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Simone de Beauvoir

Née à Paris en 1908. Enfance bourgeoise. Rencontre Sartre en 1929. Agrégée de philosophie. Enseigne jusqu’en 1943. Prix Concourt pour les Mandarins en 1954. Voyage en Chine (la Longue Marche). Engagements aux côtés de Sartre, notamment pendant la guerre d’Algérie. Dans un temps où l’anagramme risque de tenir lieu de philosophie et où triomphe l'action restreinte préconisée par Mallarmé, Simone de Beauvoir aura donné aux femmes la possibilité d’envisager le sens des mots liberté, responsabilité, existence. L’Invitée, son premier roman, est un de ces livres qui signalent le mieux la particularité de l’écriture existentialiste, qui est d’être une écriture de la totalité mise à jour dans la cassure de l’instant. Dès ce premier livre, le romanesque de Simone de Beauvoir se donne pour un romanesque de l’Autre, seul lieu de la découverte de soi. De « conscience nue face au monde » qu’elle était, Françoise choisit l’acte qui sera elle « pour toujours », acte qui consistera justement à prendre acte de l’irrémédiable existence de la conscience de l’Autre, en la supprimant. L’Invitée c’est l’âge d’or du dialogue, du langage partagé qui masque et démasque, de ses conventions assumées et de ses apories à dépasser. « Le langage est un appel à la liberté de l’autre », écrit Simone de Beauvoir dans Pyrrhus et Cinéas. Le secret n’est pas dans le mot, ce qui ne serait que le secret du mot, mais dans la conscience : la prose est ici le lieu où les secrets se risquent et s’échangent, le phrasé de la liberté qui se cherche. Les romans suivants développent essentiellement des situations, dans une sorte de geste casuistique portant sur la responsabilité, difficile à assumer lorsque les garanties toutes faites de la morale font défaut (le Sang des autres, les Bouches inutiles). Œuvres sur lesquelles Simone de Beauvoir portera ensuite des jugements sévères.
Les Mandarins reste l’œuvre romanesque majeure de Simone de Beauvoir : une texture plus ample et contrastée que dans l’invitée lui permet d’approfondir la dialectique du moi et de l’autre : comment vivre sous/sans le regard des autres. Ici l’Autre est aussi l’Histoire, celle de l’après-guerre. Surtout, comment vivre hors de l’illusion qui s’offre à nourrir la mauvaise foi particulière de l’intellectuel ? A cet égard, la critique des malversations de l’amour rejoint celle des solipsismes les moins dissimulés de l’écrivain : amour et littérature, deux mythes occidentaux (le même sans doute) passés au crible. Tout rapport humain risquant d’être un perpétuel flouage, il est clair que la femme est la plus menacée parce que la plus divisée. Le Deuxième Sexe est un des premiers livres à avoir montré comment la femme a été contrainte de se faire l’Autre de l’homme, l’abstrait de ce concret. Opprimée au même titre que le travailleur, déréalisée par l’homme qui scrute ensuite son « mystère » pour se délivrer de sa culpabilité, vouée à n’être qu’une métaphore animale, économique ou gnostique, vivant son corps comme altérité, la femme est l’aliénée par excellence. Comme disait Flaubert : « Elle se venge par le monologue » : le triple monologue de la Femme rompue qui se cherche vainement un interlocuteur qui ne soit pas son assassin. « On ne naît pas femme, on le devient. » C’est en renversant le destin en choix que Simone de Beauvoir a inauguré une des mutations essentielles de notre temps : « affranchir la femme c’est refuser de l’enfermer dans les rapports qu’elle soutient avec l’homme, non les nier. » Femme sans fatalité, Simone de Beauvoir a retracé sa vie, ou plutôt l’émergence de sa vie, la construction de son autonomie, dans une longue autobiographie. On retrouve ici le mouvement inauguré par la Françoise de l’invitée : devenir le « n’importe qui » que l’on est à partir des qui et des quoi que l’on est fait. Simone de Beauvoir partage avec Sartre le sentiment de l’illégitimité absolue de l’individu, et de l’écrivain en particulier. « La littérature, note-t-elle dans la Force de l’âge, apparaît lorsque la réalité cesse d’aller de soi. » L’écrivain d’Une mort très douce et de la Vieillesse aura réussi à n’être pas cela : une femme de lettres. Peu d’hommes qui écrivent y seront parvenus.

► Bibliographie
L'Invitée, 1943 ; le Sang des autres, 1944 ; Pyrrhus et Cinéas, 1945 ; Tous les hommes sont mortels, 1947 ; Pour une morale de l'ambiguïté, 1947; le Deuxième Sexe, 1949 ; les Mandarins, 1954 ; Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958 ; la Force de l'âge, 1960 ; la Force des choses, 1964 ; Une mort très douce, 1964 ; les Belles Images, 1966 ; la Vieillesse tous ces ouvrages aux éditions Gallimard. Ouvrages consacrés à Simone de Beauvoir : Francis Jeanson, S. de Beauvoir ou l'Entreprise de vivre, Seuil, 1966 ; Serge Julienne-Caffié, S. de Beauvoir, Gallimard.


