SACERDOCE ET DE L'EMPIRE (lutte du)
Conflit qui opposa le Saint-Siège aux empereurs germaniques, aux XIIe et XIIIe s. Après que le concordat de Worms (1122) eut mis fin à la querelle des Investitures (v.), la question capitale restait de savoir à qui devait appartenir la domination universelle : au pouvoir spirituel ou au pouvoir temporel, au pape ou à l'empereur.
À la théorie pontificale, qui attribuait au pape le rôle supérieur de guide de la chrétienté et au pouvoir spirituel la prééminence sur le pouvoir temporel (théocratie), les empereurs opposaient une doctrine inverse, qui s'appuyait à la fois sur l'héritage franc et sur le droit romain, dont l'étude avait commencé dès le XIe s.
L'échec de Frédéric Barberousse
Innocent III et la fin des Hohenstaufen
L'échec de Frédéric Barberousse
L'impuissance de la papauté à maîtriser, à Rome même, la révolte d'Arnaud de Brescia, fournit à l'empereur Frédéric Ier Barberousse (1152/90) le prétexte de sa première intervention en Italie. Après avoir fait exécuter Arnaud de Brescia (v.), il rétablit le pape Adrien IV, qui le couronna empereur (18 juin 1155). Descendu l'année suivante en Italie, Frédéric Barberousse groupa les villes qui lui étaient fidèles (Brescia, Crémone, Parme, Plaisance) dans la ligue de Pavie, et il rappela énergiquement la suprématie de l'Empire à la diète de Roncaglia (nov. 1158). À la mort d'Adrien IV (1159), la majorité des cardinaux élut comme nouveau pape le cardinal Roland Bandinelli, qui prit le nom d'Alexandre III. Comme celui-ci lui avait déjà nettement marqué son hostilité, l'empereur fit reconnaître l'antipape Victor IV au synode de Pavie (1160) : c'était désormais la lutte ouverte entre le Sacerdoce et l'Empire. Jusqu'en 1177, l'Occident devait être divisé en deux camps, les rois d'Angleterre et de France continuant à reconnaître Alexandre III. Le pape avait aussi pour alliés le roi de Sicile et surtout la plupart des villes italiennes du Nord, qui, jugeant leurs libertés municipales menacées par les prétentions impériales, et nullement intimidées par la destruction de Milan (1162), formèrent contre l'empereur la première Ligue lombarde (1167). Une puissante forteresse, nommée Alexandrie en l'honneur du pape, fut construite dans le Piémont. Mis en échec par cette place lors de sa cinquième expédition en Italie, Frédéric Barberousse se vit infliger par la Ligue lombarde une défaite décisive à Legnano (29 mai 1176). Il dut conclure avec le pape la paix de Venise, dont la signature s'accompagna d'un cérémonial humiliant pour le pouvoir impérial (juill. 1177) ; les villes lombardes firent reconnaître leurs libertés communales par la paix de Constance (juin 1183). Cependant, avant de mourir, en 1190 à la croisade, Barberousse eut le temps de préparer l'encerclement de la puissance pontificale par le sud, en mariant son fils, Henri VI, déjà couronné roi d'Italie, à l'héritière du royaume normand de Sicile.
Innocent III et la fin des Hohenstaufen
Henri VI (1190/97) porta la puissance des Hohenstaufen (v.) à son apogée. Couronné empereur à Rome par le pape Célestin III (1191), puis roi de Sicile à Palerme (1194), il investit son frère Philippe de Souabe de l'héritage de la comtesse Mathilde de Toscane et plaça des barons allemands à la tête des duchés d'Ombrie, de Romagne et d'Ancône. Il rêvait en outre d'échapper à l'assujettissement du couronnement impérial en rendant l'empire héréditaire au profit de son fils, le futur Frédéric II. Son aspiration ultime était d'édifier un nouvel Empire à la fois germanique et méditerranéen qui eût pris la relève de l'Empire byzantin déclinant. Mais Henri VI mourut à trente-deux ans, peu avant l'avènement d'un des papes les plus énergiques de l'Histoire, Innocent III (1198/1216). Celui-ci sut profiter de la situation chaotique où était tombé l'Empire, livré à la compétition du gibelin Philippe de Souabe et du guelfe (v.) Othon de Brunswick. Tuteur du jeune Frédéric, il s'empressa de mettre la main sur toutes les terres d'Empire en Italie ; pour faire échec aux Hohenstaufen, il apporta son appui à Othon de Brunswick, mais en exigeant de lui l'abandon des traditionnelles prétentions des empereurs (traité de Neuss, 1201). Cependant, à peine couronné empereur (1209), Othon voulut à son tour conquérir l'Italie, et Innocent III fut obligé de miser désormais sur l'héritier des Hohenstaufen, le fils d'Henri VI, Frédéric.
