai que, comme le voulait Jacobi, le système se présente comme panthéisme, lequel conduit au fatalisme, qui est négation de la liberté : n’est-il pas dès lors contradictoire, pour peu assurément que l’on admette ces prémisses, de prétendre élaborer un « système de la liberté » ? Schelling va montrer au contraire que le panthéisme bien compris, loin de conduire à une négation de la liberté, présuppose celle-ci au contraire. Extraite de sa gangue théologique, ou ramenée à sa teneur ontologique, la question du panthéisme (ou du panenthéisme) telle qu’elle est approfondie par Schelling laisse transparaître en filigrane, plutôt qu’une théodicée, une « systémadicée » (Heidegger), autrement dit une justification du système comme ajointement de l’étant en son entier, Heidegger rendant généralement sustema, System par Gefüge (ajointement), tandis que Schelling l’entend comme Zusammenhang (connexion).

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