BEAUVOIR Simone de (1908-1986)
Écrivain et féministe française.
Née dans une famille bourgeoise catholique, Simone de Beauvoir (1908-1986) décide très tôt qu’elle sera une intellectuelle et ne se mariera pas. Elle rencontre Jean-Paul Sartre en 1929 en préparant l’agrégation de philosophie, où il est reçu premier et elle deuxième. Leur entente est immédiate et totale. Partenaires dans le travail - chacun relit les manuscrits de l’autre -, ils forment un couple libre qui choque. Elle publie en 1943 L’Invitée, roman de leur trio amoureux avec une jeune femme.
Le couple est un pilier de la vie intellectuelle de l’après-guerre, marquée par l’existentialisme sartrien, et fonde en 1946 la revue Les Temps modernes. Reine mère de la ruche sartrienne, S. de Beauvoir, baptisée « Castor », se tient au centre de tous les réseaux et de toutes les œuvres, tout en poursuivant la sienne. En 1947, à Chicago, elle tombe amoureuse d’un écrivain, Nelson Algren, qui se lasse vite de sa place de « second ». Elle raconte cette histoire dans Les Mandarins qui obtient le prix Goncourt en 1954.
En 1949, paraît Le Deuxième Sexe, qui fait scandale. L’oppression des femmes, dit S. de Beauvoir, est le résultat d’une hiérarchisation établie par la société, qui donne l’homme comme la norme positive et la femme comme l’Autre. Une seule condition pour s’en libérer et accéder au monde de la conscience et de la création : l’indépendance économique. Elle interroge : « Peut-être que les femmes ont des enfants à défaut d’enfanter des œuvres ? »
Traduit dans le monde entier, Le Deuxième Sexe inspire tout le féminisme contemporain. Sa fameuse phrase : « On ne naît pas femme, on le devient » annonce le concept de « genre » des années 1980 qui décrit la construction sociale des rôles de sexe.
Ses autres œuvres majeures, dans les années 1950, sont plus autobiographiques : Mémoires d’une jeune fille rangée, La Force de l’âge, La Force des choses. Dans les années 1970, elle s’engage dans le nouveau mouvement féministe. Quand J.-P. Sartre disparaît en 1981, elle décrit les dix dernières années de sa vie dans La Cérémonie des adieux.


BEAUVOIR Simone de. Ecrivain français. Née à Paris le 9 janvier 1908. Elle appartient à une famille aisée, de religion catholique. A six ans, elle entre au cours Désir et observe les rites chrétiens mais perd la foi à quatorze ans. Elle passe l’agrégation de philosophie en 1929. Trois ans auparavant, elle a rencontré Jean-Paul Sartre. Nommée professeur de philosophie, elle enseigne et voyage beaucoup. En 1943, paraît son premier roman, L’Invitée, Elle quitte l’université. En 1945, elle appartient au premier comité de rédaction des Temps Modernes. Elle reprend ses voyages et se lie aux Etats-Unis avec l’écrivain Nelson Algren. En 1949, elle fait paraître Le Deuxième Sexe. En 1954, son roman Les Mandarins remporte le Prix Goncourt. Elle participe aussi au « Congrès du Mouvement de la Paix » à Helsinki, voyage en Chine. Au cours des années 1956-1962, elle mène de front la rédaction de ses mémoires et des voyages (Cuba, Brésil, U.R.S.S.). A mesure que se développe l’œuvre, la littérature proprement dite — à part deux courts récits, Les Belles Images (1966) et La Femme rompue (1967) — cède la place à l’essai et aux mémoires. Deux ouvrages, de courts traités, avaient déjà permis à Simone de Beauvoir de préciser sa pensée tout en restant fidèle à l'existentialisme. Dans Pyrrhus et Cinéas (1944) et Pour une morale de l’ambiguïté (1947), on trouve les idées qui sont à la base de toute l’œuvre. « Se vouloir libre, c’est aussi vouloir les autres libres. » « Ma liberté exige pour s’accomplir de déboucher sur un avenir ouvert : ce sont les autres hommes qui m’ouvrent l’avenir. » Dans L’Invitée, elle parut prendre le contrepied de ce principe. L’épigraphe empruntée à Hegel affirme que « chaque conscience poursuit la mort de l’autre ». Mais ce n’est que le premier moment de l’œuvre. Le Sang des autres (1945), un roman, puis la pièce Les Bouches inutiles (1945) prennent en compte la responsabilité de l’homme envers son prochain. Et donnent la première place à l’engagement dans la vie quotidienne. L’éthique humaniste allait voler en éclat au contact de l’Histoire. Et c’est ce constat d’échec que l’on trouve dans Les Mandarins, roman à clef qui pose le dilemme des intellectuels de gauche : Faut-il dénoncer les camps de concentration soviétiques au risque de nuire à la révolution ? Les Mandarins annoncent déjà l’œuvre de mémorialiste de Simone de Beauvoir, qui se développe sur deux plans. Celui de l’essai d’abord. Et c’est là sans doute l’apport essentiel de l’auteur du Deuxième Sexe — et il est considérable — à l’existentialisme. Défense et illustration du féminisme, cet ouvrage donne à ce mouvement un essor décisif et durable en France. A travers « Les Faits et les mythes », titre du premier volume, elle dresse un constat : « L’homme, au long de l’Histoire, est le Maître, la femme, l’Esclave. » Dans le second volume, « L’Expérience vécue », elle se livre à une série d’enquêtes sur la condition de la femme depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse. L’ouvrage a été contesté et attaqué, à la différence des mémoires, qui font l’unanimité. Se suivent Les Mémoires d'une jeune fille rangée (1958), La Force de l’âge (I960), La Force des choses (1963), Une mort très douce (1964) et Tout compte fait (1972) où elle parle de sa vieillesse pour répondre au public qu’avait bouleversé son essai sur La Vieillesse (1970). Son œuvre a exercé une forte influence sur le cours de la littérature française. Elle a contribué, surtout par ses essais, à donner le pas aux sciences humaines sur l’imaginaire.

