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SARTRE: LA MAUVAISE FOI

g) L’inconscient comme excuse de mauvaise foi, comme « mensonge à soi » (Sartre).

La Ψ a été contestée par une philosophie de la liberté pour laquelle l’inconscient introduirait un déterminisme et anéantirait la liberté de l’homme
Ne cherchons-nous jamais d’excuses à nos actes et ne nous abritons-nous pas derrière notre inconscient?
En effet, comment concevoir une conscience qui ignorerait ce qu’elle refoule et rejette? Comment est-il possible de refouler une représentation, un souvenir, si on ne commence pas par en avoir conscience? Pour censurer, la censure (le « surmoi ») de la conscience doit connaître ce qu'elle censure. Les phénomène de refoulement et de censure, décrits par Freud, ne sont que des cas de « mauvaise foi » »: chacun écarte de sa pensée ce qu’il ne veut pas voir ou savoir, les aspects du réel qui le gênent et tend à ne voir que ce qu'il a envie de voir. La mauvaise foi est l’art de se chercher des excuses. Se dire que l’on est ceci ou cela (méchant, amoureux, névrosé), c’est chercher à se confondre avec un rôle, un personnage, une sexualité, un destin. C’est fuir sa liberté et sa responsabilité. ON NE CHOISIT PAS D'ETRE ALCOOLIQUE MAIS ON CHOISIT DE BOIRE OU DE NE PAS BOIRE. ON NE CHOISIT PAS SON ENFANCE MAIS ON CHOISIT LE SENS A LUI DONNER.
Selon Sartre, la mauvaise foi inhérente à toute conscience nous épargne l'explication du clivage et du refoulement, et nous évite les conséquences philosophiques de la vision freudienne du psychisme, quant à l'unité de la conscience et à sa dignité. Cette tradition française de la philosophie refuse donc toute diminution de la responsabilité humaine : celui qui est de mauvaise foi n'est pas ignorant, innocent, trompé, au fond il sait.

⇨    Par cette critique du freudisme, Sartre entend sauvegarder la liberté souveraine de la conscience ainsi que l’unité et la transparence de la conscience, héritée de Descartes.


L'inconscient comme mauvaise foi : Sartre

Dans une autre perspective, J.-P. Sartre rejette l'inconscient freudien comme n'étant que la «mauvaise foi» hypostasiée et choséifiée (cf. "L'Être et le Néant", pp. 88-93). Qu’est-ce que la mauvaise foi ? C’est un mensonge à soi-même, «pour fuir ce qu'on ne peut pas fuir, pour fuir ce que l'on est ». Or, le recours à l'inconscient me justifie et me débarrasse du fardeau de ma liberté en m'expliquant que je suis déterminé par une entité psychique que je ne contrôle pas, que je ne suis donc pas pleinement responsable de mes actes, de mes choix. Subterfuge en vérité, puisque, si l’on y réfléchit, le prétendu inconscient nous apparaît comme largement conscient. De fait. « la censure, pour appliquer son activité avec discernement, doit connaître ce qu’elle refoule. Si nous renonçons en effet à toutes les métaphores représentant le refoulement comme un choc de forces aveugles, force est bien d'admettre que la censure doit choisir et, pour choisir, se représenter. [...] En un mot, comment la censure discernerait-elle les impulsions refoulables sans avoir conscience de les discerner?» (p. 91). L'analyse sartrienne ne refuse cependant pas toute idée d'inconscient. Pour elle, ce dernier est la «limite» que constitue «la structure de la conscience en général» (p. 539). Celle-ci ne peut donc plus apparaître comme l’effet de celui-là. L'inconscient n’est pas en moi en tant que « contenu », mais il est moi : il est l’ensemble des traces, des marques de mon vécu qui ont modelé ma manière d’être au monde. Mais ce passé nous ne le «recevons» pas. «Pour que nous "ayons" un passé, il faut que nous le maintenions à l’existence par notre projet même vers le futur [...] ; mais la nécessité de notre contingence implique que nous ne pouvons pas ne pas le choisir. C’est ce que signifie "avoir à être son propre passé". On voit que cette nécessité, envisagée ici du point de vue purement temporel, ne se distingue pas, au fond, de la structure première de la liberté qui doit être néantisation de l’être qu’elle est et qui, par cette néantisation même, fait qu’il y a un être qu’elle est» (p. 578). Ainsi, étant le «choix d’une fin en fonction du passé», la liberté n’est nullement incompatible avec la conception sartrienne de l’inconscient qui permet de fonder une « psychanalyse existentielle cherchant à déterminer le choix original » (p. 657), mais non pas une science psychanalytique.