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ROUSSEAU (vie et oeuvre)

Deux grandes questions ont préoccupé Rousseau: la liberté, qui est selon lui la véritable destination de l'homme, et l'alliance de la nature et de la société. Rousseau, quoique mal compris à son époque, est l'un des plus grands esprits du siècle des Lumières.

VIE

L'existence de Rousseau est marquée par l'errance et la marginalité. Autodidacte de génie, il s'intéressera tout autant à l'éducation, à la politique ou à l'économie qu'à la musique, au théâtre ou à la botanique.

La jeunesse errante (1712-1750)
1712: Rousseau naît à Genève. Son père est un artisan horloger.
1728: il quitte Genève. Il rencontre Madame de Warens auprès de qui il vivra, dans la région de Chambéry, les instants les plus heureux de sa vie. Celle-ci fera son éducation sentimentale, l'incitera à s'instruire.
1741: Rousseau s'installe à Paris. Il cherchera en vain à se faire connaître grâce à une nouvelle manière de noter la musique.

Le philosophe persécuté (17501778)
1750: il obtient le prix de morale de l'académie de Dijon.
1762: la publication du Contrat social et de l'Émile donne lieu à de nombreuses critiques. Menacé d'arrestation, il se réfugie à Londres. Il y mène une vie dissolue. De retour à Paris, il vivra huit années avec le sentiment d'être persécuté.
1778: il meurt à Ermenonville, dans la demeure du marquis de Girardin chez qui il avait trouvé asile.

OEUVRES

Ce qui caractérise l'oeuvre de Rousseau, c'est à la fois sa diversité (écrits philosophiques, romans, autobiographies, théâtre) et sa transparence: Rousseau refuse l'emploi de concepts inaccessibles au commun des mortels.

Discours sur les sciences et les arts (1750)
Grâce à ce «discours», Rousseau obtient le prix de morale de l'académie de Dijon. Ce texte constitue la première étape de l'oeuvre de Rousseau. La thèse est que les sciences et les arts, au lieu d'améliorer les moeurs, les ont, au contraire, corrompues.

Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1754)
Rousseau se demande comment, à partir d'un état de nature pacifique, dans lequel l'homme vivait simplement et librement, on en est arrivé à des sociétés où prévalent l'inégalité, le despotisme et la corruption.

Julie ou la nouvelle Héloïse (1761)
Il s'agit là d'un roman qui conte l'histoire d'un amour contrarié. Ce roman n'est pas étranger aux préoccupations philosophiques de Rousseau. Bien au contraire, il fait la louange d'une vie simple et rustique, celle des hommes à l'état de nature.

Le Contrat social (1762)
Le problème que Rousseau veut résoudre est le suivant: comment retrouver, au sein même de la société, l'harmonie, l'égalité, la bonté - ces trois grandes vertus qui, à ses yeux, caractérisent l'état de nature?

Émile (1762)
Rousseau dira que c'est le meilleur de ses écrits. Il s'agit d'un traité d'éducation. L'éducation est le principal moyen permettant à l'homme d'accéder à une liberté fondée sur l'égalité, la justice et la bonté. Cet ouvrage vaudra à Rousseau de terribles critiques, et de la part de la France catholique, et de la part de la Suisse protestante.

Les Rêveries d'un promeneur solitaire (17761778)
Rousseau, dont la vie fut bien souvent errante, était un solide marcheur. Il retranscrit dans ce texte le fruit des réflexions qu'il se faisait au cours de ses promenades quotidiennes. En marchant, Rousseau applique l'une de ses maximes: «On ne peut être heureux sur terre qu'à proportion qu'on s'éloigne des choses et qu'on se rapproche de soi.»

EPOQUE

Un siècle qui brille par son intolérance
Rousseau meurt la même année que Voltaire. Dix-huit ans les séparent. Rousseau n'a que cinq ans lorsque Voltaire est enfermé onze mois durant à la Bastille. Il a dix-huit ans lorsque la célèbre actrice Adrienne Lecouvreur meurt. Le clergé lui refuse la sépulture, son corps est jeté à la voirie. Il en a quarante-cinq lorsque le pouvoir interdit la publication de "L'Encyclopédie" et, par là même, persécute ouvertement les philosophes. Il en a cinquante lorsqu'ont lieu plusieurs exécutions de protestants; exécutions qui font grand bruit.

