SOPHISTE
Un sophiste est, dans l'Antiquité, un professeur itinérant qui se fait rétribuer pour son enseignement. Le mot vient du grec "sophistês" qui signifie à la fois « expert », « sage » et « savant ». Les sophistes sont des virtuoses de la rhétorique, ce qui leur permet de donner à leurs discours une force de persuasion redoutable. Cette aptitude est évidemment très prisée en politique et dans les tribunaux, deux espaces de pouvoir où les sophistes trouvent en général une clientèle fidèle.
La tradition philosophique retient surtout des sophistes l'image parfois caricaturale qu'en donne Platon. Celui-ci s'oppose de façon radicale à ceux qu'il considère comme des ennemis de la vérité et des pourvoyeurs d'illusions. À la différence des sophistes, Platon refuse de considérer la sagesse comme une sorte de technique, il estime qu'elle ne s'échange pas contre rétribution et n'est pas un contenu dont on dispose sous forme d'un savoir quantitatif. Par ailleurs, le langage, au lieu d'être ce que l'on manipule pour en tirer profit, doit nous conduire à des principes universels alors que les sophistes considèrent que l'homme est la mesure de toutes choses comme l'affirme un de leurs brillants représentants, Protagoras. La vérité se perdant alors dans un relativisme destructeur, elle n'a plus lieu d'être, et même les valeurs sont réduites aux normes sociales. Il faut cependant noter que la présentation que fait Platon des sophistes est surdéterminée par le combat intellectuel et politique qu'il mène contre eux.
SOPHISME SOPHISTE
1. Un sophisme est un raisonnement qui paraît exact mais dont la conclusion vise à dérouter ou à tromper l’interlocuteur (tel était dans la philosophie antique le sophisme de l'homme voilé : peut-on connaître et ne pas connaître la même chose ? — non, — mais voici un homme voilé, le connais-tu ? — non, — mais s'il se dévoile et se révèle être ton père, le connais-tu ? — oui, — ainsi tu ne connais pas et connais le même homme).
L’appellation sophisme sous-entend que celui qui tient le raisonnement a l’intention de tromper ; c’est ce qui fait la différence avec le paralogisme qui désigne simplement un raisonnement faux.
2. Les sophistes étaient dans la Grèce antique des professeurs qui enseignaient les sciences et l’habileté. Leur enseignement visait à donner les moyens d’une bonne réussite sociale, notamment par la maîtrise de l’éloquence, utilisée ou non à des fins honnêtes (par exemple savoir soutenir une thèse et son contraire, savoir garder la parole dans une assemblée...). Ils furent violemment attaqués par Socrate (2) qui leur reprochait de faire payer leurs leçons, de n’avoir aucun scrupule moral, de former des jeunes gens ambitieux et habiles.
3. Le nom de sophiste a gardé la valeur péjorative que lui attacha Socrate et désigne désormais celui qui use habilement de sophismes et que l’on considère comme un «faux philosophe ».
(2). Socrate (470-399 av. J.-C.) : notamment dans les dialogues de Platon, Le Gorgias et Le Sophiste, éditions Garnier-Flammarion.
SOPHISTE
1. —Au sens propre, professeur de sagesse. 2. — Au Ve siècle av. J-C., philosophes grecs contemporains de Socrate, partisans du conventionnalisme et du relativisme, spécialisés en rhétorique et en grammaire ; Socrate et Platon ont combattu leur enseignement et en ont donné une image (partiale et inexacte) qui correspond au sens 3. 3. — (Péj.) Rhéteur de mauvaise foi ; homme qui démontre n’importe quoi ; individu qui raisonne mal. 4. — Sophisme : raisonnement incorrect, en gén. construit dans le but de tromper. 5. — Sophistique : a) Qui concerne les sophistes aux sens 2 ou 3. b) Qui concerne les sophismes : les réfutations sophistiques d’ARiSTOTE. c) Qui constitue un sophisme. 6. — Sophistiqué : a) Frelaté, b) (Par ext.) Compliqué à l’excès, peu naturel.
