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Raymond Abellio

Raymond Abellio (Georges Soulès) est né le 11 novembre 1907, à Toulouse. Elève de l’Ecole Polytechnique, puis de l’Ecole Nationale des Ponts-et-Chaussées. Ingénieur des Ponts-et-Chaussées. En 1937 : membre du comité directeur de la SFIO, tendance d ’extrême-gauche. Prix Sainte-Beuve en 1946 pour son premier roman, les Yeux d’Ezéchiel sont ouverts. Il publiera d’autres romans et des essais philosophiques.

Dans ses romans comme dans ses essais, Raymond Abellio se veut le témoin de la crise de l’Occident. Crise historique : non seulement politique, mais spirituelle. Dans cette crise, l’une des tâches est de former « une classe d’intellectuels sans maîtres, ni drapeaux, consciente de son inutilité et de sa force ». Le moment est venu de « la fin de l’ésotérisme » : de son accomplissement et de la désoccultation de la Tradition. Le moment est venu d’une nouvelle gnose. On aurait tort de confondre cette pensée avec un penchant pour l’occultisme vulgaire et ignare, un goût de l’irrationnel, le désir d’un repli rêveur sur le passé, la célébration de la Tradition contre la science. Tout au contraire, Abellio cherche à concilier les contraires : les sciences ésotériques et les sciences modernes, la Kabbale (par exemple) et la phénoménologie. S’il parle d’extase intérieure, ou plutôt, d'enstase, c’est en homme instruit de Husserl. Longtemps, Abellio fut sans doute un romancier admiré, mais discrètement, et un penseur « marginal », quelque peu suspect d’être un esprit « réactionnaire », et dont les vues sur le monde semblaient sans grand rapport avec le « réel » de l’Histoire. Aujourd’hui, sur l’échiquier intellectuel, beaucoup de pièces ont changé de place ; et la crise que nous vivons met sans doute l’œuvre d’Abellio dans une lumière nouvelle. Il se trouve qu’en même temps, Abellio écrit et publie son autobiographie : Ma dernière mémoire. Testament et élucidation du chemin, de son sens. Le mieux, pour découvrir cet écrivain singulier et attachant, c’est peut-être de se plonger dans l’un de ses romans, Heureux les pacifiques, par exemple, qui présente, non sans énigmes, une génération d’intellectuels à la veille de la guerre. Ou bien, de lire la Fin de l’ésotérisme. Ou encore, de lire les premières pages d’Un faubourg de Toulouse : « J’aspire à la surnature et non à la dénature. Toute mon histoire est une lutte pour sortir de la matrice géante des mères de l’ombre, refuser la protection et la tutelle de leurs morales, l’ivresse de leur lyrisme et de leur chant profond et endormeur, et cette puissance fatale d’un ordre souterrain qui ne me soumet que par les prestiges et les fantasmagories de mon désordre. C’est par cette lutte que je me conquiers. Et une conviction désormais définitive m’habite que si je dois brûler c’est par ma propre clarté du dedans, par cette lumière que j’émets en rassemblant ma propre chaleur. Voilà ce qu’est selon moi la vraie vie : le moment et le lieu où la chaleur se transforme en lumière pour que le moi devienne intérieur. (...) J’appelle forts ceux qui ne demandent rien, mêlant à la mienne leur lumière, qui est la même. »

► Principaux titres

Romans : Heureux les pacifiques, 1946, Flammarion ; les Yeux d'Ezéchiel sont ouverts, Gallimard 1950 ; la Fosse de Babel, Gallimard, 1962 ; Essais : Vers un nouveau prophétisme, Gallimard 1947 ; la Bible, document chiffré, Gallimard, 1950-51 ; la Structure absolue, Gallimard, 1964; la Fin de l'ésotérisme, Flammarion, 1973 ; Ma dernière mémoire. Un faubourg de Toulouse, Gallimard, 1971.

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