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René de Obaldia

Poète, romancier et auteur dramatique né le 22 octobre 1918 à Hong-Kong. Sa mère était française et son père panaméen. Etudes au lycée Condorcet à Paris. Fait prisonnier pendant la guerre, reste quatre ans dans un camp de Silésie. Avec trois recueils de poèmes, quatre romans, et plus d’une vingtaine de pièces de théâtre ou radiophoniques, l’œuvre d’Obaldia, encore trop méconnue, compte parmi les plus originales et les plus savoureuses de notre temps. Le succès de la pièce Du vent dans les branches de sassafras, représentée en 1965 au Théâtre Gramont à Paris avec Michel Simon dans le rôle principal, lui a permis, enfin, d'accéder à la consécration internationale.

Il est vrai que cette lenteur à s’imposer, malgré la rapide reconnaissance de gens aussi perspicaces que Ionesco ou Maurice Nadeau, s’explique par la difficulté qu’il y a à cerner l’œuvre d’Obaldia, à l’impossibilité de l’enfermer dans des catégories littéraires établies. Et c’est bien sûr ce qui en fait tout le charme et l’originalité. Si Midi, son premier recueil, entrait directement sous l’enfluence surréaliste, dès Les Richesses Naturelles (1952) «récits-éclairs», à la fois contes et poèmes en prose, une invention verbale originale se faisait jour sous les oripeaux du macabre et de l’humour noir. Composé dans le calme du Centre Culturel International de Royaumont ou il exerce, de 1952 à 1954, les fonctions de secrétaire-général, Tamerlan des Cœurs, son premier roman toujours sous le couvert d’un humour cosmique, révèle plus encore le nihilisme et l’inquiétude du poète. Tamerlan des Cœurs dont Maurice Nadeau n’avait peut-être pas tort de penser, dans sa postface à la réédition de poche (10/18) en 1964, qu’il s’agissait du « plus beau moment » de l’œuvre d’Obaldia, ce roman où rêve et réalité se jouent de toutes les frontières de la psychologie, de la linéarité et de l’inconscient collectif (ou si l’on préfère de l’Histoire dont l’individu est en même temps l’exemple singulier et la reproduction à x exemplaires), ce roman donc cache sous sa frivolité apparente une profonde conscience de la tragédie qui habite l’homme contemporain. « Roland sonnait du cor », tel est le leitmotiv ironique à partir duquel éclatent dans un syncrétisme visionnaire toutes les atrocités, tous les bains de sang de l’Histoire, toutes les conquêtes sauvages dont les aventures sentimentales du héros, Jaime Salvador, jeune et beau critique littéraire, sont le reflet en creux, l’image négative, qui conduit inexorablement à la Mort. Exaltant la liberté du langage d’Obaldia, M. Nadeau dit justement que « l’innocence d’Obaldia n’est pas un refus de voir les choses comme elles sont. » On serait tenté de dire : au contraire. L’humour n’est qu’un déguisement supérieur du désespoir. Il est vrai que l’on s’amuse fort à l’œuvre d’Obaldia. L’on rit de bon cœur à telle trouvaille de langage, à tel jeu sur les mots, à telle situation vaudevillesque habilement retournée. Et l’on sait bien qu’aujourd’hui le rire est toujours suspect, ce qui explique peut-être qu’au début, l’œuvre d’Olbaldia n’ait pas été prise avec tout le « sérieux » qu’elle mérite. D’ailleurs, comme à plaisir, il s’est plu lui-même à brouiller les cartes offrant à ses metteurs en scène des pièces qui ont été tirées soit vers le boulevard, soit vers l’absurde, soit encore vers le théâtre gestuel... Il faut dire aussi que malgré sa profonde originalité, Obaldia a subi trop longtemps des comparaisons éclairantes, certes, mais qui l’ont desservi. Bien sûr, les cousins d’Obaldia s’appellent Jarry,Queneau, Ionesco, voire Beckett. Maurice Nadeau trouve ainsi une jolie formule quand il dit qu’Obaldia serait un Giraudoux qui aurait fréquenté l’école surréaliste. Et en même temps, chacun reconnaît qu’en « doux anarchiste », — nullement révolté ni agressif —, Obaldia s’est livré à une entreprise de démolition à laquelle n’ont échappé aucun dogme littéraire ou idéologique, aucune institution, aucune famille ni patrie. Plutôt que de parler d’écriture automique, ne vaut-il pas mieux dire avec Paul Jolas, dans son utile étude parue dans Rencontres artistiques et littéraires (n° 11-12-13-1976), qu’Obaldia, tout en libérant son imagination, surveille ses associations, « rassemble tel un Démiurge, les créations de l'Histoire ». C’est parce qu’il est un vrai poète qu’il peut, tant dans ses romans que dans ses pièces, faire éclater les limites des genres. Voyez son recueil Innocen-tines, (1969), ou l’on retrouve la charmante Eudoxie, en quelque pays des merveilles carrolien, comme si elle revenait narguer les critiques bien-pensants qui avaient crié au scandale parce qu’en 1963, dans Le Satyre de la Villette, Obaldia avait « osé » mettre en scène cette petite-fille face aux rêves d’un satyre malgré lui ! Quel tact au contraire dans la dérision, véritable enchantement d’un art de la comptine où alternent non-sens enfantin et caricature badine !

