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ROLLAND Romain

ROLLAND Romain. Ecrivain français. Né à Clamecy (Yonne) le 29 janvier 1866, mort à Vézelay le 30 décembre 1944. D’une vieille famille de bourgeois bourguignons de tradition protestante et républicaine, il passa toute son enfance dans la douceur de la vie provinciale. En 1880, la famille Rolland vient s’établir à Paris et Romain, âgé de quatorze ans, commence à suivre les cours du lycée Saint-Louis, puis de Louis-le-Grand, où il découvre avec enthousiasme les œuvres de Shakespeare et de Victor Hugo. Reçu à l’Ecole Normale en 1886, c’est dans le « cloître de la rue d’Ulm » qu’il rencontre André Suarès, qui allait devenir son ami. A la même époque — tandis que paraît Ainsi parlait Zarathoustra, de Nietzsche —, Romain Rolland étudie Spinoza et envoie des lettres à Tolstoï. Agrégé d’histoire à vingt-trois ans, en 1889, il va passer deux années à l’Ecole d’Archéologie de Rome : c’est en Italie qu’il connaîtra ses grandes révélations, soit parmi les souvenirs de la Renaissance et devant les chefs-d’œuvre de Michel-Ange, soit au cours de ses entretiens avec Malwida von Weysenbug, amie de Mazzini, de Wagner, de Nietzsche, et qui fut pour le jeune homme une sorte de médiatrice vers les héros : dès cette époque il commence à écrire et dresse la première ébauche de son Jean-Christophe. Passionné de musique, c’est aussi en Italie qu’il travaille à sa thèse sur l'Histoire de l’Opéra en Europe avant Lulli et Scarlatti. Mais l’Allemagne l’attire plus encore peut-être : à son retour à Paris, il va devenir l’un des champions du wagnérisme. Comme le maître de Bayreuth, il rêve, à sa manière, de recréer un théâtre à l’image de celui des Grecs, vraiment populaire parce qu’il remettrait en valeur les grandes oppositions élémentaires : ainsi, en 1897, Rolland fait-il représenter Aert et Les Loups, et compose-t-il plus tard, dans le même esprit, Danton (1900), et Le Quatorze Juillet (1901), qui formeront Le Théâtre de la Révolution. A la même époque, il entrait aux Cahiers de la Quinzaine de Péguy : renouvelant la musicographie d’une part, avec Haendel et Musiciens d’autrefois, suivi de Musiciens d’aujourd’hui, d’autre part exprimant sa conception d’un héroïsme humanitaire dans une Vie de Beethoven, qui fit la célébrité de l’auteur et devint le livre de toute une génération, — suivi par une Vie de Michel-Ange en 1905, et une Vie de Tolstoï en 1911 —, Romain Rolland menait une vie de pauvreté et de solitude, en marge des milieux littéraires et mondains, et le plus souvent à l’étranger, en Suisse et en Italie. Il voulait en effet se consacrer entièrement à sa grande œuvre, cette vaste fresque de Jean-Christophe, roman d’apprentissage qui était une innovation en France et dont le premier volume parut en 1904. Dix ans plus tard, alors que son ami Péguy, rallié au nationalisme et au catholicisme, allait tomber dès la bataille de la Marne, Rolland, surpris en Suisse par la guerre alors qu’il achevait son Colas Breugnon, prit une position pacifiste dans Au-dessus de la mêlée, livre aussi mal reçu en France qu’en Allemagne, qui donna lieu à de furieuses polémiques et enleva à son auteur de nombreuses amitiés — mais Rolland reçut en 1916 le Prix Nobel de Littérature. Rentré en France en 1919, il était devenu un écrivain « engagé » dans la politique : ce fut son idéal pacifiste qui lui inspira Clérambault en 1920 et qui l’amena à fonder la revue Europe en 1922 et à s’intéresser à l’hindouisme (Vie de Ramakrishna, Vie de Vivekananda) et aux théories de la non-violence (Mahatma Gandhi, 1923). Au fur et à mesure que la politique européenne recommençait à s’aggraver, Romain Rolland évoluait vers la Russie soviétique, s’efforçant de « concilier la pensée de l’Inde et celle de Moscou », et proclamant en 1927 son adhésion au communisme. Il n’en poursuivit pas moins entre-temps son œuvre littéraire (L’Ame enchantée, 1922-34) et ses études de musicologie avec plusieurs volumes sur les « grandes époques créatrices » de Beethoven. Lorsque éclata la Seconde Guerre mondiale, Rolland, qui venait de publier en 1939 un drame sur Robespierre, vivait dans la retraite à Vézelay. Malgré les profondes secousses morales de la défaite et de l’Occupation, il consacra ses dernières années à écrire une biographie passionnée de son ami Péguy (1944), dialogue émouvant et véritable confession spirituelle, dont il faut rapprocher Le Voyage intérieur, essai autobiographique paru en 1936. Romain Rolland devait mourir quelques mois après la Libération; son journal et sa correspondance sont en cours de publication. Partagé entre Nietzsche et Tolstoï, entre le rêve et l’action, entre l’idéalisme et l’exigence rationaliste, Romain Rolland séduit d’abord par ces balancements et ces hésitations, qui révèlent au moins une infatigable disponibilité pour l’enthousiasme. Il apparaît comme une sorte de Tolstoï français, prenant au sérieux et gonflant de lyrisme les sentiments généreux, professant un humanisme centré sur le culte de la Révolution et sur un amour idéaliste de la Vie, dont on peut toutefois se demander s’il ne l’eût pas exprimé plus aisément par la musique que par les lettres. Rolland est en effet un des très rares écrivains français dans la culture desquels la musique ait joué un rôle prépondérant. Longtemps, trop respectueux de toutes les manifestations de la Vie, Rolland a semblé se refuser à choisir : sa passion de la liberté restait du côté du sentiment et de la sensation, du songe. Tout son effort, depuis la première guerre, tendit au contraire à enraciner cette liberté dans une communauté, et les raisons qui l’ont poussé vers le communisme rappellent assez celles d’un André Gide. D’un point de vue strictement littéraire, on n’oubliera pas que Jean-Christophe introduisit en France le roman-cycle, montrant ainsi leur voie à un Jules Romains et à un Roger Martin du Gard.
♦ « Nous avons à savoir que cet homme glorieux n ’a jamais fait la cour à aucune puissance, et ne prit jamais conseil que de lui-même. » Alain. ♦ « ... Sa vie est devenue un Destin, comme celle de Voltaire, comme celle de Hugo, et plus d'une fois, il a pu sembler que c 'étaient les destinées même de l'Europe qui étaient toutes à l'ouvrage pour composer sa figure et son œuvre. Romain Rolland était pour le monde entier le héros de l'Europe. » Jean Guéhenno. ♦ « Rolland se refuse à jouer auprès de ses semblables le rôle d'une autorité. Il exige de chacun qu'il reconnaisse la seule autorité de sa conscience... Pour venir en aide à toute une génération, il a suffi à Rolland de montrer en pleine lumière, des hauteurs de son isolement, comment un homme par sa fidélité à l'idée qu'il a une fois reconnue vraie, peut la rendre vivante en tous temps. » S. Zweig.