La méthode de Mme de Beauvoir conduit en effet seulement à ébaucher des raisonnements et à les développer dans un style relâché pour faire vécu. » Jacques Laurent. « Simone de Beauvoir, la pieuse, élevée au cours Désir qui communiait trois fois par semaine, est devenue cette adversaire méprisante, mais qu’il nous est impossible de ne pas admirer, de ne pas aimer. » François Mauriac. « Éternelle étudiante, éternelle révoltée cherchant partout la misère cachée, la duperie, la statistique sinistre, la rencontre enrichissante, Mme de Beauvoir peut nous agacer parfois, elle nous touche toujours. » François Nourrissiez « Ici, la poésie, c ’est la vérité. Ici, personne ne triche. » Dominique Aury.


Philosophe, essayiste et romancière, née à Paris. Disciple de Sartre, d’abord, dans Pyrrhus et Cinéas (1944), Pour une morale de l’ambiguïté (1947), mais aussi romancière très personnelle (L’Invitée, 1943; Les Mandarins, 1954; La Femme rompue, trois récits, 1968), enfin auteur dramatique - peut-être, ici, en dehors de son talent véritable -, elle crée par contre, en 1949, une œuvre aussi neuve et vigoureuse qu’audacieuse par son thème, et d’une rare densité malgré ses quelque 1 500 pages, Le Deuxième Sexe (poursuivie, d’ailleurs, par Les Belles Images, 1966, et Les femmes s’entêtent, qui sera publié en volume longtemps après avoir paru dans la revue Les Temps modernes en 1964). L’accueil un peu vif, et parfois aigre, que réserva la critique à cette étude, pourtant fondamentale et menée avec la plus parfaite honnêteté, révèle le courage de l’auteur et confirme par là même l’utilité de son initiative. Les uns trouvèrent l’œuvre trop dénuée d’humour (un tel sujet est notoirement plaisant ; et le titre, d’ailleurs, ne foumirait-il pas la matière d’« un bon Feydeau » ?), les autres s’appliquèrent à chercher des « bourdes » (on s’indigna d’une affirmation « calomnieuse » concernant Cléo de Mérode, etc.). Le vrai scandale était ailleurs : dans le fait que la défense de la femme - abordée déjà maintes fois par des hommes au ton condescendant et charitable - était prise en main par une femme et sur le plan scientifique. D’abord, n’avait-on pas posé le problème comme résolu depuis longtemps (les années 1920 : la femme qui fume, les pantalons)? Et puis, au fond, dès 1863, Ibsen avait dit là-dessus le dernier mot : « Pourquoi la femme réclame-t-elle d’être notre égale, puisqu’elle nous est déjà supérieure ? » Ajoutons que Suzanne Lilar (dans Le Malentendu du «Deuxième Sexe», 1969) condamne Simone de Beauvoir, non sans quelque abus, pour timidité, et pour soumission à la morale « agressivement virile » de Sartre. Une magistrale et bouleversante enquête sur La Vieillesse (1970), tout aussi solidement documentée que Le Deuxième Sexe, n’a pas encore rencontré l’écho que l’on pouvait en attendre. Impertinence dans le choix du thème, une fois encore? Au total, le seul ouvrage non contesté jusqu’ici de Simone de Beauvoir reste - et c’est en effet un chef-d’œuvre, un autre chef-d’œuvre - les Mémoires d’une jeune fille rangée (1958), que suivront La Force de l’âge (1960), La Force des choses (1963) et Une mort très douce (1965) : mémoires sur une époque, en fait, bien plus encore qu'autobiographie. Il me faut, écrit-elle à cette occasion, un but à atteindre ; décidément, le deuxième sexe s’enhardit aujourd’hui jusqu’à nous disputer même nos valeurs. Plus intime, cette fois, mais tout aussi universel, La Cérémonie des adieux (1981), à l’occasion de la mort de Sartre, et, posthumes, ses Lettres à Sartre (1990).

