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Supplication

La supplication apparaît, dans la rhétorique traditionnelle, comme un moyen de défense dans les cas désespérés ; on recourt alors à ce moyen par rapport à un état de la cause portant sur la qualité. C’est donc un élément du genre judiciaire ; on ne voit pas qu’il puisse en être question dans les deux autres genres, d’autant que les rhétoriciens ne l’approuvent guère. Quintilien en parle après qu’il a énuméré et développé tous les types de comportements argumentatifs imaginables et tous les lieux exploitables, en fonction du maximum de cas de figure ; il indique même que Cicéron semblait la proscrire. Quand on s’en sert, il importe infiniment que l’on puisse auparavant faire considérer trois choses dans la personne de l’accusé : l’innocence de sa vie passée, ses services rendus, et l’espérance que l’on peut concevoir qu’il se comportera mieux à l’avenir et sera même de nouveau utile à l’État. On ajoutera les peines qu ’il a déjà souffertes, le danger qu ’il court actuellement, le repentir qu ’il témoigne de son crime, d’où l’on conclura que ce crime est assez expié. Quintilien précise que l’on peut aussi invoquer le rang de la personne, ses relations ; on peut aussi argumenter en exagérant le mérite et l’honneur qui illustreront le juge ou les juges en cas de clémence. On reconnaît aussi, généralement, que ressortit indirectement de la démarche supplicatoire le type d’argument utilisé dans les affaires particulièrement douteuses, voire calamiteuses pour l’accusé, lorsque la défense est réduite à dire : il n ’a pas fait cela, mais, quand il l’aurait fait, il faudrait lui pardonner. C’est bien sûr très faible, et aucun juge ne devrait se laisser impressionner de la sorte. D’autre part, il n’est pas inintéressant de noter que la tradition réserve plus spontanément la supplication aux actions qui se conduisent devant de grands personnages, comme des princes ou des rois, ou devant des instances singulièrement augustes comme les sénats ou les grands conseils des prêtres : donc, devant des souverains. Dans ces conditions, la supplication, pourrait-on dire, est à la fois un passage à la limite et la forme la plus pathétique de l’ensemble des ressorts qui visent à toucher la pitié des auditeurs. Ce n’est donc pas du tout négligeable : le radicalisme de la rhétorique traditionnelle est ainsi beaucoup moins naïf, et beaucoup moins dépassé, qu’il ne paraît. On ajoutera que la supplication forme le modèle de nombreux développements littéraires, notamment dans la mise en scène de procès. Enfin, ce comportement fait comme un hommage au pouvoir souverain, l’instaurant à un niveau de relation humaine purement personnelle, par-delà le figement règlementaire : encore une fois, la rhétorique, c’est la liberté civilisée.

=> Cause, genre, judiciaire, preuve, lieu; qualité; passions, pathétique, toucher.