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René CLÉMENT

Né en 1913 à Bordeaux (Gironde). René Clément a d’abord réalisé quinze courts métrages remarqués entre 1937 et 1944. Depuis, on le qualifie généralement de grand technicien du cinéma français. On lui attribue un César d’honneur et le tour de la bonne conscience est joué. Mais depuis plus de dix ans on ne le laisse plus tourner. Ce qui est regrettable, car René Clément n’est pas qu’un simple et bon artisan. Sa filmographie est disparate. Il a touché à plusieurs genres. Mais à y regarder de près, un thème obsessionnel revient régulièrement: la manipulation de l’être, par le destin (Les Maudits), par l’hérédité (Gervaise) et surtout par les nommes eux-mêmes (Monsieur Ripois, Les Félins, La Baby-Sitter). Les personnages de Clément n’ont pas d’autonomie. Ils agissent soumis à leurs passions dévorantes (Barrages contre le Pacifique) ou écrasés par leurs penchants autodestructeurs (Ripois). Ils sont des victimes et n ont cesse d’échapper à leur souillure (Le Passager de la pluie); ils sont agresseurs et seront agressés (Plein soleil), le destin les guette, les traque et les révèle à eux-mêmes (Le Jour et l’Heure, La Maison sous les arbres). Les scénarios qu’il tourne sont en général très structurés. Rien n’est laissé au hasard. Clément contrôle tout, du travail d’un Aurenche et d’un Bost (Jeux interdits) à celui de son directeur de la photo. Son style est celui de tout cinéaste qui part d’une histoire solide. Il la met en scène en la respectant. Il filme donc à l’américaine. C’est carré, juste, pertinent, inattaquable. Une telle esthétique, modeste et fonctionnelle, devait le conduire à se tourner vers Hollywood. Barrage contre le Pacifique, Le Jour et l’Heure et Les Félins furent les antichambres qu’il s’imposa pour se voir confier la réalisation de Paris brûle-t-il? Il parvint alors à égaler Zanuck et ses trois réalisateurs du Jour le plus long. Puis il s’essouffla, car il commit l’erreur de tourner des scénarios confus et d’abuser des tics optiques de l’époque (les longues focales de La Maison sous les arbres par exemple). Sans réussir à retrouver la grâce de Jeux interdits, l’audace du Château de verre (cf. le flash-forward de l’accident d’avion à la fin) ou la beauté de Plein soleil, René Clément est toutefois parvenu, avec La Course du lièvre à travers les champs, à renouer avec son thème favori, prouvant que l’artisan à la technique sûre est aussi un artiste au regard certain. À quatre-vingt-un ans, John Huston tournait encore. Pourquoi pas René Clément, qui n’en a que soixante-quinze et dont le bureau croule sous les projets?

— A. Farwagi, René Clément, Se-ghers, coll. «Cinéma d’aujourd’hui», 1966. — L'Avant-Scène cinéma a publié les découpages de Jeux interdits (n° 15, mai 1962), Monsieur Ripois (n° 55, janvier 1966) et Plein soleil (n° 261, février 1981).

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