Beauvoir (Simone de, 1908-1986.) Philosophe et écrivain français. Existentialiste, les liens qui l'unissent à Sartre ne l'ont pas empêchée de mener une œuvre personnelle. La condition féminine lui inspire Le Deuxième Sexe, qui fit scandale et la fait connaître du grand public. Le difficile problème de la relation à autrui, la situation des intellectuels au sein d’idéologies contradictoires, ou encore la mort, sont autant de thèmes qui, exprimés sous des formes diverses (romans, autobiographie, essais philosophiques), font de cet auteur un moraliste lucide. Refusant toute transcendance, elle s'attache particulièrement à montrer la responsabilité de l'homme confronté aux problèmes de son temps. Œuvres principales : L’Invitée (1943) ; Pyrrhus et Cinéas (1944) ; Pour une morale de l’ambiguïté (1947) ; Le Deuxième Sexe (1949) ; Les Mandarins (1954) ; Mémoires d’une jeune fille rangée (1958) ; La Force de l’âge (1960) ; La Force des choses (1963) ; Une mort très douce (1964) ; Tout compte fait (1972).


BEAUVOIR (Simone de), femme de lettres française (Paris 1908-id. 1986). Née dans une famille bourgeoise, agrégée de philosophie en 1929, elle enseigne d’abord, puis, à partir de 1943, se consacre à la littérature, en même temps que Jean-Paul Sartre, avec qui elle vit et continuera de vivre (la Cérémonie des adieux, 1981). Ses premiers essais, Pyrrhus et Cinéas (1944) et Pour u ne morale de l'ambiguïté (1947), sont marqués par la pensée de Sartre, mais une sorte de bonne volonté, de spontanéisme s'en dégagent qui sont étrangers à l'auteur de la Nausée et qui sont sensibles aussi dans son premier roman. Quand prime le spirituel, écrit dès 1937 et qui ne sera publié qu'en 1979. Cette affirmation de soi, cette présence et cette attention au monde, étrangères à la virtuosité de l'écriture comme aux vertiges philosophiques, caractérisent l'œuvre de Simone de Beauvoir. Si le Sang des autres (1945) et Tous les hommes sont mortels (1946) illustrent avec éclat les modes intellectuelles au moment de la Libération, l'invitée, dès 1943, voulait offrir une nouvelle image de la femme ; tel est aussi le souhait de la pièce les Bouches inutiles (1945). « On ne naît pas femme ; on le devient » : c’est la phrase clé de cette bible du féminisme qu’est le Deuxième Sexe (1949). La célébrité vient davantage encore avec les Mandarins (1954) : aboutissement prétendu du « roman existentialiste », il s'agit surtout d'un document de première main sur les mœurs intellectuelles du temps, marquées par les débats infinis au sujet du parti communiste ; Simone de Beauvoir épouse à peu près les sinuosités de la pensée sartrienne vis-à-vis des communistes français. Après l'Amérique au jour le jour (1947), elle écrit, dans la même lignée « engagée », une hagiographie maoïste, la Longue Marche (1957). Elle retrouve cependant une vision plus distanciée avec son travail de mémorialiste : les Mémoires d'une jeune fille rangée (1958), la Force de l'âge (1960), la Force des choses (1963) l'imposent comme un témoin privilégié de son temps, qui s'analyse avec une lucide et courageuse précision. Une mort très douce (1965) raconte la mort d'une mère, tandis que les Belles Images (1966) et la Femme rompue (1967) relancent le combat pour les femmes, qu'elle poursuit dans les Temps modernes (Les femmes s'entêtent, 1964). Le temps des bilans est venu avec la Vieillesse (1970), qui est à la cause du « troisième âge » ce que le Deuxième Sexe était à celle de la femme, et avec Tout compte fait (1972), qui relate, entre autres, les longs séjours romains de Sartre avec l'auteur, et qui sous une forme thématique fait la somme des aspirations et des contradictions d'un être qui n'a jamais trouvé le point d'équilibre de sa condition de femme et d'intellectuelle.