Un siècle qui brille par ses «Lumières»
Le siècle de Rousseau est aussi celui de Montesquieu, de Diderot, de d'Alembert, de Condorcet; autant d'esprits dont les idées vont conduire à la Révolution de 1789 et inspirer la «Déclaration des droits de l'homme». C'est pourquoi ce siècle aura aussi été celui des «philosophes».

APPORTS

Rousseau a sans cesse voulu la fraternité entre les hommes. Cette fraternité passe par la culture, seule capable de moraliser la société et de rendre la nature de l'homme toujours plus humaine.

Une reconnaissance tardive. Rousseau, de son temps, n'a pas été compris. Il n'a pas connu la gloire qui fut celle de Voltaire à la fin de sa vie. Ce sont les Allemands, et particulièrement Kant (lequel lui doit beaucoup), qui, les premiers, reconnaîtront l'originalité et la profondeur de sa réflexion. Il faudra attendre plus d'un siècle pour que soient publiées, en France, des études sérieuses sur Rousseau.

Un faux débat. On a reproché à Rousseau de se faire une idée trop naïve de la nature humaine. En fait, son seul défaut est d'avoir cru que les hommes, avant d'être civilisés, étaient naturellement bons. Que le point de départ de sa philosophie soit manifestement erroné (anthropologues et paléontologues montrent que l'humanité , à ses origines, était belliqueuse), voilà qui ne veut pas dire que sa pensée n'a aucune valeur. Bien au contraire! Rousseau va inspirer des philosophes de la taille de Kant ou de Hegel.

Postérité-actualité. La philosophie de Kant doit beaucoup à Rousseau. Lorsque Rousseau dit que, pour faire de la bonté une vertu, il faut se connaître soi-même en profondeur, savoir que l'on ne désire pas posséder autrui, mais que l'on désire ce que l'autre désire, il inspire Hegel. Lorsqu'il affirme que le regard vaut plus que les mots, il dénonce (déjà) les travers de la société actuelle, laquelle dénature le regard en lui associant des mots qui valorisent le paraître (ce que fait constamment la publicité).

« C’est de l’homme que j’ai à parler. »

C’est surtout comme penseur politique que Rousseau a exercé une influence déterminante. Sa doctrine politique repose sur une conception optimiste de la nature de l’homme.

L’homme est naturellement bon : il éprouve une répugnance innée à voir souffrir ses semblables, car la « pitié naturelle » est avec l’amour de soi l’une des deux passions fondamentales de l’homme. Mais la société l’a corrompu. Ce sont paradoxalement les progrès de la raison humaine qui ont rendu, selon Rousseau, « l’homme méchant en le rendant sociable ». Car, si c’est la faculté de se perfectionner ou « perfectibilité » (néologisme employé pour la première fois, semble-t-il, par Turgot) qui distingue l’homme de l’animal et rend possible le développement de sa raison, elle est aussi à l’origine de sa dénaturation et de la perversion de son naturel. Dans le Discours sur l’origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, parfois appelé simplement "Second Discours", Rousseau retrace ce qu’a pu être cette évolution de l’être humain, depuis un état de nature, dont il se plaît à souligner, à la différence de ses prédécesseurs, le caractère hypothétique et qu'il décrit comme un état de liberté, d’innocence et d’oisiveté dans lequel chaque homme aurait vécu isolé de ses semblables, jusqu’à l’état de société dans lequel il se trouve. Ce dernier est responsable de tous les vices et de tous les maux que l'homme endurent. Il ne saurait être question, malgré les lazzis d’un Voltaire, de revenir à cet état originaire qui n’a de toute façon « peut-être jamais existé, qui n’existe pas et qui n’existera peut-être jamais ». L’innocence est à jamais perdue et cela n’est pas nécessairement négatif : si le développement des facultés intellectuelles de l’homme peut être la cause de sa dépravation, elle le rend aussi capable de moralité. II n’y a qu'un être de raison qui puisse être un être moral.