000200000A680000110D A62,Couronné roi dès 1212 et empereur en 1220, Frédéric II, qui avait d'abord confirmé les abandons du traité de Neuss et promis de ne pas réunir la Sicile à l'Empire, ne tarda pas à décevoir les espérances pontificales. Fils de Constance de Sicile, ce prince plus méditerranéen que germanique tenait à l'Italie, non pas seulement en vertu de la théorie de l'empire universel, mais par les fibres les plus profondes de son être. Excommunié en sept. 1227 pour avoir tergiversé à tenir sa promesse de partir en croisade, Frédéric II ne fit qu'un court séjour en Palestine. Relevé de l'excommunication par le pape Grégoire IX après la paix de San Germano (13 juill. 1230), il se rapprocha pendant quelques années du Saint-Siège, qui lui savait gré du zèle qu'il mettait à pourchasser les hérétiques. En 1236 commença une nouvelle descente allemande en Italie ; l'armée de la seconde Ligue lombarde fut écrasée par les troupes impériales à Cortenuova (27 nov. 1237), et Frédéric II n'hésita pas à disposer de la Sardaigne, fief pontifical, en faveur de son fils Enzio. Grégoire IX répliqua en lançant contre lui une nouvelle excommunication (mars 1239), mais le pape mourut en 1241, et, pendant quelques années, Frédéric parut triompher. Cependant, le pape Innocent IV (1243/54), en dépit de ses anciens liens d'amitié avec l'empereur, reprit dès son avènement la lutte pour la liberté de l'Église. Forcé de s'exiler d'Italie, il convoqua à Lyon le XIIIe concile cuménique et prononça solennellement la déposition de l'empereur (17 juill. 1245).
Poursuivi avec acharnement par le pape, Frédéric II vit son pouvoir s'effriter rapidement ; en Allemagne, il fut abandonné par la quasi-totalité de l'épiscopat, et des prétendants suscités par Innocent IV réclamèrent le trône de Germanie ; en Italie, Parme se révolta et des complots se nouèrent à la cour même de l'empereur. Celui-ci mourut brusquement en déc. 1250. Mais c'est la lignée des Hohenstaufen que le Saint-Siège voulait maintenant anéantir : alors que l'Allemagne sombrait dans l'anarchie du Grand Interrègne (1254/73), Urbain IV donnait le royaume de Sicile à Charles d'Anjou, frère de Saint Louis, et lançait une croisade qui aboutissait à la mort de Manfred, bâtard de Frédéric II (1266), et, deux ans plus tard, à l'exécution du dernier Hohenstaufen, Conradin, par les Angevins, avec l'approbation au moins tacite du pape Clément IV. La papauté était donc victorieuse, mais le conflit entre pouvoir spirituel et pouvoir temporel allait se reproduire en des termes à peu près identiques lors de l'affrontement entre Boniface VIII et le roi de France Philippe IV le Bel. Voir INVESTITURES (querelle des).
SACERDOCE ET DE L'EMPIRE (Lutte du). Conflit qui opposa aux XIIe et XIIIe siècles le Sacerdoce (la papauté) et l'Empire (l'empereur), chacun prétendant dominer la Chrétienté et revendiquant l'universalité du pouvoir. Frédéric Ier Barberousse, désireux d'affirmer la puissance de l'Empire aux dépens de l'autorité du pape, combattit les villes de Lombardie. Il opposa un antipape à Alexandre III mais fut finalement vaincu par ce dernier. À l'avènement du pape Grégoire IX ( 1227), la lutte reprit et atteignit son point culminant avec Frédéric II, maître de la Sicile. Deux fois excommunié, l'empereur mourut en 1250, laissant ses États en pleine révolte. Le Sacerdoce l'avait emporté mais sortit très affaibli de ces luttes. Voir Guelfes et Gibelins.
Liens utiles
- DUPERRE, Victor Guy, baron (1775-1846)Amiral, il se distingue dans la lutte avec les navires anglais et est fait baron d'Empire, puis pair de France par Charles X et nommé amiral par Louis-Philippe.
- Clovis Ier par Pierre RichéProfesseur à l'Université de Paris Depuis le début du Ve siècle, l'Empire romain d'Occident lutte contre lesenvahisseurs germaniques : Vandales, Suèves, Burgondes, Goths, sansparler des Angles et des Saxons.
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