sophiste
. Le mot grec sophistês désigne à l'origine un homme pourvu d'une compétence particulière, et qui par conséquent peut prétendre à la sagesse. Au Ve siècle av. J.-C., ce mot s'applique surtout, mais non exclusivement, aux professeurs itinérants qui vont de cité en cité, donnant des conférences et un enseignement privé en échange d'un salaire. Cet enseignement porte sur une grande variété de sujets, tels que la géographie, les mathématiques, la science, la linguistique, mais leur principal objectif est de donner aux jeunes gens riches une formation qui leur permettra de réussir dans la vie publique ; ils se disent eux-mêmes professeurs d'arétê, «vertu», ou « excellence ». En vue de la réussite politique, tous les sophistes incluent dans leur cursus un enseignement plus ou moins poussé de la rhétorique, art de parler en public; certains, tel Gorgias, en font l'essentiel de leur enseignement et donnent des conférences pour exhiber publiquement leur éloquence; pour réussir en politique, l'art d'argumenter de façon persuasive était crucial, et dans le monde ancien, c'est la carrière politique qui, plus que toute autre, permet d'acquérir pouvoir, gloire et fortune. Les sophistes répondent aux besoins des ambitieux en proposant une forme d'enseignement supérieur introuvable ailleurs, très raffiné, ajusté à l'esprit du temps, incluant les savoirs nouveaux, d'application pratique et immédiate. Rien d'étonnant à ce que les sophistes aient eu beaucoup de succès auprès de la clientèle visée, et qu'ils aient amassé de grandes fortunes. Mais cet enseignement n'était pas sans danger; les sophistes mettaient l'accent sur les succès matériels; ils soutenaient — idée qui fit une forte impression sur les Athéniens — que pour l'emporter, il n'est pas nécessaire que la cause défendue soit la plus juste, mais bien qu'on soit le plus habile à la défendre, et que cet art s'apprend : l'habile plaideur fait que la cause la plus faible l'emporte (voir Les Nuées d'Aristophane). Ces idées contribuèrent à promouvoir le scepticisme et le relativisme moral qu'on associe à leur nom. Parmi les sophistes célèbres on compte Gorgias de Léontini, Protagoras d'Abdère, Prodicos de Céos, Hippias d'Élis et Thrasymaque de Chalcédoine (voir aussi antiphon). La plupart des Athéniens du temps auraient placé Socrate au nombre des sophistes, sans voir les différences radicales qui le séparaient d'eux, simplement parce qu'il était lui aussi un intellectuel qui mettait en question les croyances non fondées sur les dieux, les lois et les valeurs traditionnelles. L'effet délétère de l'enseignement sophistique se manifeste à la fin du Ve siècle, lorsque apparaissent des politiciens habiles, cyniques, ambitieux et sans scrupules; mais sa fécondité intellectuelle se voit chez Platon, dans son argumentation et dans ses théories sur l'éducation. Sophiste, le (Sophistês). Dialogue de Platon, suite du Théétète ', Platon s'y attache une fois de plus aux problèmes posés par les éléates. Le principal interlocuteur est un philosophe éléate dont le nom n'est pas cité; les deux autres personnages, Socrate et Théodore, parlent à peine. Le dialogue commence par une définition du sophiste ; après quoi, on se demande si ce que produit le sophiste est du faux, et s'il est possible qu'une chose «fausse» ou «non réelle» existe, puisque selon les éléates « ce qui n'est pas» (et donc notamment ce qui est faux) ne saurait exister (voir Parménide). Le dialogue résout le problème en déclarant que toutes les choses ont part à la «différence»; lorsque nous posons une négation nous n'opposons pas quelque chose à rien; nous opposons une chose à une autre, différente de la première: «ce qui n'est pas», c'est en réalité «ce qui est différent». Platon parvient ainsi à démontrer l'existence de la fausseté et de l'erreur. sophistique, seconde. Résurgence, au IIe siècle apr. J.-C., dans la partie grecque de l'Empire romain, de l'enseignement et de la pratique de la rhétorique grecque de la fin du Ve siècle et du IVe siècle av. J.-C.; cette renaissance est associée à une floraison des arts et des lettres favorisée par la paix et la sécurité. Le terme «seconde sophistique» fut inventé par Flavius Philostrate (iie-iiie s.) qui, dans ses Vies des sophistes, écrivit la biographie de ses prédécesseurs et de ses contemporains. Il forgea cette expression pour distinguer la sophistique de son temps de la première sophistique, illustrée, au Ve siècle av. J.-C., par Gorgias; selon Philostrate, la seconde sophistique, avec son intérêt pour les questions historiques, a pour premier représentant l'orateur Eschine, mais n'apparaît comme mouvement spécifique et reconnaissable qu'au IIe siècle apr. J.-C. À cette époque, le mot « sophiste» a un sens très large; on désigne par là les rhéteurs et les professeurs, mais aussi d'autres personnages dont le métier relève principalement de la parole écrite ou parlée, tels que les avocats. D'une manière générale, les sophistes se distinguent des philosophes; dans la division binaire de renseignement supérieur, la philosophie et la rhétorique sont considérées comme des matières séparées. En dépit de la liberté de parole, la rhétorique de l'époque est artificielle, faite de déclamations prononcées en public en guise de divertissement, et publiées ensuite comme oeuvres littéraires. Les sophistes reprennent la tradition de leurs modèles du Ve siècle, dont ils imitent la virtuosité oratoire, tout en reproduisant soigneusement le langage et le style des meilleurs écrivains attiques, Xénophon, Platon et Démosthène. La plupart des sophistes de l'époque impériale s'installent dans les grands centres culturels de l'époque, Athènes, Smyrne, Éphèse, et à un moindre degré Pergame, mais ils partent aussi au loin en grandes tournées de conférences. Ils affrontent un public de connaisseurs: leurs auditeurs sont gens cultivés, raffinés, familiers des thèmes de la déclamation, capables d'apprécier les variations, les allusions, les effets subtils. Souvent, l'auditoire choisit le sujet de la déclamation, sur lequel, après quelques instants de réflexion, le rhéteur improvise. D'autres rhéteurs préfèrent disserter sur des sujets bien préparés. Ces pratiques, qui donnent tant à la forme et si peu au fond, pouvaient aboutir à un vide total ; cependant l'étude approfondie des grands auteurs, attiques infuse à la rhétorique quelque chose de la philosophie des modèles; elle a contribué à créer chez certains un nouveau platonisme (voir Platon), chez d'autres un hellénisme philosophique qui amalgame les doctrines essentielles des principales écoles philosophiques. Philostrate raconte la vie de plusieurs grands sophistes de cette époque. Pour certains personnages qui furent sophistes ou proches des milieux sophistiques, voir Aellius ARISTIDE, APULÉE, DION CHRYSOSTOME, FAVORINUS, FRONTON, GALIEN, HÉRODE ATTICUS, LUCIEN, MAXIME DE TYR ; voir aussi PLUTARQUE. Les turbulences du milieu du me siècle firent décliner la littérature, mais il y eut une renaissance à la fin du IIIe siècle et au IVe, époque relativement prospère et paisible, qui fut la dernière grande période de la littérature antique, et les sophistes refleurirent : voir himérios, libanios et thémistius ; voir aussi l'empereur julien.