« ... A Belgrade T’en prends pour ton grade, A Yokohama Faut se faire tout plat. A Madrid On vous tient en bride. A Pékin Faut-être pour Mâ-chin. (...) N’y a qu'à Viroflay Que je fais Ce qui me plaît ! »

Irrévérencieux, le poète l’était depuis Genousie, où il séduisait en personne la femme d’un auteur dramatique, dans un langage de rêve, le « génousien ». Ce qui compte, c’est le désir libéré. Dans Classe Terminale (1973), les élèves qui ont tué le professeur, et donc le père et la société, crient qu’il faut « inventer des poèmes que personne ne pourra expliquer ». Se moquant de la logique, l’univers obaldien, amusé et provocateur, dénonce néanmoins des choses tragiques. Et, au premier chef, la « bêtise universelle », celle par exemple du péril atomique comme dans Le général Inconnu (1964). Faire rire en grinçant des dents et en réinventant toujours un peu plus les moyens qui nous sont donnés pour « parler » notre condition est le propre des très grands poètes. Nul doute qu’Obaldia ne soit l’un des grands burlesques contemporains. Il semble aujourd’hui que l’on s’en persuade : Le Satyre de la Villette a été repris en 1974 à la Télévision Française, non sans qu’une intervention préalable ait mis en garde les chastes oreilles ; Genousie a été redonné à la radio en 1975, tandis qu’au Théâtre de l’Oeuvre, Michel Bouquet prêtait son talent au personnage principal de Monsieur Klebs et Rosalie ; Poivre de Cayenne et Le Défunt, deux des impromptus, sont en 1976 rejoués dans un café-théâtre parisien ; et enfin, Fugue à Waterloo, le second roman d’Obaldia, publié en 1956 et réédité en 1976, est adapté pour la troisième chaîne de télévision. ► Bibliographie

Poésie

Midi, 1949, La pipe en écume ; Les Richesses Naturelles, 1952, Julliard, 1970, Grasset, éd. revue et augmentée. Innocentines, 1969, Grasset ; Romans Tamerlan des Cœurs, 1964, Plon ; Fugue à Waterloo, 1956, Julliard, et 1976, Grasset, suivi de Le Graf Zeppelin ou la Passion d'Émile, Le Centenaire, 1959, Plon ; Théâtre, Grasset Théâtre I Genousie, Le Satyre de ta ViHette, Le Généra! Inconnu. Théâtre II L'air du large. Du vent dans les branches de sassafras. Le cosmonaute agricole. Théâtre III Sept impromptus à loisir, L'azote, les défunt. Le sacrifice du bourreau, Edouard et Agrippine, Les Jumeaux étincelants, Le Grand Vizir, Poivre de Cayenne. Théâtre IV Le Damné, les larmes de l'aveugle, Urbi et Orbi. Théâtre V Deux femmes pour un fantôme, La Baby-sitter, Classe terminale. Le Banquet des méduses. Théâtre VI Et à la fin était le bang. Monsieur Klebs et Rosalie.

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