SOMALIE
Région située à l'extrémité N.-E. de l'Afrique, entre le golfe d'Aden et l'océan Indien. Appelé dans l'Antiquité Phun ou Punt, ce pays fut visité à l'époque de la Ve dynastie par des Égyptiens en quête d'or, d'encens et d'ébène. Le peuple des Somalis, établi au moins depuis le haut Moyen Âge, est d'origine hamitique, et proche des Gallas et des Abyssins (v.). Au IXe s., les Arabes fondèrent le port de Zeïla, au S. de Djibouti, d'où ils menèrent peu à peu la colonisation de la côte, imposant l'islam aux populations danakiles et somalies (XIIIe s.). En 1527 des troupes de Danakils et de Somalis furent lancées contre l'Éthiopie par l'émir de Harrar, Mohammed Granye, et le royaume abyssin ne fut sauvé que de justesse par l'intervention des Portugais (1547). Profitant de ces luttes, les nomades païens gallas, venus de la région du lac Rodolphe et du sud-est de l'Éthiopie, s'installèrent dans les régions abandonnées par les Danakils et les Somalis. Les côtes somaliennes passèrent ensuite sous la suzeraineté des imams de Mascate (v. OMAN), dont les droits passèrent au sultan de Zanzibar (1814/66). La seconde moitié du XIXe s. vit se développer la colonisation européenne. Il faut dès lors distinguer : La Somalie italienne, située en bordure de l'océan Indien et du golfe d'Aden. En 1869, la compagnie italienne Rubattino y avait acheté des terrains et commencé leur prospection. En accord avec l'Angleterre, cette région fut annexée et organisée en colonie à partir de 1882, et le protectorat italien fut officiellement établi sur la Somalie en 1887/89. Devenue colonie en 1905, la Somalie fut étendue vers le nord après la défaite du « Mullah fou » (Mohammed ben Abdullah Hassan) (1907/08), puis au sud, lorsque l'Angleterre céda à l'Italie le Transdjiouba (1924). Réunie en 1936 à l'Éthiopie pour former l'Empire italien d'Afrique-Orientale, la Somalie italienne fut conquise par les Anglais en 1941 et resta sous occupation britannique jusqu'en 1949. En 1950, l'ancienne Somalie italienne fut confiée par l'ONU en tutelle à l'Italie, laquelle s'engageait à accorder l'indépendance à ce pays en 1960. Voir ci-après, la république de Somalie. La Somalie britannique, British Somaliland, située en bordure du golfe d'Aden, entre la Côte française des Somalis et la Somalie italienne. Cette région, soumise à l'Égypte depuis 1860, fut évacuée par les Égyptiens en 1884 et se plaça alors sous le protectorat des Anglais, qui occupèrent Berbera. Après plus de vingt ans de lutte, l'Angleterre réussit à réduire la rébellion du « Mullah fou », Mohammed ben Abdullah Hassan (1921). Occupée par les Italiens en août 1940, la Somalie britannique fut reconquise par les Anglais au printemps 1941. En juin 1960, l'Angleterre mit fin au protectorat et l'ancienne Somalie britannique forma avec la partie italienne la république de Somalie (v.ci-après). La Côte française des Somalis, située sur le golfe d'Aden, bornée au N. et à l'O. par l'Éthiopie, au S.-E. par la république de Somalie, eut pour origine le poste d'Obock, que la France acheta en 1862 à des chefs danakils. En 1884, le protectorat français fut étendu sur les petits sultanats de Tadjoura et de Gobad, et, en 1888, fut créé le port de Djibouti. Devenue colonie en 1896, la Côte française des Somalis avait une population composée d'Issas (ou Somalis) pasteurs et nomades et d'Afars (ou Danakils) ; ces derniers furent favorisés par l'administration française. L'importance de la colonie tenait au port de Djibouti, escale vers l'Extrême-Orient et l'océan Indien, et débouché du chemin de fer d'Addis-Abeba, achevé en 1917. Revendiqué par l'Italie mussolinienne, le port de Djibouti fut soumis, après l'armistice de juin 1940, à un sévère blocus anglais ; en déc. 1942, la colonie se rallia à la France libre. En 1946, elle devint un territoire français d'outre-mer, et la loi-cadre de 1956 lui donna une certaine autonomie locale. Au cours des années 1960, la république de Somalie revendiqua le territoire. 