L'état de société ne doit donc pas être rejeté, mais il faut en corriger les effets pervers. Reprenant à son compte l’affirmation, chère aux théoriciens classiques de l'école du droit naturel, de l’égalité naturelle des hommes entre eux (cf. aussi Hobbes), Rousseau souligne que les hommes sont « naturellement aussi égaux entre eux que le sont les animaux de chaque espèce». Les inégalités sont donc le fruit du passage à l’état social, plus particulièrement de l’avènement d’un certain type de société fondée sur la propriété. « Le premier, qui ayant enclos un terrain, s’avisa de dire, ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire fut le vrai fondateur de la société civile » ("Second Discours"). La société existante (à l’époque de Rousseau) repose donc sur une imposture, une mystification, un contrat de dupes conçu par les riches pour faire « d’un droit d’usurpation un droit irrévocable », que Rousseau appelle ironiquement loi de l'inégalité. Il faut donc, pour Rousseau, substituer à ce « contrat de dupes », où « tous coururent au-devant de leurs fers pour assurer leur liberté », un véritable contrat qui ne lèse aucune des parties contractantes, et qui assure l’égalité des hommes sans pour autant aliéner leur liberté. C’est le projet du "contrat social", qui a pour but de montrer que l’autorité politique n’a pas son fondement dans la nature, mais dans des conventions. « L’homme étant né libre et maître de lui-même, nul ne peut, sous quelque prétexte que ce puisse être, l’assujettir sans son aveu. » Autrement dit, nul n’a par nature le droit de commander à autrui : « Force ne fait pas droit. » De ce que les hommes sont inégaux en force et intelligence , il ne résulte aucunement que les uns aient le droit de commander et les autres l’obligation d’obéir. Rousseau s’oppose aux penseurs monarchistes, pour lesquels l’autorité politique a son fondement et tire sa légitimité de la nature, dans la mesure où elle dérive de l’autorité paternelle. On ne peut, en effet, assimiler l’autorité politique à l’autorité paternelle, ni identifier la figure du chef politique avec celle du père. Reprenant la critique traditionnelle des théoriciens de l’école du droit naturel, Rousseau réaffirme que la seule source de légitimité du pouvoir politique réside dans des conventions. Mais c’est l’inspiration démocratique du "Contrat social" qui en fait la nouveauté. En effet, pour Rousseau, seul le peuple est souverain, seul il est source d’autorité, c’est-à-dire de pouvoir légitime. Sa souveraineté est intransférable, incommunicable et inaliénable. C’est pourquoi le fondement du pouvoir civil doit être non pas un acte de soumission à la manière de Hobbes, mais un pacte d’association. De même qu’un homme ne peut se vendre comme esclave sans renoncer à sa qualité d’homme, de même un peuple ne peut se soumettre à un maître absolu sans perdre sa qualité de peuple. « Dire qu’un homme se donne gratuitement, c’est dire quelque chose d’absurde et d’inconcevable ; un tel acte est illégitime et nul, par cela seul que celui qui le fait n’est pas dans son bon sens. Dire la même chose de tout un peuple, c’est supposer un peuple de fous. La folie ne fait pas droit. » Le pacte de soumission grâce auquel on prétend rendre légitime l’esclavage et la tyrannie n’est pas un véritable contrat, car il établit l’égalité dans l’obéissance au prix de la liberté individuelle. Il s’agit donc de trouver « la seule forme d’association par laquelle chacun s’unissant à tous, n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant ». Ce problème fondamental du contrat social trouve sa solution dans un engagement réciproque du public avec les particuliers, où la collectivité, le corps du peuple considéré comme une personne morale, au sens juridique, contracte un engagement avec ses membres pris individuellement. En effet, le contrat social consiste essentiellement en ceci : « chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout. » Les sujets et le souverain sont donc les mêmes personnes envisagées sous différents rapports. Les citoyens restent ainsi libres, dans la mesure où ils se soumettent à des lois qui sont le fruit et l’expression de la volonté générale du corps du peuple. Ils se soumettent ainsi à leur propre volonté en tant que membre du souverain et comme tels obéissent aux lois qu’ils se sont eux-mêmes prescrites. Perdant leur liberté naturelle, il gagnent une liberté civile et la propriété de tout ce qu’ils possèdent.

Textes importants de Rousseau

 




[…] générale: Pour Rousseau, la société est comparable à un corps. Toutes les parties qui le composent contribuent à son […]



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[…] » (séminaire protestant) de Tübingen. Avec ses condisciples, Hölderlin et Schelling, il lit Rousseau et Kant. Il s’enthousiasme pour les idées de la Révolution française, mais il est très […]



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