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René ALLIO

René ALLIO

Né en 1924 à Marseille (Bouches-du-Rhône).

Venu de la peinture, René Allio a été d’abord un homme de théâtre, où son activité est passée de la décoration à la conception de dispositifs scéniques. C’est dans ce cadre que, pour les besoins d’une mise en scène de Roger Planchon à Villeurbanne, il réalise, en 1959, ses premiers travaux cinématographiques. Contemporain des efforts de déconstruction du récit, il a parfois été associé, à tort, à ce courant. Comme il venait du théâtre et que son premier film s’inspire d’un texte de Brecht (en fait, une très brève nouvelle), on en a fait un apôtre de la distanciation, ce qui relève d’une approche quelque peu hâtive. Il est vrai que le naturalisme qui s’exprime dans plusieurs de ses films (La Vieille Dame indigne, Retour à Marseille, voire Moi, Pierre Rivière...) s’édifie contre les illusions du réel. Il est vrai aussi que la contestation des codes narratifs est à l’œuvre tout au long de son travail. Mais Allio apparaît, plus fondamentalement, comme le cinéaste d’une reconstruction (et non de la déconstruction) du réel à l’écran. En outre, il est l’auteur français qui s’est le plus penché sur l’imaginaire, avec un souci constant du cadre posé par les rigueurs de la société. La Vieille Dame indigne avait en 1965 tous les aspects du jeune cinéma (nouvel auteur, jeunes producteurs, absence de vedettes, etc.). Il se distinguait pourtant catégoriquement des œuvres des nouveaux cinéastes de l’époque par sa douce insolence vis-à-vis des conformismes: une vieille dame décide soudain, à la mort de son mari, de vivre autrement. Sans révolte. Le ton du film et le soin accordé aux déterminations sociales dans le comportement des deux fils de l’héroïne, la qualité de la description d’un quartier populaire de Marseille, ont su rallier la critique et émouvoir le public. Les deux films suivants montrent le même soin apporté au décor qui sous-tend la fiction. Pierre et Paul campe un personnage de cadre brusquement chancelant devant les mirages de la société de consommation. L’Une et l'Autre, réalisé un an auparavant sur le thème du dédoublement de la personnalité, est moins marqué par la folie que par le jeu et par une sorte de recherche de «l’efficacité» psychologique. Introduisant le rapport entre l’imaginaire de son héroïne et la quotidienneté, le film annonce déjà Rude journée pour la reine et peut être aussi Le Matelot 512. Mais auparavant, René Allio réalise Les Camisards qui reconstitue la résistance du peuple protestant cévenol à la répression de l’État catholique de l'Ancien Régime. Sans héros individuel ni star, le récit se soumet à l’analyse historique, construite uniquement par l’étude de documents bruts, sans la médiation des travaux de l’Histoire savante. Moi, Pierre Rivière..., concentré au contraire sur un cas individuel, va plus loin encore dans la reconstitution d’un réel (la Normandie vers 1835) livré à plusieurs lectures possibles. Rude journée pour la reine s’organise sur deux plans: la vie réelle d’une famille simple et le travestissement de cette existence banale en clichés venus tout droit de la presse du cœur et des hebdomadaires tels que France-Dimanche ou Ici-Paris. Dans Le Matelot 512, Allio se montre fasciné par des stéréotypes analogues. Il exploite un texte inédit où la vie réelle de l’auteur (qui lui a confié son texte) prend toutes les formes conventionnelles du récit populaire, y compris les plus mélodramatiques. Déjà sensible à l’importance du travail de création hors de Paris dans ses années de théâtre, René Allio a tourné beaucoup de ses films dans les régions, et plus particulièrement dans son pays natal. Il a fondé en 1980 le Centre méditerranéen de création cinématographique où il a animé une sorte de laboratoire-école dont la Production est la plus homogène e tous les centres régionaux analogues des années quatre-vingt. Symbole de son établissement en région, il réalise en 1979 Retour à Marseille, qui est aussi un retour à la simplicité narrative de La Vieille Dame indigne. Comme à ses débuts, le réalisme social, mêlé ici de références plus insistantes (l’histoire de l'immigration italienne) ou contemporaines (les jeunes tentés par la délinquance), ne masque jamais la profondeur et la justesse des sentiments. Son retour au pays natal est aussi marqué par un essai dont la part de subjectif est avouée: L’Heure exquise, conçu pour la télévision mais également exploité en salle, voit les souvenirs de l’auteur servir l’évocation du passé de la ville de Marseille.

— Dossier Moi, Pierre Rivière... par René Allio, Pascal Bonitzer, Danièle Dubroux, Pascal Kané, Jean Jourdheuil et Serge Le Péron, Cahiers du cinéma, n° 271, novembre 1976.

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