60 % des habitants (essentiellement les Européens et les Afars) se prononcèrent pour le maintien dans la France au référendum de mars 1967. Pour souligner l'égalité des deux grands groupes ethniques, on donna à la Côte française des Somalis la dénomination de Territoire français des Afars et des Issas. Mais l'aspiration des Issas vers l'indépendance continuait à s'exprimer clandestinement dans le Front de libération de la Côte des Somalis (FLCS), créé en 1963, et légalement dans la Ligue populaire africaine pour l'indépendance (LPAI). En déc. 1975, le gouvernement français se résigna à reconnaître la vocation du territoire à l'indépendance, à la condition que celle-ci pose en principe le respect de toutes les communautés et ne soit pas le prélude à une annexion à la République démocratique de Somalie ; en outre, la France souhaitait conserver l'usage du port de Djibouti, base importante pour ses activités navales dans l'océan Indien. Un nouveau référendum conduisit à l'indépendance en 1977, sous le nom de république de Djibouti. 000200000D960000139F D90,La république de Somalie fut constituée le 1er juill. 1960 par la réunion des anciennes Somalie italienne et Somalie britannique devenues indépendantes ; capitale Mogadiscio. Le nouvel État, dirigé par Abdirachid Ali Chermake, d'abord Premier ministre, puis, à partir de 1967, président de la République, entretint des relations assez difficiles avec ses voisins (Kenya, Éthiopie et Côte française des Somalis) du fait de la présence de quelque 350 000 Somaliens en dehors de ses frontières et des revendications du gouvernement de Mogadiscio en faveur d'une « Grande-Somalie ». Le président Chermake, dont l'autoritarisme rencontrait une opposition croissante, fut assassiné en oct. 1969. Moins d'une semaine plus tard, l'armée et la police s'emparaient du pouvoir et installaient un Conseil supérieur de la révolution présidé par le commandant en chef de l'armée, le général Siyad Barré (21 oct. 1969). La Somalie, devenue République démocratique de Somalie, constituait désormais un « État socialiste » (oct. 1970). En 1977, le gouvernement somalien créa un Front de libération de la Somalie occidentale pour soutenir les maquisards de la région éthiopienne de l'Ogaden, qui réclamaient le rattachement à la Somalie (v.). Son opposition à l'Éthiopie conduisit l'URSS, alliée de celle-ci, à fermer en 1977 la base aéronavale qu'elle avait ouverte en 1975 sur le port stratégique de Berbera. La Somalie se tourna alors vers les États-Unis qui y installèrent une modeste base en 1980. La guerre de l'Ogaden fut finalement gagnée par l'Éthiopie grâce à l'aide soviétique et à l'engagement de troupes cubaines. La paix avec l'Éthiopie ne fut officiellement rétablie qu'en 1988, année qui vit renaître, au N. de la Somalie, la lutte armée du Mouvement national somalien (MNS), dominé par le clan Issa, contre le pouvoir central dictatorial incarné par Siyad Barré. Le nord du pays fut déserté par ses habitants dont des dizaines de milliers se réfugièrent en Éthiopie ; l'aide humanitaire devenait la principale ressource du pays. Une autre rébellion armée, celle du Congrès de Somalie unifié (CSU), dominé par le clan Hawiye, réussit à chasser du pouvoir S. Barré en janv. 1991. Au mois de mai, le MNS instaura dans le nord du pays, sur le territoire de l'ancienne colonie britannique, une république du Somaliland qui ne fut pas reconnue. Les combats entre partisans du MNS et partisans du CSU, autrefois alliés, ravagèrent le sud du pays, provoquant une terrible famine. Ce fut l'occasion d'une première opération humanitaire américaine, lancée par George Bush en août 1992. Créant un précédent, l'ONU invoqua un « droit d'ingérence humanitaire » pour intervenir militairement en Somalie, dans le but d'y rétablir la sécurité : 36 000 hommes débarquèrent (hiver 1992/93) sous supervision américaine. Ce fut un échec sanglant où 44 casques bleus (pakistanais et américains) furent tués. En 1995, les derniers casques bleus étaient évacués, et les combats reprirent de plus belle, malgré l'accord de paix signé en déc. 97 grâce à la diplomatie égyptienne. En août 2000 cependant, des élections furent organisées sous l'égide de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) basée à Djibouti et Abdulkassim Salat Hassan, ancien ministre de S. Barré, devint président. Mais, conséquence de cette longue guerre civile, la population somalienne reste gravement touchée par la famine, dans les régions restées instables que l'aide internationale ne peut atteindre.