Rousseau et l'inégalité
« Je conçois dans l’espèce humaine deux sorte d’inégalités : l’une que j’appelle naturelle ou physique, parce qu’elle est établie par la nature, et qui consiste dans la différence des âges, de la santé, des forces du corps et des qualités de l’esprit ou de l’âme ; l’autre qu’on peut appeler inégalité morale ou politique, parce qu’elle dépend d’une sorte de convention, et qu’elle est établie ou du moins autorisée par le consentement des hommes ; celle-ci consiste dans les différents privilèges dont quelques-uns jouissent au préjudice des autres, comme d’être plus riches, plus honorés, plus puissants qu’eux, ou même de s’en faire obéir. On ne peut demander quelle est la source de l’inégalité naturelle, parce que la réponse se trouverait énoncée dans la simple définition du mot. On peut encore moins chercher s’il n’y aurait point quelque liaison essentielle entre les deux inégalités ; car ce serait demander en d’autres termes, si ceux qui commandent valent nécessairement mieux que ceux qui obéissent, et si la force du corps ou de l’esprit, la sagesse ou la vertu, se trouvent toujours dans les mêmes individus, en proportion de la puissance ou de la richesse : question peut-être bonne à agiter entre des esclaves entendus de leurs maîtres, mais qui ne convient pas à des hommes raisonnables et libres, qui cherchent la vérité. »
ROUSSEAU
(Discours sur cette question proposée par l’Académie de DIJON : Quelle est l’origine de l’inégalité et si elle est autorisée par la loi naturelle ?)
• Pour quelle raison l’une des « deux sortes d’inégalités» est appelée « naturelle » par Rousseau ? — Que signifie ici exactement « naturelle » ? — En quoi peut-il apparaître à Rousseau que « la différence... de la santé, des forces du corps et des qualités, de l’esprit ou de l’âme » est « établie par la nature » ? Qu’en pensez-vous ? • Pour quelle raison Rousseau dit-il qu’« on ne peut demander quelle est la source de l’inégalité naturelle » ? • Pour quelles raisons l’autre sorte d’inégalité est-elle appelée par Rousseau « inégalité morale ou politique » ? • Pour quelles raisons Rousseau dit-il qu’ « on peut encore moins chercher s’il n’y aurait point quelque liaison essentielle entre les deux inégalités » ? — Quel est le sens du verbe pouvoir ici ? • Pourquoi la question dont Rousseau fait état « ne convient pas à des hommes raisonnables et libres, qui cherchent la vérité » ? • Quelle(s) question(s) doivent — si l’on suit le raisonnement de Rousseau — poser des hommes raisonnables et libres à propos de l’inégalité ? • Quel est « l'enjeu » de ce texte? Que pensez-vous de la façon dont Rousseau instaure sa problématique ? En quoi ce texte présente-t-il un intérêt philosophique ?
Liens utiles
- De l'inégalité parmi les hommes selon Rousseau
- « Qu'on admire tant qu'on voudra la société humaine, il n'en sera pas moins vrai qu'elle porte naturellement les hommes à s'entre-haïr, à proportion que les intérêts se croisent, à se rendre mutuellement des services apparents et à se faire, en ejfet, tous les maux imaginables. »J.-J. Rousseau (note 9 du Discours sur l'inégalité). ®
- « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : « Ceci est à moi » et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. » Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. Commentez cette citation ?
- « Vous oubliez que les fruits sont a tous, et que la terre n'est à personne. » Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. Commentez cette citation ?
- Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : « Ceci est à moi » et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. Commentez cette citation.