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Raphaël Pividal

Né en Argentine en 1934. Professeur de philosophie. La guerre, puis une fausse paix ont rendu l’histoire imperceptible comme « la trace ennuyée d’un doigt sur une table recouverte de poussière », et les histoires inutiles. Ainsi s’ouvre l’univers romanesque de Pividal : un délaissement, une faille, qui vont produire un déplacement général des êtres et des phrases. L’espace est celui d’une cité interdite, vaguement malade, compliquée, paradisiaque par artifice, où les paroles s’échangent dans des bulles, où les hommes sont figés dans l’ancestral et le lunaire. C’est notre monde, mais réduit chaque fois, circulaire et encerclé. Une utopie sans utopie, des monastères sans transcendance, des bordels sans transgression. John {Tentative de visite) est une sorte de Robinson dépourvu de toute créativité, le Robinson de la décadence : délivré du savoir et de la technique, son seul outil intellectuel est « une taulologie vide » ou des machines aberrantes. Le hasard, le cancer, la vacuité ont effacé Dieu, la Raison et la Technique. Le monde est un ready-made. Voici Voltaire renversé par un Voltaire de l’an 2000. La cité, l’île, se retrouvent en ce Paris {Plus de quartier) où se croisent les discours de Breton, de Jarry, Verne, Borges ou Duchamp : on dirait le grattement cynique d’un cloporte au rire froid (on pense naturellement à Lautréamont, cet autre montévidéen) qui viendrait visiter les arrières salles de la culture, des idées bêtes, des stéréotypes artistiques ou psychanalytiques, des badinages révolutionnaires, etc. La fascination de Pividal pour l’équation est l’expression d’un terrorisme langoureux, la conséquence d’un ennui rapiécé ou tout simplement d’une intelligence aquatique et minérale. Dans le Capitaine Nemo et la science, puis récemment dans La Maison de l’écriture, Pividal s’en prend avec la même dose de faux sérieux à la science bidon, à la fausse rigueur, quelle soit technicienne ou psychanalytique. «Le savoir n’est pas une chose gratuite, mais une question de vie ou de mort. » La littérature elle-même (pour elle-même ?) est une pitrerie de bureaucrates stériles qui ne tirent plus un semblant d’existence que du système constitué depuis des siècles sous le contrôle de l’Etat. Candide du fait littéraire, Pividal annonce la disparition prochaine de cette convention étrange : la littérature et de ce copiste sans copie : l’écrivain. Apparemment c’est le contraire de Kafka mais en fait c’est la même chose. ► Bibliographie

Une paix intéressante, 1963 ; Tentative de visite à une base étrangère, 1969 ; Plus de quartier pour Paris, 1970 ; Emily et une nuit, 1974, aux éditions du Seuil ; Le capitaine Nemo et la science, 1972, Grasset ; La maison de l'écriture, 1976, Seuil ; Pays sages, 1977, Rupture.

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